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Full text of "Considérations pratiques sur les névralgies de la face"

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Open  Knowledge  Gommons  and  Harvard  Médical  School 


http://www.archive.org/details/considrationspOOhall 


CONSIDÉRATIONS 

PRATIQUES 


.   NÉVRALGIES 

f 

DE  LA  FACE, 


PAR  HALLIDAY, 

DOCTEUR  EN   MÉDECINE 

DES    FACULTÉS     d'eDIMBOURG    ET    DS     PAT. 


^wcy^. 


IMPRIMERIE  ET  FONDERIE  DE  A.  PINARD; 

QUAI    VOLTAIRE,     K°     \^. 


183^ 


m 


I 


AVANT-PROPOS. 


Une  maladie  fort  ^rave ,  et  pourtant  compa- 
tible avec  toutes  les  apparences  de  la  santé  la 
plus  florissante,  qui  n'a  peut-être  pas  une  seule 
fois  causé  directement  la  mort,  mais  qui  l'a  bien 
souvent  fait  désirer  par  les  douleurs  atroces 
qui  l'accompagnent  et  le  découragement  moral 
qui  la  suit,  la  névralgie  de  la  face  n'a  été  depuis 
long-temps  en  France  l'objet  d'aucun  travail 
particulier.  On  s'est  occupé,  il  est  vrai,  de  re- 
cherches sur  les  névralgies  en  général ,  sur  le 
siège,  la  nature  de  ces  affections,  sur  les  moyens 
de  vaincre  leur  opiniâtreté;  mais,  outre  que  le 
succès  n'a  pas  toujours  répondu  aux  efforts 
qu'on  a  faits  pour  l'atteindre,  une  connaissance 
même  approfondie  de  cette  classe  de  maladies 
ne  saurait  dispenser  de  faire  une  élude  particu- 
lière d'un  genre  qui  se  distingue,  sous  bien  des 
rapports,  par  les  caractères  différentiels  les  plus 
tranchés.  L'une  de  ces  circonstances,  dans  les- 
quelles  le  médecin  ,  au  bout  des  ressources 


usuelles  de  sou  art,  est  obligé  trépuiser,  conli  e 
une  maladie  réfractaire,  la  série  des  expériences 
faites  par  ses  prédécesseurs,  nous  ayant  obligé 
à  prendre  connaissance  de  tout  ce  qui  avait^té 
écrit  sur  la  névralgie  de  la  face,  nous  avons  été 
frappé  de  la  lacune  que  nous  venons  de  si- 
gnaler dans  la  littérature  médicale  française,  et 
nous  avons  cru  qu'il  pouvait  être  aussi  utile  au 
public  qu'il  l'était  à  nous-même,  de  recueillir  les 
documens  relatifs  à  cette  matière,  qu'on  trouve 
dispersés  dans  une  foule  d'opuscules  et  de  jour- 
naux étrangers ,  et  d'en  présenter  les  résultats 
dans  un  mémoire  de  peu  d'étendue. 

Ce  n'est  point  un  livre  que  nous  avons  voulu 
faire.  Nous  n'avons  ni  traité  toutes  les  questions 
qui  se  rattachaient  au  sujet,  ni  épuisé  toutes 
celles  que  nous  avons  abordées.  Les  dévelop- 
pemens  que  nous  avons  donnés  àquelques  unes, 
sont  moins  proportionnés  à  l'étendue  qu'ils  de- 
vraient avoir  dans  un  ouvrage  régulier ,  qu'au 
degré  d'attention  ou  d'oubli  dont  elles  avaient 
été  jusqu'ici  l'objet,  et  au  plus  ou  moins  d'in- 
térêt des  faits  divers  entre  lesquels  nous  avions 
à  choisir.  Enfin,  nous  avons  passé  plus  d'une 
fois  légèrement  sur  des  points  qu'il  pourrait 
être  utile  d'approfondir. 

Plus  libre  de  disposer  d'un  temps  que  nous 


(3) 

devions  à  d'aulres  occupations,  nous  aurions 
mieux  fait,  sans  doute,  et  cet  opuscule  aurait 
piî  y  gagner  quelque  agrément;  mais  ce  n'est 
point  à  cela  qu'il  ose  prétendre  :  nous  voudrions 
seulement  qu'il  pût  être  de  quelque  utilité. 
Un  mot  sur  le  titre  que  nous  lui  avons  donné  : 
La  maladie  dont  nous  entreprenons  de  trai- 
ter, a  été  désignée  par  des  dénominations  fort 
diverses;  il  suffira  d'indiquer  les  suivantes  : 
Arétée  en  parle  sous  le  titre  de  sTepoxpavia  ;  elle 
a  été  désignée  en  latin  par  les  noms  de  trismus 
dolorijïcus ,  trismus  arthrilicus  ,  affectiis  spas- 
modico-conviilsivus  lahiorum;  André  lui  donna 
celui  de  tic  douloureux ;V\\\o\^  celui  de  inaladie 
de  la  face;  Reil  et  Ploucquet,  celui  àe  prosopal- 
gia  nervosa,  d'après  Fothergili,  qui  l'avait  nom- 
mée painf'ul  affection  of  theface.  Les  Anglais 
ont  conservé  cette  manière  de  la  désigner  ;  les 
Italiens  Xdc^^^ewX,  prosopalgia^  les  Allemands 
Gesichtsschmerz,  ce  qui  est  précisément  la  même 
chose.  Chaussier ,  ayant  désigné  les  affections 
douloureuses  des  cordons  nerveux  par  le  nom 
de  névralgies,  n'eut  qu'à  ajouter  une  dénomi- 
nation spécifique  pour  désigner  le  tic  doulou- 
reux qui  appartient  évidemment  à  cette  classe 
de  maladies;  il  l'appela  névralgie  faciale.  Nous 
aurions  conservé  ce  nom,  s'il  n'avait  l'inconvé- 


(4) 

nient  de  s'appliquer  d'une  manière  particulière, 
et  en  quelque  sorte  exclusive,  à  la  névralgie  du 
nerf/acial,  qui  est  bien  loin  d'être  la  plus  com- 
mune. Nous  présumons,  qu'après  la  lecture  de 
ce  mémoire,  on  pensera  que  le  seul  nom  qui 
puisse  être  conservé  est  celui  auquel  nous 
avons  donné  la  préférence. 


# 


CONSIDERATIONS 

PRATIQUES 


«     LES  NEVRALGIES 

DE  LA  FACE. 


CONSIDERATIONS  GENERALES. 

Aperçu  historique. 

Il  est  une  classe  de  maladies  qu'on  pourrait  dire, 
en  quelque  sorte ,  nées  pour  le  tourment  des  mé- 
decins aussi  bien  que  pour  celui  des  malades.  Sou- 
mises à  une  espèce  de  caprice,  on  les  voit  céder 
dans  un  cas  à  l'emploi  d'un  traitement  qui  a  échoué 
dans  vingt  autres,  ou  résister  sans  faiblir  aux  re- 
mèdes les  mieux  éprouvés;  et  l'on  pourrait  dire 
d'elles,  sous  ce  rapport,  que  leur  caractère  cons- 
tant est  de  n'en  point  avoir  de  tel.  Ces  maladies 
sont  les  névralgies.  Long-temps  confondues  avec 
des  affections  de  nature  très  diverse,  elles  n'ont 
été,  que  dans  les  temps  modernes,  distinguées  en 


(  6  ) 
une  classe  à  part.  Si  le  cadre  nosographique  pré- 
sente peu  de  maladies  qui  offrent  aux  yeux  de  l'ob- 
servateur des  traits  plus  propres  a  les  faire  recon- 
naître, il  n'en  renferme  pas  une  seule  peut-être 
dont  la  nature  soit  enveloppée  de  plus  d'obscurité. 
On  s'en  aperçoit  aux  systèmes  dont  elles  ont  été 
l'objet;  et,  de  toutes,  celle  qui  en  a  fait  naître  le 
plus,  c'est  peut-être  la  névralgie  faciale,  c'est-à- 
dire  celle  précisément  dont  il  y  a  le  moins  de  temps 
qu'on  s'occupe.  On  pourrait  dire  en  effet  que  l'é- 
tude du  lie  douloureux  date  à  peine  des  derniers 
siècles  qui  ont  précédé  le  nôtre  :  tout  ce  qu'on 
trouve  dans  les  ouvrages  antérieurs  à  ceux  d'An- 
dré, Sauvages  et Fothergill,  n'aboutit  presque  qu'à 
démontrer  qu'on  ne  fut  pas  plus  exempt  autrefois 
qu'aujourd'hui  des  atteintes  de  celle  affection  re- 
doutable. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  il  ne  nous  paraît  pas  hors  de 
propos  d'en  recueillir  les  traces  dans  les  premiers 
monumens  de  l'art ,  et  de  suivre ,  à  travers  les  épo- 
ques de  notre  histoire,  la  série  des  observations  et 
des  idées  qui  ont  eu  cours  sur  cette  matière. 

Nous  remonterons  jusqu'à  la  source  primitive  de 
la  science  des  anciens  temps ,  moins  dans  l'espoir 
d'y  puiser  des  notions  d'une  grande  importance, 
que  pour  suivre  une  sorte  d'habitude  reçue,  et  en 
cédant  à  une  curiosité  bien  naturelle  et  qui  n'est 
pas  toujours  vaine. 

L'observation  suivante  d'Hippocrate  ne  se  rap- 
porte-t-elle  point  au  tic  douloureux  de  la  face?  On 


a  €ru  reconnaître  souvent,  dans  les  écrits  du  père 
de  la  médecine,  des  maladies  dont  la  description 
s'éloignait  bien  plus  encore  de  la  nature  que  ne  fait 
celle  que  l'on  va  lire. 

«  Phenicis  affectïo  ea  quidem  erat,  dextro  oculo 
fuigetrse  sibi  prsemicare  videbantur,  parvoque  pos- 
tea  temporis  intervallo  dolor  ad  tempus  dextrum 
instabat,  deinde  per  capul  ac  collum.  Caput  inten- 
debatur  rétro  ad  verticula,  et  distentio  et  durilies 
circum  tendines ,  et  ubi  caput  commovere  ,  aut 
dentés  diducere  conabatur,  non  poterat,  ut  qui 
valde  distendebatur.  Vomitiis,  ubi  facti  fuis- 
sent, prsedictos  dolores  avertebant  et  leniores  fa- 
ciebant.  Sed  et  venae  sectio  proderat  et  veratri 
potio,  eduxit  autem  varia,  et  omnigena,  maxime 
vero  prasina.  Epidem.  Lib.  V.  ad  fin.  Obs.  repet., 
in  lib.  VII.  « 

L'élégant  auteur  qui  représente  pour  nous,  tout 
entière,  la  médecine  des  Romains,  paraît  n'avoir 
pas  ignoré  l'existence  de  la  maladie  qui  nous  oc- 
cupe. A  la  vérité,  on  a  eu  tort  de  citer,  comme  s'y 
rapportant,  le  chapitre  (lib.  iV,  cap.  n,  art.  2) 
où  il  traite  de  celle  désignée  par  les  Grecs  sous  le 
nom  de  Spasine  cynique,  affection  aiguë  et  fébrile, 
qui  n'a  nul  rapport  avec  la  névralgie  faciale  ;  mais 
Geise  semble  avoir  en  vue  quelque  chose  d'analogue 
au  tic  douloureux,  lorsqu'il  dit,  en  parlant  des  di- 
verses espèces  de  céphalalgie  :  «  Prseter  hsec,  do- 
lor- intolerabilis,  maxime  circa  tempora,  veloccipi- 
tium bique  omnes  dolores  modo  in  febre,  modo 


(8) 
sine  hac  sunt  :  modo  in  toto  capite,  modo  in  parte; 

INTERDUM  SIC  ,  UT  ORIS  QUOQUE  PROXIMAM  PARTEM  EX- 
GRUGIENT.  Lib.  IV,  cap.  II.  » 

Aretée  est  bien  plus  explicite  et  plus  précis;  il 
manque  peu  de  chose  à  sa  description  pour  donner 
de  la  maladie  une  idée  juste  et  complète ,  bien 
que  cette  description  se  trouve  mêlée  a  celle  de  la 
migraine  ordinaire.  «  Formae  cephalese,  dit  l'au- 
teur, infinitae  sunt.  Quibusdam  enim  perpetuus 
dolor;...  non  nuUis  per  circuitus  revertitur,  ut  iis 

qui  quotidiana  intermittente  febricitant dolor 

modo  est  in  toto  capite,  modo  in  dextra  magis, 
modo  in  sinistra,  modo  circa  frontem,  aut  sinci- 
put  :  haecque  eodem  die  incerto  et  erratice  fieri  so- 
ient. Quidam  dextra  tantum  parle  dolent,  quidam 
Iseva  ;  qua  tempus,  vel  auris,  vel  supercilium  upum , 
vel  oculus  ad  médium  usque  terminalur,  vel  qua 
nasus  in  aequas  partes  dividit  :  ultra  quem  termi- 
num  dolor  non  progreditur,  dimidium  tantum  ca- 

pitis  occupans Haud  levé  malum  :  quaravis 

intermittit,  quamvis  exiguum  esse  prima  specie 
videtur  :  nam  si  acute  interdurn  impetum  faciat, 
fœda  atque  atrocia  detrimenta  atfert  :  nervi  dis- 
tenduntur,  faciès  obtorquetur;  oculi  vel  contenti 
instar  cornu  rigidi  sunt  :  vel  hue,  atque  illuc  in- 
terius  convelluntur,  ac  vertiginose  agitantur  :  in 
ipsisque  dolor  profundus  usque  ad  intimas  tunicas 

descendit neque  uUa  causa  praecessit,  perinde 

ac  si  quis  ligno  plagam  inflixerit (De  Caus.  et 

sign.  diuturn.  Lib.  I,  cap.  ii.)  » 


(9  ) 

Cœlius  Aurelianus,  traitant  de  la  céphalée,  dit 
quelque  chose  d'assez  analogue  à  ce  qui  précède  ; 
il  parle  même  d'une  forme  de  Themicranie,  ayant 
son  siège  dans  les  muscles  delà  tempe,  et  désignée 
par  les  Grecs  sous  le  nom  de  KpoTacpov  ;  mais  on 
lit  surtout  dans  son  précieux  ouvrage  une  des- 
cription du  rapt  as  caninus ,  qui  doit  trouver  place 
ici.  «  In  ista  passione  constitutos,  dit  Cœlius,  se- 
quitur  conclusio,  sive  contractio  repentino  motu 
veniens  ac  recedens  sine  ulla  corporis  turbatione, 
in  utriusque  labii  ultimo  fine,  sive  oris  angulo,  ut 
etiam  buccas  adducat  in  posteriorem  partem  cre- 
berrime,  tanquam  ridentibus,  nunc  palpebras,  vel 
supercilia  ac  nares,  ut  eliam  colla  atque  humeros 
rapiat,  etila  patientes  faciat  commoveri,  tanquam 
onus  humeris  bajulantes  transferendi  ponderis 
causa.  »  S'il  y  avait  de  la  douleur  dans  le  raptiis 
caninus,  ce  qu'on  pourrait  induire  peut-être  du 
rapprochement  de  quelques  endroits  du  livre  de 
Cœlius  Aurelianus,  dans  lesquels  il  semble  qu'il  soit 
fait  allusion  à  celui-ci,  ce  raptas  ne  serait  pas  diffé- 
rent de  la  prospalgie;  au  cas  contraire,  la  descrip- 
tion qu'on  vient  de  lire  se  rapporte  admirablement 
au  tic  non  douloureux ,  et  nous  avons  dû  la  rappeler, 
car  ces  deux  maladies  ne  sont  pas  sans  analogie. 

Nous  ne  connaissons  de  Galien  aucun  passage 
duquel  nous  puissions  dire  positivement  qu'il  s'ap- 
plique à  notre  objet.  A  la  vérité,  pour  affirmer 
des  œuvres  d'un  écrivain  aussi  enclin  aux  digres- 
sions que  Galien ,  et  h  qui  il  arrive  si  l'réquem- 


(  1^  ) 

ment  de  parler  d'un  sujet  à  l'occasion  d'un  autre, 
qu'on  n'y  trouve  rien  sur  un  point  déterminé,  il 
faudrait  le  lire  d'un  bout  à  l'autre  tout  exprès  pour 
s'en  assurer,  et  nous  avouerons  franchement  que 
nous  serions  peu  disposé  à  nous  imposer  en  ce 
moment  une  pareille  tâche.  Quoi  qu'il  en  soil,  voici 
parmi  les  souvenirs  qui  nous  restent  de  la  lecture 
de  cet  auteur,  ce  qui  nous  semble  aller  le  mieux  à 
notre  but.  «  In  iis  quos  convulsio  correptura  est, 
dit-il  en  un  endroit,  hic  muscuius  (le  peaucier) pri- 
mus  omnium  tenditur.  Itemque  ea  affectio  quam 
caninam  convulsionem  Dominant,  musculum  hune 
potissimum  occupât.  (De  Dissect.  musc.,  cap.  i.)^) 
Dans  un  autre  endroit,  déjà  remarqué  et  cilé  par 
Rhazès;  il  dit  :  «  Spasmus  aut  accidit  in  toto  cor- 
pore,  sic  epilempsia  :  aut  accidit  medietati  corporis 
ad  modum  spasmi  accidentis  antrorsum  aut  re- 
trorsum  :  aut  accidit  in  membro  :  sicut  tortura 

NERVI  VENIENTIS  LABOS  ET  MANDIBULIS  ET  NASO  *,  prO- 

grediuntur  a  pari  tertio  nervorum  cerebri  :  alias 
progrediuntur  a  parte  interiori  cerebri.  »  Cette 
dernière  réflexion  est  remarquable;  peut-être  au- 
toriserait-elle à  supposer  à  Galien  des  connaissances 
plus  étendues  sur  ce  sujet,  que  celles  dont  on  trouve 
clairement  l'exposition  dans  ses  écrits;  mais  ce 
n'est  pas  d'élever  une  telle  discussion  qu'il  peut 
être  question  pour  nous  en  ce  moment. 

Oribase,  Alexandre,  Aetius,  Paul  d'Égine,  Ac- 
tuarius,  n'ont  rien  qui  puisse  nous  arrêter. 

Les  Arabes  ne  paraissent  pas  non  plus  avoir 


(  11  ) 

connu  le  lie  douloureux.  Le  passage  de  Rhazès\ 
cilé  par  Dreyssig^^  ne  saurait  s'appliquer  à  celle 
maladie ,  et  celui  d'Avicenne^,  où  Pujol,  suivi  de- 
puis par  Sprengel ,  avait  cru  en  trouver  la  descrip- 
tion ,  ne  se  rapporte  évidemment  qu'à  la  paralysie 
de  la  face.  Toutefois  l'un  et  l'autre  de  ces  auteurs 
rappellent  les  idées  de  Galien  sur  les  spasmes  de  la 
face;  mais  la  manière  dont  ils  le  font  prouve  elle- 
même  qu'ils  n'entendaient  pas  les  appliquer  h  une 
affection  spéciale  dont  les  caractères  eussent  été 
aussi  propres  que  ceux  de  la  névralgie  de  la  face 
à  les  frapper  d'une  manière  particulière. 

La  même  remarque  s'applique  parfaitement  à 
Balescon  de  Tarenle  et  à  Bernard  de  Gordon,  qu'on 
a  aussi  cités,  mais  sans  plus  de  raison,  comme 
ayant  eu  connaissance  du  tic  douloureux.  Leurs 
successeurs,  jusqu'au  dix-septième  siècle,  n'y  son- 
gèrent pas  davantage. 

Tout  ce  qu'on  peut  induire  de  ce  qui  précède,  c'est 
qu'on  avait  eu  probablement ,  dès  lors ,  plus  d'une 
fois  occasion  d'observer  la  névralgie  faciale ,  mais 
que  la  science  n'avait  encore  tiré  nul  profit  d'obser- 
vations recueillies  sans  exactitude  et  décrites  sans 
précision e  L'absence  de  ces  deux  qualités,  dans  les 
observations  de  médecine,  devient  de  moins  en  moins 
sensible,  pour  le  tic  douloureux  comme  pour  toutes 

'   Contùi. jlih.  1,  cap.  5,  éd.  venet.,  iSsg. 
^    Trait,   du  Diagnostic  Médical ,  tr.  de  l'allem.;  Paris^ 
i8o4,  p.  45i. 

^  Ca/z.,  3,  fen  2,  cap.  i5. 


(  12) 
les  maladies ,  à  mesure  que  les  progrès  de  la  philo- 
sophie expérimentale,  au  dix-septième  siècle,  ap- 
prennent à  donner  beaucoup  plus  de  place  à  l'ex- 
position simple  et  nue  des  faits,  et  beaucoup  moins 
aux  explications  ou  théories  hypothétiques. 

Strobelberger  fut,  dans  ce  siècle,  un  des  premiers 
qui  paraissent  avoir  eu  connaissance  de  la  maladie 
qui  nous  occupe;  mais  le  seul  titre  de  son  livre 
{De  Podagra  dentium)  doit  faire  présumer  que  ce 
n'est  pas  cet  ouvrage  qui  nous  a  suggéré  la  réflexion 
qui  précède  sur  les  progrès  de  la  bonne  méthode. 
Outre  les  exemples  plus  ou  moins  curieux  de  cé- 
phalalgie ou  d'odontalgie,  rassemblés  dans  l'hn- 
portant  recueil  des  mémoires  de  l'Académie  des 
curieux  de  la  nature ,  qui  ne  paraissent  pas  entiè- 
rement étrangers  à  notre  objet,  ce  recueil  ren- 
ferme plusieurs  faits  qui  s'y  rapportent  évidem- 
ment, et  que  leurs  auteurs  ont  reconnus  pour 
constituer  une  maladie  particulière.  La  première  a 
pour  sujet  le  fondateur  même  de  cette  académie, 
Laurent  Bausch  %  qui  succomba  épuisé  par  quatre 
années  de  tourmens  que  lui  avait  fait  endurer  une 
névralgie  maxillaire.  Un  autre  médecin  ,  atteint 
d'une  névralgie  frontale,  ne  put  s'en  débarrasser 
par  aucun  traitement,  et  la  porta  jusqu'au  tom- 
beau. Daniel  Ludwig,  qui  nous  a  conservé  ce  fait^, 
dit  avoir  assez  fréquemment  vu  des  cas  analogues. 

'   Miscell.  acad.  natur.  curios.  Dec.  I,  an  II. 
^  Miscell.  acad.  natur.  curios.  Dec.  I ,  an  III. 


(13) 

Degner,  le  même  à  qui  l'on  doit  un  ouvrage 
estimé  sur  la  dyssenterie  qui  régna  à  Nimègue 
en  1736,  a  tracé,  avec  une  exactitude  qu'on  n'a  pas 
toujours  surpassée  depuis,  l'histoire  d'une  névral- 
gie, dont  nous  reproduirons  plus  loin  les  détails ï. 
Fr.  Hoffmann 2,  et  quelques  autres  praticiens,  en 
firent  aussi  connaître  quelques  cas. 

La  science  en  était  à  ce  point  à  l'époque  où 
André ,  chirurgien  de  Versailles ,  publia  ses  re- 
cherches sur  cette  matière^.  Des  faits  dispersés, 
et  décrits  comme  le  sont,  en  général,  des  observa- 
tions insolites  dont  on  ignore  la  valeur  et  le  ca- 
ractère ,  voilà  tout  ce  qu'on  possédait  ;  et  encore 
les  hommes  que  leur  propre  expérience  aurait  mis 
en  état  d'en  saisir  l'analogie  avec  ce  qu'ils  avaient 
eux-mêmes  observé,  en  ignoraient-ils  jusqu'à  l'exis- 
tence. C'estau  chirurgien  de  Versailles  quenous  ve- 
nons de  nommer,  et  non  à  l'anglais  Fothergill ,  qu'il 
faut  faire  honneur,  non  pas  d'avoir  parlé  le  premier 
du  tic  douloureux  de  la  face,  ils  avaient  été ,  comme 
on  l'a  vu  ci-dessus,  prévenus  en  cela  l'un  et  l'autre, 
mais  d'avoir  connu  le  véritable  caractère  de  la  ma- 
ladie. Toutefois,  ce  ne  fut  point  l'inventeur  qui 
réussit  le  mieux  à  appeler  sur  ce  sujet  l'attention 
des  médecins  ;  cet  avantage  était  réservé  à  des  écri- 

'  Act.  acad.  nat.  ciir.,  t.  ï,  p.  347- 
^  Consult,  med.,  de  cap.  Morb. 

3  Obs.  prat.  sur  les  maladies  de  Turèthre  et  sur  plusieurs 
faits  convulsifs,  etc.  Paris,  "^J^^  y  in-i2. 


(   14  ) 

vains  dont  le  nom  eut  plus  de  poids  que  le  sien; 
tels  furent  Sauvages^  et  Fothergilh.  Tliouret  et 
Andry-^  furent  ceux  qui  publièrent  les  observations 
les  plus  nombreuses  et  les  plus  importantes.  Pujoî4 
mit  au  jour  la  première  monographie  qui  ait  été 
composée  sur  la  matière  ;  et  cet  ouvrage ,  malgré  sa 
teinte  on  peu  trop  hypollîélique,  est  un  de  ceux 
qui  font  honneur  au  médecin  de  Castres,  dans  les 
œuvres  complètes  duquel  on  est  surpris  de  ne 
le  pas  retrouver.  Selle  ^,  Bonnard^,  Lentin7, 
Thilenlus^,   Waton^ ,  Leidenfrost  »» ,  Siebold", 

»   Nosol.  method.,  t.  ï. 

^  Of  a  painful  affection  of  the  face,  in  med.  obs.  and  in- 
quiries,  n*'  49- 

^  Thouret,  Obs.  sur  les  veitus  de  l'aimant.  Hist.  de  la 
Soc.  Roy.  de  Med.;  1776,  p.  281.  — Du  même  :  Mémoire 
sur  l'affection  particulière  de  la  lace ,  à  laquelle  on  a  donne 
le  nom  de  tic  douloureux.  Mem.  de  la  Soc.  Roj.  de  Me'd., 
1782-83,  p.  2o4.  — Andry  et  Thouret  :  Obs.  et  recherches 
sur  l'usage  de  l'aimant  en  mc'd.,  etc.;  Me'm.  de  la  Soc.  Roy. 
de  Med.,  1779,  p.  53i. 

^  Essai  sur  la  maladie  de  la  face,  nommée  le  tic  doulou- 
reux, etc.  Paris,  1787,  in-12. 

^  Neue  Baitrsege  zur  Natur-und  Arzneiwissenschaft,  Ber- 
lin, 1782-3,  trad.  en  franc,  par  Coray,  sous  ce  titre  :  Obs. 
de  Me'd.  Paris,  an  IV,  1796,  p.  22. 

^  Journ.  de  Me'd. 

7  Hufeland's  Journal  B.  IX.  st.  i.  s.  56. 

^  Med.  und  chir.  Bemerk.  s.  283. 

9  Journ.  de  me'd.,  1793,  t.  93. 

'°  In  Forstmann  Diss.  infra  indic. 

"  Doloris  faciei  morbi  rarioris  obs.  illustr.  adumbratio. 
Diairibeï,Wirceburgi,  1  796,  in-4";  d'^'ï^ibe  II,  1797,  in-4"- 


(  1^  J 

Reil  ï ,  Oswald^  Volger^,  Rahn4,  etc. ,  firent  con- 
naître leurs  observations  particulières;  Breiling^, 
Haighton^,  Klein 7,  etc.,  les  succès  de  leurs  opéra- 
îions  chirurgicales;  Menuret,  Desondes,  Longa- 
van  et  Dupouy^,  Sachse9,  Posewitz,  Sauter,  Jo- 
nas,  etc.,  les  réflexions  que  leur  suggérait  un  sujet 
si  nouveau;  Hamel  ^^^  Fortsmann  ",  Simon  ^2, 
Sieboldi^,  Weisse  ^4,  Lœnenï^,  résumèrent,  dans 
des  dissertations  intéressantes,  les  résultats  de  tous 
les  travaux  publiés  avant  eux. 

Dans  le  courant  de  notre  siècle,  les  faits  ont  été 
accumulés  en  assez  grand  nombre  dans  les  jour- 
naux et  les  recueils  académiques;  une  foule  de 
remèdes  divers  ont  été  essayés  comparativement; 
des  mémoires  étendus  ont  été  publiés ,  entre  les- 

V  Meniorabil.  clinic,  fasc,  i,  p.  7. 

^  Arch.  (îer.  prakt.  Heilkunde,  etc.  B.  II,  st.  II,  11°  1. 

3  Volger,  in  Blumenbach  med.  Biblioth.  B.  II,  p.  5o6. 

4  Muséum  der  Heilkunde.  B.  ï.,no  36.  4o. 
^  In  Hufeland's  Journ.  B.  26,  st.  4- 

^  Biblioth.  med.  infr,  cit. 

7  In  Siebold's  Chiron.  B.  II,  s.  i5y. 

^  Journ.  de  me'd.  4* 

9  In  Hufeland's  Biblioth.  B.  4;. 

'°  De  la  nevralg.  faciale.  Thèses  de  Paris. 

"  Diss.  inaug.  med.  de  dolore  faciei  Fothergillii.  Duis- 
bourg,  1790,  in-4*'. 

'2  Diss.  de  prosopolgia  ,  Halle,  1793. 

'^  Diatrib.  suprà  citât. 

'4  Weisse,  de  dolori  faciei  prosopolgia  dicto.  lena,  1796. 
etinBrera  syllog.  opuscul.  T.  IV,  p.  i34. 

'^  De  dolore  faciei  convulsiv.  Groning.,  1797. 


(16) 

quels  se  distmguenl  ceux  de  Meglin»,  Frank  ^  et 
Masius^.  Nous  nous  efforcerons  d'en  consigner 
dans  celui-ci  les  résultats  les  plus  importons  ;  ce 
sera  le  moyen  le  plus  sûr  d'en  faire  connaître  la 
véritable  histoire. 


Description  de  la  maladie. 

Nous  ne  croirions  point  avoir  assez  fait  en  nous 
bornant,  à  l'exemple  de  tous  nos  prédécesseurs, 
à  donner  une  description  générale  de  la  névralgie 
faciale,  et  à  fondre  en  un  seul  tableau  les  traits 
assez  divers  des  affections  comprises  sous  ce  nom. 
Si  de  telles  descriptions ,  quand  elles  expriment 
tous  les  caractères  cbmmuns  et  vraiment  essentiels 
d'objets  bien  déterminés  et.  parfaitement  connus 
dans  leurs  détails ,  ont  l'avantage  de  présenter 
sous  un  même  coup  d'œil  tout  ce  qu'il  importe  de 
voir  dans  chacun  de  ces  objets;  elles  ont,  dans  le 
cas  contraire,  l'inconvénient  de  ne  représenter 
que  de  fausses  abstractions ,  des  tableaux  imagi- 
naires, et  de  rendre  toute  déduction  qui  les  pren- 
drait pour  base,  incertaine  ou  erronnée;  et,  en  tout 

'  Dans  le  journ.  de  Leroux ,  Corvisart  et  Boyer  ;  la  bibîioth. 
med.,  et  dans  :  Recherches  et  obs.  sur  la  neVralgie  faciale. 
Strasbourg,  i8i6,  in-S**. 

="  Prax.  med.  praecept.,  t.  IV. 

^  In  Hufeland's  Journ.;  Nouv.  Bibîioth.  german.  5  Hec- 
ker's  Annalen  dcr  oesammten  Heilkund.  T.  VI. 


(  17) 
cas,  quelque  désir  qu'on  ait  de  donner  ainsi  en 
raccourci  l'histoire  de  ce  qu'il  y  a  d'important  à 
connaître  dans  toute  une  série  de  faits ,  la  rigueur 
des  procédés  logiques  auxquels  on  proclame  si 
souvent  la  nécessité  de  se  soumettre  en  médecine, 
et  dont  on  s'affranchit  si  volontiers ,  ne  permet  pas 
de  le  tenter  avant  qu'on  connaisse  sur  chaque 
forme  d'une  maladie  tout  ce  qui  constitue  son  indi- 
vidualité ,  toutes  les  circonstances  qui  s'y  rappor- 
tent. Or,  bien  loin  qu'on  en  soit  arrivé  à  ce  point, 
relativement  aux  diverses  espèces  de  névralgie  de 
la  face ,  on  n'a  pas  même  encore  daigné  envisager 
à  part  celles  de  ces  espèces  qui  se  distinguent  par 
les  caractères  les  plus  importaus  à  connaître  pour 
le  traitement;  aussi  a-t-on  vu  proscrire  ou  préco- 
niser d'une  manière  absolue  des  méthodes  théra- 
peutiques, qui  peuvent  être  aussi  efficaces  dans  cer- 
tains cas  qu'elles  sont  inutiles  dans  d'autres.  Ainsi, 
pour  ne  citer  qu'un  exemple  de  cette  espèce ,  c'est 
pour  n'avoir  pas  donné  une  attention  convenable 
aux  névralgies  de  la  cinquième  ou  de  la  septième 
paire ,  selon  qu'elles  existent  isolées ,  ou  qu'elles  se 
compliquent  mutuellement,  pour  n'avoir  pas  dis- 
tingué même ,  comme  on  le  devait ,  l'une  de  l'au- 
tre ,  les  névralgies ,  fort  différentes  sous  plus 
d'un  rapport,  des  branches  de  la  cinquième  paire, 
celles  des  principaux  rameaux  de  chacune  de  ces 
branches  ,  leur  isolement  ou  leurs  complications , 
qu'on  n'a  point  encore  déterminé  les  cas  où  l'on 
peut  tenter  avec  espoir  de  succès  l'opération  chi- 


(  18) 
rurgicale ,  et  ceux  où  il  serait  inutile  et  cruel  de 
pratiquer,  comme  on  l'a  fait  plus  d'une  fois,  de 
longues  et  profondes  incisions  qui  ne  peuvent  avoir 
aucun  résultat. 

Ces  considérations,  auxquelles  il  nous  serait 
facile  d'en  ajouter  bien  d'autres  qui  ne  paraîtraient 
pas  sans  valeur,  nous  obligent  à  étudier  une  à  une, 
et  dans  tous  les  détails  que  présente  l'observation 
de  la  nature ,  chacune  des  névralgies  qui  peuvent 
affecter  quelque  partie  de  la  face. 

Nous  le  ferons  d'après  des  faits  que  nous  choisi- 
rons de  préférence  parmi  ceux  qui  sont  dispersés 
et  comme  perdus  dans  les  collections  académiques 
ou  les  recueils  de  journaux,  surtout  étrangers;  ce 
sera  nous  assurer  l'avantage  d'être  encore  de  quel- 
que utilité  pour  ceux  de  nos  lecteurs  à  qui  nous 
n'aurons,  d'ailleurs,  rien  à  apprendre. 

I.  Nous  commencerons  par  les  névralgies  delà 
branche  ophthalmique  de  la  cinquième  paire;  et, 
d'abord,  nous  placerons  une  observation  dans  la- 
quelle l'étendue  de  la  douleur,  la  profondeur  à  la- 
quelle elle  s'étendait ,  son  début  en  divers  points  à 
la  fois,  et  cette  circonstance,  sur  laquelle  nous  au- 
rons plus  d'une  fois  occasion  de  revenir,  que  la 
section  du  nerf  sous- orbit aire  fut  sans  résultat, 
donnent  tout  lieu  de  penser  que  cette  branche 
elle-même  et  la  plupart  de  ses  divisions  étaient  en- 
vahies par  la  maladie;  ce  caractère  de  généralité 
ressortira  bien  mieux  encore,  lorsque,  à  la  suite  de 


(  19) 
ce  fait ,  viendront  d'autres  cas  dans  lesquels  la  né- 
vralgie se  montre  plus  ou  moins  évidemment  limi- 
tée à  quelque  rameau  isolé  du  même  tronc. 


OBSERVATION    PREMIERE. 
Névralgie  de  îa  branche  ophthalmique  de  la  cinquième  paire. 

M.  de  L.,  négociant  de  Rouen,  était  âgé,  dit 
Thouret,  d'environ  65  ans,  lorsque  j'eus  occasion 
de  le  voir  pendant  mon  séjour  dans  cette  ville,  en 
1776;  Son  indisposition  avait  commencé  a  s'an- 
noncer huit  ou  neuf  ans  auparavant,  par  de  légers 
élancement  ou  dards,  qui  prenaient  avec  autant 
de  vivacité  qu'un  éclair,  et  qui  passaient  de  même. 
Ils  prenaient  plus  ordinairement  les  soirs,  après 
souper,  dans  l'hiver,  quoique  cependant  ils  se  fis- 
sent quelquefois  sentir  dans  d'autres  instans  de 
la  journée.  Toutes  ces  douleurs  et  leurs  crises 
avaient  été  peu  considérables  jusqu'en  1772,  année 
où  elles  commencèrent  à  devenir  plus  longues  et 
plus  fréquentes  -,  au  point  qu  en  septembre,  octo- 
bre et  novembre  de  la  même  année ,  elles  étaient 
presque  continuelles ,  et  ne  laissaient  prendre  de 
repos  au  malade  ni  le  jour  ni  la  nuit.  Persuadé  que 
de  mauvaises  dents  étaient  le  principe  de  ses  maux, 
il  appela  le  dentiste  qui  lui  arracha  toutes  les  mau- 
vaises et  les  racines  qui  étaient  du  côté  affligé; 
mais  il  n'en  fut  que  plus  tourmenté. 

Cette  terrible  crise,  qui  avait  duré  près  de  trois 


(  20) 
mois ,  s'était  enfin  terminée  vers  la  mi-novembre. 
Mais  depuis  ce  temps  jusqu'en  octobre  1776,  les 
douleurs  avaient  repris  de  temps  à  autre,  et  duré 
quelquefois  pendant  des  huit  jours  entiers.  Il  y  a 
eu  des  élés  où  le  malade  ne  s'en  ressentait  que  fai- 
blement. Il  vaquait  encore  à  ses  affaires ,  et  pou- 
vait vivre  avec  son  mal,  qui  devint  beaucoup  plus 
opiniâtre  par  la  suite.  Lorsque  je  le  vis  en  1776,  il 
y  avait  plus  d'un  an  qu'il  souffrait  considérable- 
ment. Depuis  le  mois  d'octobre  de  l'année  précé- 
dente jusqu'au  mois  d'août,  à  peine  avait-il  eu,  par 
reprises,  six  semaines  de  bon  temps.  Jusque  là 
encore  ses  élancemens  ne  s'étaient  fait  sentir  que 
quelquefois  et  par  crises ,  en  laissant  pendant  la 
journée  de  longs  intervalles.  Mais  depuis  le  mois 
d'août,  les  douleurs  étaient  devenues  plus  fréquen- 
tes qu'en  177.2;  leur  nombre  par  jour  ne  pouvait 
se  calculer  ;  elles  revenaient  à  chaque  instant ,  et 
ne  laissaient  prendre  au  malade  aucun  repos.  Il  y 
avait  eu  cependant  plusieurs  jours  où  les  douleurs 
laissaient  entre  elles  quelques  intervalles  d'une, 
deux  et  même  trois  heures.  Mais  après  les  inter- 
missions, elles  revenaient  avec  plus  de  violence,  et 
semblaient,  par  leur  vivacité  et  leur  fréquente  répé- 
tition, se  dédommager  de  leurs  courtes  absences. 
Tel  était  alors  le  triste  état  du  malade  ;  les  dou- 
leurs, qui  n'avaient  duré  d'abord  qu'une  seconde, 
allaient  souvent  jusqu'à  trois  et  quatre  minutes.  Il 
semblait  que  tous  les  nerfs  de  l'œil  se  déchiraient; 
leurs  contractions  étaient  si  violentes,  que  les  lar- 


(  21   ) 

mes  coulaient  abondamment.  Le  mal  se  répandait 
sur  la  joue,  gagnait  jusqu'à  Textrémité  du  nez,  ou 
serpentait  vers  les  gencives.  Quelquefois  il  se  fai- 
sait sentir  avec  force  au  dessus  du  sourcil  et  s'éten- 
dait jusqu'au  sommet  de  la  tête.  Le  siège  de  la 
douleur  n'était  pas  fixe;  il  se  portait  quelquefois 
avec  plus  de  force  au  sourcil;  quelquefois  l'œil 
était  plus  souffrant  ;  et  il  paraissait  cependant  que 
le  foyer  du  mal  était  toujours  placé  sous  l'œil,  vers 
le  nez,  et  que  le  front  ou  les  gencives  n^en  rece- 
vaient des  atteintes  que  par  contre-coup.  L'œil 
était  larmoyant  depuis  1772. 

On  avait  remarqué  que  la  plus  légère  vivacité 
occasionait  le  retour  subit  de  ces  douleurs,  et 
qu'elles  revenaient  plus  volontiers,  supposé  qu'elles 
fussent  assoupies,  lorsque  le  malade  mangeait  ou 
faisait  quelque  mouvement.  Il  avait  fait  usage  des 
bains,  des  demi-bains,  des  lavemens  et  des  purga- 
tions  légères.  Différentes  pommades,  les  vésicatoi- 
res,  le  savon  de  Saturne,  avaient  été  employés,  et 
l'eau  de  squine  donnée  pour  boisson .  On  avait  appli- 
qué les  sangsues,  et  fait  faire  usage  de  taffia;  ces 
remèdes  n'avaient  procuré  aucun  soulagement.  Le 
malade  était  réduit  dans  un  état  vraiment  déplora- 
ble, lorsque,  bien  convaincu  de  l'inutilité  des  se- 
cours ordinaires,  un  célèbre  médecin  de  Rouen 
lui  conseilla  l'usage  de  l'aimant;  ce  conseil  salu- 
taire fut  suivi  d'un  prompt  succès.  Ce  fut  à  cette 
époque  que  je  le  vis  armé  jour  et  nuit  de  son  aimant 
artificiel,  charmant  sa  douleur   dans  le  moment 


f  22  ) 

même,  et  la  faisant  disparaître  en  peu  de  temps.  A 
l'instant  où  les  élancemens  se  faisaient  sentir,  l'ap- 
plication de  l'instrument  sur  la  partie  douloureuse 
calmait  le  mal  comme  par  enchantement,  et  faisait 
succéder  aux  déchiremens  violens  un  engourdisse- 
ment léger  et  très  supportable.  L'aimant  artificiel 
dont  le  malade  se  servait  pouvait  soutenir  un  poids 
de  six  livres;  il  se  proposait  d'en  substituer  un  qui 
fût  d'une  force  double. 

Pendant  l'année  1777,  il  eut  des  intervalles  de 
plusieurs  mois  pendant  lesquels  il  sentit  peu  de 
douleurs;  des  jours  entiers  se  passaient  sanS  qu'il 
en  fût  atteint.  Les  forces  s'accrurent,  l'embonpoint 
revenait;  le  repos  de  la  nuit,  la  promenade  pendant 
le  jour,  et  la  tranquillité  d'esprit  hâtaient  son  ré- 
tablissement. Au  mois  de  novembre,  cet  état  de 
calme  se  soutenait ,  malgré  la  rigueur .  et  l'incon- 
stance du  temps;  le  malade  jouissait  de  la  meilleure 
santé,  et  sa  famille  s'empressait  d'annoncer  qu'il 
devrait  aux  aimans  la  cessation  de  ses  douleurs. 

Ces  espérances  flatteuses  ne  furent  point  réali- 
sées ;  les  crises  reparurent  comme  à  l'ordinaire,  et 
se  succédèrent  pendant  les  années  1778,  79,  et  80, 
sans  rien  offrir  de  remarquable  dans  le  cours  de  la 
maladie. 

Depuis  lors  l'état  du  malade  se  maintint  avec 
des  alternatives  de  mieux  ou  de  pire,  toujours  sou- 
lagé, mais  jamais  guéri  par  l'aimant.  On  pratiqua 
deux  fois,  ou  du  moins  on  tenta  de  pratiquer  la 
section  dunerf  sous-orbitaire,  car  on  conserva  des 


(23) 

doales  à  cet  égard,  mais  sans  aucun  résultat  avan- 
tageux; ce  traitement,  comme  tous  les  aulres, 
échoua  complètement  contre  la  ténacité  du  mal  ^ 

Le  nerf  sous-orbitaire  avait -il  été  réellement 
coupé  dans  les  deux  tentatives  qui  furent  faites 
pour  cela?  Rien,  dans  cette  observation,  ne  nous 
autorise  à  nous  prononcer  sur  celte  question.  La 
nullité  d'effet  de  cette  opération  ne  saurait  servir 
de  base  à  une  réponse  négative;  car  quel  effet  pou- 
vait-on raisonnablement  se  promettre  en  séparant 
d'un  tronc  nerveux ,  dont  toutes  les  divisions  pa- 
raissaient également  affectées,  l'extrémité  seule- 
ment de  l'un  de  ses  rameaux?  A  mesure  que  l'on 
ayancei^a  dans  la  lecture  de  ce  mémoire,  on  verra 
combien  était  illusoire  et  dangereux  le  précepte 
donné  ;  de  pratiquer  une  pareille  opération  dans 
tout«  affection  vaguement  désignée  sous  le  nom 
de  névralgie  faciale. 

fias3ons  aux  névralgies  qui  se  sont  développées 
dans  quelque  rameau  isolé  de  l'ophthalmique ,  et 
qui,  pendant  toute  leur  durée,  sont  restées  assez 
bien  limitées  dans  le  siège  primitif  qu'elles  avaient 
affecté. 

Ne  serait-ce  pas  à  la  branche  lacrymale  de  l'oph- 
thalmique et  au  rameau  par  lequel  elle  communique 
avec  le  système  nerveux  de  la  face  (le  rameau  ma- 
laire), qu'on  devrait  rapporter  le  cas  suivant,  pu- 
blié par  Masius? 

'   Mem.  de  la  Soc.  Roy.  de  Mëd  ,  ijSo. 


(  24  ) 

OBSERVATIO>'    DEUXIÈME. 
Névralgie  de  la  branche  lacrymale  de  Toplithalmie. 

Le  juif  Z...,  de  Schwérîn,  qui  de  tout  temps 
avait  été  trèsadonnéau  sexe,  et  qui  avait  eu  diverses 
affections  vénériennes ,  éprouva ,  il  y  a  deux  ans , 
étant  à  dmer,  une  démangeaison  au  dessus  de  l'œil 
droit,  laquelle,  dans  l'espace  de  quelques  minutes, 
se  changea  en  douleur  véhémente.  Mon  père,  qui 
était  son  médecin ,  envisagea  d'abord  cette  douleur 
comme  rhumatique  ;  mais  bientôt  il  reconnut  qu'il 
avait  affaire  au  tic  douloureux  deFothergill. Comme 
il  connaissait  le  genre  de  vie  du  malade,  il  eut  re- 
cours, sans  tarder,  aux  mercuriaux  ;  mais  au  bout 
de  six  mois,  ces  remèdes  ne  produisant  aucun  ef- 
fet, et  la  douleur  au  contraire  devenant  de  jour  en 
jour  plus  violente ,  il  les  mit  de  côté ,  et  essaya  suc- 
cessivement la  belladona/ la  gratiole,  les  antimo- 
niaux ,  les  vésicatoires,  le  séton  et  tous  les  autres 
remèdes  connus,  qui  n'eurent  pas  plus  de  succès. 
Les  évacuans  aggravaient  visiblement  le  mal.  Je 
conseillai,  il  y  a  quelques  mois,  de  reprendre  l'u- 
sage du  mercure  et  de  l'administrer  jusqu'à  ce  qu'il 
provoquât  une  salivation  modérée  :  on  commença 
effectivement  la  cure;  mais,  par  des  raisons  à  moi 
inconnues,  on  n'entretint  la  salivation  que  pendant 
dix  jours,  quoique  le  malade  crût  déjà  sentir  du 
soulagement.  En  octobre,  il  s'est  manifesté  un 
écoulement  puriforme  du  nez,  qui  dure  encore, 


(  -25  ) 
est  souvent  très  abondant,  mais  ne  souiage  point, 
comme  on  s'y  attendait. 

La  douleur  commence  dans  i'orbite,  et  se  pro- 
longe par  la  tempe  et  la  joue  jusqu'au  menton. 
Pendant  Faccès,  l'œil,  dont  depuis  peu  le  malade 
ne  voit  plus  du  tout,  est  poussé  hors  de  l'orbite, 
presque  jusqu'au  bord  de  l'os  de  la  pommette;  un 
ectropium  complet  en  est  la  suites 

Si  le  fait  suivant  était  décrit  avec  plus  d'exacti- 
tude et  de  détails,  il  présenterait  sans  doute,  avec 
le  précédent ,  plus  d'analogie  qu'on  ne  lui  en  trouve 
au  premier  aspect. 


OBSERVATION    TROISIEME. 


J'ai  observé,  dit  Leidenfrost,  plusieurs  cas  dans 
lesquels  l'œil  était  le  siège  de  la  maladie.  Le  pa- 
roxisme  s'annonçait  et  débutait  par  un  écoulement 
abondant  de  larmes  brûlantes.  De  ce  nombre  était 
un  paysan  de  plus  de  cinquante  ans,  dont  les  nerfs 
optiques  furent  tellement  affectés  par  les  retours 
fréquens  des  accès,  qu'il  tomba  dans  une  amaurose 
complète.  L'usage  intérieur  de  la  graine  de  mou- 
tarde et  de  quelques  huiles  essentielles  aromati- 
ques, guérit  complètement  la  névralgie,  et  procura 
en  grande  partie  le  rétablissement  de  la  vue 2. 

Pour  ne  pas  considérer  comme  dénuée  de  toute 
valeur  l'observation  fort  incomplète  qu'on  vient  de 

•  Hufelaiid's  Journal .  T.  XXV,  p.  25. 

*  Epist.  ad  Forstmaiin  in  ist.  Diss.,  p.  60. 


(  26  ) 

lire ,  il  est  bon  de  remarquer  que  l'auteur  à  qui  on 
la  doit,  est  un  de  ceux  du  dernier  siècle,  qui  avaient 
vu  le  plus  fréquemment  la  névralgie  de  la  face,  et 
qu'il  a  prouvé  d'ailleurs  que  cette  affection  lui  était 
bien  connue.  Or,  en  admettant,  ce  que  nous  n'a- 
vons nul  motif  de  mettre  en  doute ,  qu'il  s'agit  bien 
de  névralgies,  à  défaut  d'autres  symptômes  que 
ceux  qu'on  vient  de  voir,  l'écoulement  abondant 

de  larmes  brûlantes  avant  été  indubitablement  le 

1/* 

plus  remarquable ,  puisque  c'est  presque  le  seul 
qu'on  ait  cru  devoir  rapporter,  ce  n'est  pas  trop  se 
hasarder  peut-être  que  de  présumer,  sur  cette  des- 
cription ,  que  la  névralgie  était  de  même  espèce  que 
la  précédente  (obs.  ii).  On  ne  peut  s'empêcher, 
d'ailleurs,  d'être  frappé  d'une  autre  analogie  qui  les 
rapproche,  c'est  l'affaiblissement  de  la  vue  et  l'a- 
maurose  qu'elles  ont  amenée  en  se  prolongeant. 

Hâtons-nous  de  faire  remarquer  toutefois  que 
nous  n'avons  nullement  l'intention  d'attacher  à 
deux  observations,  et  à  deux  observations  incom- 
plètes et  peu  précises,  plus  d'importance  qu'elles 
n'en  méritent.  Nous  sommes  bien  loin  de  vouloir 
les  donner  comme  l'image  de  ce  qui  doit  arriver 
toujours  ou  ordinairement  dans  les  névralgies  du 
nerf  lacrymal;  mais  nous  avouerons  cependant 
qu'elles  nous  paraissent  mériter  quelque  attention , 
et  nous  ne  croyons  pas  exagérer  leur  valeur  en  di- 
sant qu'elles  sont  faites  tout  au  moins  pour  diriger 
l'esprit  des  observateurs  à  la  recherche  de  faits 
analogues. 


(  27  ) 

Les  névralgies  de  la  branche  frontale  de  l'oph- 
ihalmique  sont  beaucoup  plus  fréquentes  et  plus 
distinctes  que  celles  qui  précèdent ,  et  presque  au- 
tant que  celles  de  la  branche  dont  nous  parlerons 
après  celle-ci  (la  maxillaire  supérieure). 

Les  névralgies  frontales  ne  sont  point  toujours 
uniformes  ni  toujours  fixées  dans  le  même  lieu. 
Enfermées  quelquefois  dans  la  direction  du  nerf 
frontal  interne ,  dans  les  sinus  frontaux  ,  le  grand 
angle  de  l'œil  et  la  paupière  supérieure,  elles  se 
répandent  bien  plus  fréquemment  au  loin  dans  les 
divisions  du  frontal  externe  et  même  dans  ses  nom- 
breuses anastomoses.  Larareté  des  premières  nous 
engage  à  en  consigner  ici  l'exemple  suivant,  qu'on 
peut  dire  en  quelque  sorte  perdu  dans  une  thèse 
qui  n'a  d'ailleurs  rien  de  bien  remarquable,  et  où, 
par  conséquent,  peu  de  médecins  songeraient  à 
l'aller  chercher. 

OBSERVATION    QUATRIEME. 
Névralgie  frontale  interne. 

Une  femme  de  trente-trois  ans,  mère  de  quatre 
enfans ,  d'un  tempérament  lyraphatico  -  sanguin , 
d'une  taille  très  élancée,  d'une  structure  presque 
hémoptoïque,  et  d'une  constitution  frêle  et  délicate, 
fait,  au  mois  de  juin  1804,  sur  les  cinq  heures  du 
soir,  étant  déjà  atteinte  d'un  catarrhe  pituitaire,  une 
demi-lieue  à  pied,  exposée  à  un  vent  du  sud-ouest 


(28  ) 

très  froid  et  très  violent.  De  retour  chez  elle,  cette 
douleur  sourde  et  obtuse ,  qui  caractérise  les  ca- 
tarrhes de  cette  espèce,  devient  fort  aiguë,  et  l'o- 
blige à  se  coucher  sans  pouvoir  prendre  aucun  ali- 
ment. Elle  est  très  agitée  toute  la  nuit;  néanmoins 
la  fièvre,  quoique  forte,  ayant  cédé  le  matin  d'assez 
bonne  heure ,  elle  repose  tranquillement  deux  ou 
trois  heures,  après  lesquelles  elle  se  lève  et  vaque 
comme  à  l'ordinaire  aux  travaux  de  son  ménage , 
ayant  cependant  la  tête  très  embarrassée.  Tout  à 
coup,  sur  les  neuf  heures,  la  douleur  se  fixe  au 
sinus  frontal  gauche  ;  elle  devient  vive,  déchirante  ; 
se  porte  profondément  dans  Forbite  du  même  côté 
et  occupe  tout  le  globe  de  l'œil ,  qui  semble  se  gon- 
fler et  rougit  beaucoup ,  et  dans  lequel  la  malade 
éprouve  tantôt  un  sentiment  de  pulsation  et  d'élan- 
cement, tantôt  un  sentiment  de  torsion  et  d'arra- 
chement. Des  larmes  acres  et  brûlantes  inondent 
la  joue  gauche;  la  narine  correspondante,  très 
desséchée  au  plus  fort  de  l'accès,  fournit  au  com- 
mencement et  à  la  fin  une  excrétion  abondante  d'un 
mucus  épais  et  jaunâtre.  Parfois  la  douleur  se  sus- 
pend pendant  quelques  minutes  pour  reprendre 
ensuite  avec  un  nouveau  degré  d'intensité.  [^Infu- 
sion chaude  dejleurs  de  tilleul,  manulaves  et pe- 
diluves  chauds^  topiques  émolliens  sur  le  sinus 
frontal  affecté,  vapeurs  émollientes  dirigées  vers 
la  tète,  injection  émolliente  dans  la  narine  du 
côté  malade?) 

Malgré  l'emploi  répété  de  ces  moyens,  l'accès  se 


(  29  ) 

prolongea  jusque  vers  quatre  heures  du  soir,  et  ce 
ne  fut  qu'à  cette  époque  que  la  malade  put  se  tenir 
debout.  Après  un  souper  fort  léger,  elle  se  mit  au 
lit ,  et  la  nuit  fut  beaucoup  meilleure  qu'on  n'au- 
rait dû  naturellement  s'y  attendre;  mais  à  neuf 
heures  précises,  comme  le  jour  précédent,  l'accès 
se  déclara  par  un  mouvement  d'oscillation  et  de 
balancement  dans  la  masse  encéphalique;  telle  est 
du  moins  l'idée  que  s'en  formait  la  malade.  Ce 
mouvement,  faible  et  peu  considérable  dans  le 
principe,  s'accroît  et  devient  si  violent  au  plus  fort 
du  paroxysme,  qu'il  semble  à  la  malade  que  la 
boîte  du  crâne  doit  en  être  écartée  et  désunie  dans 
les  diverses  pièces  qui  la  composent  ;  une  douleur 
aiguë  et  poignante  se  fait  sentir  simultanément  dans 
l'angle  nasal  gauche ,  sans  que  pour  cela  l'œil  cesse 
d'éprouver  les  sensations  horriblement  doulou- 
reuses qu'il  ressentait  danâ  l'accès  précédent. 

La  malade,  extrêmement  nerveuse,  ne  peut  ré- 
sister à  la  violence  des  maux  qui  la  tourmentent  ; 
elle  perd  un  instant  connaissance,  puis  elle  est  prise 
de  convulsions  qui,  tantôt  se  succèdent  avec  une 
rapidité  effrayante,  tantôt  se  prolongent  de  ma- 
nière à  faire  craindre  un  tétanos  universel. 

Aux  moyens  employés  la  veille  on  ajoute  les  pré- 
parations opiacées  qu'on  administre  à  très  haute 
dose ,  mais  sans  nul  résultat.  Une  dissolution 
aqueuse  d'opium,  injectée  dans  la  narine  et  appli- 
quée en  topique  sur  le  sinus,  paraît  apaiser  les  dou- 
leurs, qui  cessent  enfin  avec  Taccès,  à  peu  près  à 


(  30  ) 

la  même  heure  que  celui  de  la  veille.  Celui-ci  laisse 
la  malade  dans  un  tel  état  de  faiblesse,  qu'elle  ne 
peut  se  lever  ni  prendre  aucune  nourriture,  et  la 
nuit  qui  suit  se  passe  dans  l'insomnie,  triste  avant- 
coureur  d'un  accès  qui  fut  plus  violent  que  tous 
ceux  qui  l'avaient  précédé. 

Au  moment  même  où  il  survint,  on  appliqua 
des  sangsues  à  l'angle  nasal  gauche  et  sur  l'orbite 
du  même  côté.  Bien  loin  de  soulager  la  malade , 
elles  parurent  au  contraire  aggraver  son  mal ,  qui 
ne  céda,  comme  la  veille,  qu'à  l'application  exté- 
rieure de  l'opium. 

L'accès  suivant  fut  le  plus  cruel  de  tous  ceux 
que  la  malade  eût  encore  éprouvés;  il  résista  à  l'ef- 
fet de  l'opium  appliqué  extérieurement,  qui,  dans 
les  deux  derniers,  l'avait  visiblement  soulagée ,  et 
qui ,  depuis  ce  moment ,  lui  fut  plus  préjudiciable 
qu'utile;  malgré  cela,  l'accès  se  termina  a  l'heure 
ordinaire.  Dans  ceux  qui  l'avaient  précédé  comme 
dans  ceux  qui  le  suivirent,  il  y  eut  toujours  apy- 
rexie  parfaite ,  quoique  avec  accélération  marquée 
dans  le  système  circulatoire  pendant  la  durée  des 
paroxismes,  et  quoiqu'il  y  eût  même  quelquefois 
privation  momentanée  des  facultés  intellectuelles. 

Les  cinquième  et  sixième  accès  présentèrent  la 
même  violence  et  la  même  opiniâtreté. 

La  malade,  ayant  entendu  qualifier  de  migraine 
la  maladie  qui  la  tourmentait ,  voulut  avoir  recours 
à  l'emploi  du  café  (elle  n'avait  point  l'habitude  d'en 
prendre),  dont  on  lui  avait  souvent  vanté  l'effîca- 


(  31  ) 

cité  contre  cette  affection  ;  en  conséquence,  on  t"it 
bouillir  environ  trois  onces  de  café  en  poudre  dans 
douze  onces  d'eau ,  jusqu'à  réduction  d'un  tiers  ;  la 
liqueur  fut  coulée  à  travers  un  linge  avec  forte  ex- 
pression, édulcorée  légèrement  avec  le  sucre  et 
divisée  en  deux  doses  égales.  La  première  fut  ad- 
ministrée une  demi-heure  avant  le  septième  accès, 
et  la  seconde  au  moment  même  où  il  avait  habitude 
de  se  faire  sentir.  L'accès  fut  retardé  d'environ  deux 
heures,  et  fut  encore  assez  violent  pour  obliger  la 
malade  de  se  coucher,  mais  d'ailleurs  infiniment 
moindre  qu'à  l'ordinaire,  et  il  ne  dura  qu'environ 
une  heure  et  demie ,  après  quoi  la  malade  se  leva  et 
resta  toute  la  soirée  debout  ;  elle  prit  même  des  ali- 
mens  avec  appétit  et  dormit  profondément  toute  la 
nuil.  Le  repos  qu'elle  prit  restaura  singulièrement 
ses  forces  ;  malgré  cela ,  le  lendemain  on  lui  admi- 
nistra le  café,  préparé  comme  la  veille  et  à  la  même 
dose.  L^accès  se  ht  sentir  encore  sur  les  onze  heu- 
res, mais  si  faiblement,  que  la  malade  put  cons- 
tamment se  tenir  levée  et  dîner  à  midi;  la  soirée  et 
la  nuit  qui  suivit  se  passèrent  comme  si  elle  eût  été 
en  parfaite  santé.  Le  jour  suivant,  neuvième  de  la 
maladie,  quoiqu'elle  parût  aussi  bien  qu'on  pou- 
vait le  désirer,  on  crut  prudent  de  lui  faire  prendre 
le  spécifique,  ce  qui  eut  heu  pour  la  dernière  fois. 
A  onze  heures,  la  malade  éprouva  encore  un  cer- 
tain embarras  sans  douleur,  dans  le  sinus  frontal 
gauche,  qui  se  dissipa  en  moins  d'une  demi-heure. 
Depuis  ce  moment  sa  guérison  fut  parfaite  ;  elle 


(32) 

recouvra  même  assez  promptement  ses  forces. 

La  santé  de  la  malade  se  maintint  pendant  qua- 
tre ans  sans  aucune  atteinte  d'affection  névralgi- 
que :  à  cette  époque,  elle  fut  assaillie  par  des  cha- 
grins violens,  et  ayant,  par  malheur,  le  7  mai  1 808, 
été  exposée  en  plein  air  à  un  vent  très  froid ,  elle 
fut  atteinte  d'une  névralgie  maxillaire.  Tous  les 
moyens  imaginables  furent  employés  inutilement 
pour  la  soulager  :  l'usage  seul  du  café,  administré 
comme  dans  sa  névralgie  frontale,  put  la  délivrer 
de  cette  dernière  affection,  aussi  cruelle  et  aussi 
opiniâtre  que  la  premiers. 

Le  mois  de  novembre  1809  étant  froid  et  bru- 
meux, détermina  une  espèce  d'épidémie  odontal- 
gique,  dont  la  malade  fut  attaquée,  et  qui  renou- 
vela chez  elle  tous  les  accidens  de  sa  névralgie 
maxillaire.  Le  café,  Fopium,  le  quinquina,  et  tous 
les  sédatifs  connus ,  administrés  de  toutes  les  fa- 
çons, et  à  des  doses  très  rapprochées,  ont  com- 
plètement échoué  cette  dernière  fois  et  n'ont  plus 
été  utiles  depuis.  Les  délayans,  tels  que  l'eau  de 
veau,  l'eau  de  poulet,  etc. ,  sans  couper  les  accès, 
ont  été  et  sont  encore  aujourd'hui  d'une  très 
grande  utilité  à  la  malade,  dont  les  douleurs,  quoi- 
que presque  continuelles,  sont  cependant  infini- 
ment moins  aiguës.  Car,  depuis  plus  de  trois  ans 
(1816),  elles  n'ont  pas  déterminé  de  mouvemens 
convulsifs.  L'on  dirait  que  la  maladie  s'use,  s'il 
est  permis  de  s'exprimer  ainsi,  ou  que  les  sensa- 
tions douloureuses  perdent  en  partie  leur  activité, 


(  33) 
€l  qu'elles  sont  émoussées  par  leur  répélition,  ou 
par  l'habitude^ 

Si  Tacuité  de  la  maladie ,  l'existence  d'une  in- 
flammation catarrhale  dans  les  sinus  frontaux 
avant  les  premiers  accidens,  le  retour  périodique 
et  régulier  des  accès ,  la  promptitude  avec  laquelle 
ils  ont  cédé  à  l'action  du  café ,  pouvaient  faire  naî- 
tre quelque  doute  sur  la  nature  de  la  maladie ,  il 
suffirait,  pour  les  dissiper,  de  remarquer  qu'aucun 
de  ces  caractères ,  bien  qu'ils  ne  soient  pas  les  plus 
ordinaires  dans  les  névralgies,  n'exclut  l'idée  de 
cette  affection,  et,  par  dessus  tout,  c|ue  la  malade, 
deux  fois  reprise  de  symptômes ,  sur  la  nature  des- 
quels  il  n'y  a  pas  d'incertitude ,  a  fini  par  rester  en 
proie  à  ces  cruelles  douleurs  dont  la  ténacité,  à 
défaut  de  tout  aulre  signe,  suffit  pour  caractériser 
l'espèce.  Il  se  présente,  d'ailleurs,  une  autre  re- 
marque ,  c'est  qu'il  n'y  a  pas  de  névralgie  qui  ne 
puisse  être,  dans  certains  cas,  régulièrement  pé- 
riodique ,  et  qu'elles  offrent  alors  au  médecin  beau- 
coup plus  de  chances  de  succès  :  c'est  à  ce  genre 
que  se  rapportent  la  plupart  de  celles  qu'on  a  gué- 
ries par  le  quinquina.  Le  café  n'a  probablement 
pas  agi  autrement  que  cet  anti-périodique  par  ex- 
cellence. 

Le  cas  suivant,  publié  par  Féthergill,  est-il, 
comme  le  précédent,  une  névralgie  du  rameau  fron- 
tal interne  de  Fopthalmique,  ou  du  rameau  externe 

•  G.  C.  Barbaria.  Diss.  sur  la  névralgie  fociale.  Paris, 
1817,  ^^'^  ^^- 


(  34  ) 

du  nasal?  C^est  ce  qu'il  ne  serait  pas  possible  de 
déterminer  maintenant ,  mais  qui  le  sera  peut-être 
un  jour,  si  Ton  s'attache  à  décrire  les  nuances  dif- 
férentielles les  plus  délicates  de  ces  affections. 


OBSERVATION    CINQUIEME. 

Un  des  premiers  cas  d'affeclion  douloureuse  de 
la  face,  dit  Fothergill,  dont  j'aie  été  appelé  à  m'oc- 
cuper,  était  chez  une  femme  de  soixante-cinq  ans, 
qui  avait  joui  généralement  d'une  bonne  santé,  et 
chez  qui  on  n'apercevait  ni  cause  particulière  de 
chagrin,  ni  aucun  autre  principe  de  maladie. 

Elle  était  saisie  tout  a  coup  d'une  douleur  exces- 
sivement aiguë  auprès  du  grand  angle  de  l'œil,  qui 
ne  durait  que  peu  de  secondes,  lui  arrachait  quel- 
ques larmes  et  se  dissipait  graduellement.  Quel- 
ques minutes  après,  le  même  accident  se  répétait 
et  revenait  de  même  pendant  tout  le  jour  à  des  dis- 
tances inégales,  de  manière  à  rendre  son  existence 
tout-à-fait  misérable. 

Le  mal  se  manifestait  comme  un  violent  spasme; 
on  l'avait  regardé  comme  étant  de  cette  nature, 
et  conséquemment  on  s'était  servi,  pour  le  com- 
battre, de  tous  les  plus  puissans  antispasmodi- 
ques, mais  sans  aucun  succès.  L'opium  cependant, 
donné  à  très  fortes  doses,  avait  procuré  du  soula- 
gement, mais  il  occasionait  une  constipation,  un 
mal  de  tête,  une  altération  si  pénibles,  que  ces  ef- 
i'ets  devenaient  presque  aussi  insupportables  que 


(35) 

îe  mal.  L'usage  de  la  ciguë  parut  adoucir  un  peu 
la  douleur,  mais  la  santé  générale  de  la  malade 
s'affaiblit  à  cette  époque,  et  elle  continua  à  souffrir 
jusqu'à  sa  mort. 

Les  névralgies  du  rameau  frontal  externe,  ou 
névralgies  frontales  proprement  dites,  sont  bien 
plus  fréquentes  que  celles  dont  il  vient  d'être  ques- 
tion. Nous  en  avons  sous  les  yeux  de  nombreuses 
observations ,  entre  lesquelles  nous  consignerons 
ici  de  préférence  celles  qui  sont  le  moins  connues, 
en  revenant  sur  la  description  générale  de  la  ma- 
ladie; nous  en  indiquerons  en  outre,  autant  qu'il 
sera  nécessaire,  pour  qu'on  puisse  prendre  une 
idée  parfaitement  complète  des  diverses  formes 
de  cette  espèce  de  névralgie.  Commençons  par 
l'une  des  plus  anciennes  qui  aient  été  publiées 
dans  les  temps  modernes;  nous  en  avons  déjà  dit 
lin  mot  dans  l'aperçu  historique  qui  ouvre  ce 
mémoire. 


OBSERVATION    SIXIEME. 
Névralgie  frontale  externe,  ou  frontale  proprement  dit. 

J'ai  eu  assez  fréquemment  occasion,  dit  Dan 
Ludwig,  d'observer,  au  dessus  de  l'un  des  sour- 
cils, à  l'endroit  où  passe  un  rameau  nerveux  de  la 
troisième  (cinquième  paire),  une  douleur  excessive- 
ment intense,  durant  ordinairement  de  sept  heures 


(  36  ) 

du  matin  à  midi,  ou  de  neuf  à  deux,  et  résistant 
au  traitement  le  mieux  entendu. 

Un  médecin  avancé  en  âge,  en  proie  aux  tour- 
mens  de  cette  affection,  subit  non  seulement  deux 
fois  l'artériotomie  de  la  temporale,  mais  se  fit 
même  pratiquer,  au  dessus  de  l'endroit  affecté, 
une  assez  profonde  incision,  dans  un  sens  conve- 
nable :  Secandum  requisilam  fîbrariim  ductam  : 
ce  fut  sans  succès;  les  douleurs  revinrent  et  ne 
cessèrent  qu'avec  la  vie  du  malade  » . 

Nous  sommes  surpris  qu'on  n'ait  pas  remarqué 
les  deux  observations  suivantes  consignées  dans 
l'un  à^s  ouvrages  le  plus  justement  classiques  du 
dernier  siècle. 


OBSERVAÏIO.N    SEPTIEME. 
Névralgie  frontale. 

Je  fus  consulté  il  y  a  peu  de  temps,  dit  Van  Swie- 
ten,  par  un  personnage  d'une  grande  considération, 
qui  souffrait  tous  les  jours  à  la  même  heure,  une  vio- 
lente migraine j  qui  durait  conslamment  pendant 
huit  heuies  consécutives.  On  apphqua  inutilement 
à  la  tére  des  épilhèmes,  des  vésicatoires  et  divers 
ëpispasliques  aux  pieds;  il  piit  bien  des  purgatifs 
et  d'autres  remèdes  internes,  qui  furent  adminis- 
trés sans  fruit;  le  mal  ne  discontinuait  point;  je 
m'avisai  d'avoir  recours  au  quinquina,  qui  dissipa 
bienîôt  jusqu'à  la  moindre  don  leur  de  têle.  Quand 

»   Eplicm.  aoad.  nat.  curios.  Dec.  1,  ami.  III.  ol>s.  262- 


(.  37  ) 

elle  le  saisissait,  le  malade  désignait  positivement 
son  siège,  k  l'endroit  du  front  où  le  trou  orbitaire 
supérieur  donne  passage  à  un  rameau  des  nerfs  de 
la  cinquième  paire.  La  douleur  qui  y  prenait  nais- 
sance ,  s'étendait  de  proche  en  proche  et  insensi- 
blement dans  la  moitié  de  la  lête.  On  ne  remarquait 
pourtant,  malgré  sa  vivacité,  aucun  dérangement 
dans  le  pouls ,  et  les  autres  fonctions  s'accomplis- 
saient dans  l'état  naturels 

Le  cas  suivant,  rapporté  par  le  même  auteur,  a 
beaucoup  d'analogie  avec  celui  qu'on  vient  de  lire. 

OBSERVATION    HUITIEME. 
Névralgie  fi  on  laie. 

Un  homme  d'une  santé  ferme,  d'un  tempéra- 
ment robuste  et  d'un  âge  moyen,  était  attaqué  tous 
les  jours  à  la  même  heure  d'une  douleur  (orte,  à 
cet  endroit  au  dessus  de  l'orbite  gauche,  d'où  sort 
un  rameau  de  nerf  par  le  trou  orbitaire  si^périeur. 
Quelque  temps  après,  l'œil  paraissait  rouge,  en- 
flammé, et  laissait  couler  beaucoup  de  larmes; 
insensiblement  cette  douleur  augmentait  au  point 
qu'il  lui  semblait  qu'on  arrachait  l'œil  de  l'orbite, 
et  elle  devenait  si  insupportable,  qu'il  en  élait 
comme  furieux.  Cet  état  persévérait  pendant  plu- 
sieurs heures,  après  lesquelles  tous  ces  accidens 
cessaient,  et  l'œil  revenait  aussi  net  et  clair  qu'au- 
paravant. Je  fis  saigner  le  malade,  je  lui  ordonnai 

■   Van  Swieten.  Comment,  in  aplior.  Boerhaai^ii y  §  j5y. 


(  38  ) 
des  purgatifs  légers  et  des  remèdes  antiphlogisti- 
qiies  ;  je  fis  appliquer  des  ventouses  à  la  nuque;  on 
réiîéra  les  vësicaloires,  etc.,  tout  cela  fut  sans  suc- 
cès. (Van  Swieten,  ayant  reconnu  dans  les  ramifi- 
cations artérielles  qui  entourent  l'orbite ,  des  pul- 
sations plus  fortes  et  plus  fréquentes  qu'à  l'artère 
radiale,  qualifia  cette  affection  de  fièvre  intermit- 
tente locale.  )  Je  m'empressai,  dit-il,  d'ordonner  le 
quinquina  qui  la  guérit  radicalement  » . 

L'auteur  dit  avoir  rencontré  dans  la  pratique 
beaucoup  d'autres  cas  analogues,  et  avoir  obtenu 
le  même  succès  de  l'emploi  du  quinquina. 

La  branche  ophthalmique  ne  nous  laisse  plus  à 
considérer  que  les  névralgies  du  rameau  nasal  et  de 
ses  divisions.  Peut-être  est-ce  à  cette  espèce,  ainsi 
que  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer,  qu'il  convien- 
drait de  rapporter  l'observation  cinquième,  em- 
pruntée à  Fothergill  ;  on  ne  saurait  trop  dire  en 
quoi  elle  diffère  de  la  suivante ,  relativement  au  siège. 


OBSERVATION    NEUVIEME. 
Névralgie  nasale  externe. 

Joseph  Beck ,  vigneron  ,  demeurant  à  Kaisers- 
berg ,  petite  ville  à  deux  lieues  de  Colmar,  âgé  de 
trente-quatre  ans,  d'un  tempérament  bilieux  san- 
guin, fut  atteint,  il  y  a  quelques  mois,  d'une  dou- 

'  Van  Swieten.  Comment,  in  aphorism.  Boerhaavii.^ 767. 


(  39  ) 

leur  périodique  à  la  face,  qui  se  manifestait  chaque 
fois  comme  un  éclair  à  la  partie  moyenne  du  sour- 
cil du  côté  droit,  descendait  obliquement  sur  l'aile 
et  le  milieu  du  nez  où  elle  se  fixait.  Cette  douleur 
commençait  tous  les  matins  à  sept  heures,  aug- 
mentait en  intensité  jusque  vers  les  dix  heures,  et 
finissait  vers  une  heure  après  midi.  M.  Noll  fut  ap- 
pelé, pour  la  première  fois,  le  15  février  1816,  à 
donner  des  soins  à  cet  homme  ;  il  le  trouva  dans  le 
fort  de  l'accès  :  le  malade  éprouvait  des  douleurs 
déchirantes  et  lancinantes,  si  atroces,  qu'il  ne  fut 
en  état  de  répondre  que  très  imparfaitement  aux 
questions  du  médecin.  Ces  douleurs  étaient  portées 
à  un  tel  excès,  que  Joseph  Beck  assura,  dans  un 
de  ses  momens  de  calme,  que,  si  on  ne  parvenait  à 
le  soulager,  il  était  décidé  à  se  donner  la  mort.  On 
ne  put  découvrir  a  cette  névralgie  d'autre  cause 
qu'une  colère  extrêmement  violente  à  laquelle  cet 
homme  s'était  livré  peu  avant  l'invasion  de  sa  ma- 
ladie. Comme  la  périodicité  des  paroximes  était 
bien  marquée,  que,  hors  des  accès,  le  malade  se 
portait  très  bien  et  n'éprouvait  pas  la  moindre  sen- 
sibilité dans  les  parties  si  cruellement  torturées 
pendant  sa  durée,  M.  Noll  crut  devoir  recourir  de 
suite  au  quinquina  :  ce  médicament  fut  pris  pen- 
dant trois  jours  ;  mais  bien  loin  de  procurer  du  sou- 
lagement et  de  faire  cesser  les  accès,  il  rendit  les 
douleurs  continuelles  et  permanentes.  On  substi- 
tua alors  au  quinquina  les  pilules  de  Meglin  ;  on 
commença  par  en  donner  une  le  matin  et  une  le 


(40) 

soir,  puis  on  augmenta  graduellement  la  dose  jus- 
qu'au nombre  de  cinq,  deux  fois  par  jour.  Quand 
le  malade  fut  parvenu  à  cette  quantité,  à  laquelle  il 
resta  jusqu'à  la  fin  de  sa  guérison,  les  douleurs  di- 
minuèrent j-apidement,  et  elles  ne  tardèrent  pas  à 
disparaître  totalement.  Le  malade  persista  pendant 
dix-huit  jours  dans  l'usage  du  remède  :  il  n'y  eut 
pas  de  rechute  ^ . 

II.  Entre  les  névralgies  dont  il  a  été  question 
jusqu'ici,  quelques  unes  sont  d'une  grande  rareté, 
et  les  cas  que  nous  en  avons  rapportés  sont  les 
seuls  qui  fussent  à  notre  connaissance  ;  les  autres 
sont  beaucoup  plus  fréquentes;  mais  les  exemples 
que  nous  avons  choisis  dans  la  foule  appartiennent 
aux  formes  les  moins  communes  de  ces  névralgies. 
Nous  avons  pu  nous  dispenser  de  consigner  ici  de 
celles  qui  le  sont  le  plus  :  il  est  peu  de  médecins 
qui  n'en  connaissent  quelque  exemple,  et  nous  se- 
rons entendu  de  tout  le  monde,  quand  nous  aurons 
à  tracer  quelque  trait  qui  s'y  rapporte,  dans  la  des- 
cription générale  du  tic  douloureux. 

Laissant  donc  à  ce  point  les  névralgies  de  la 
branche  ophthalmique  et  de  tous  les  rameaux  qui 
en  dépendent,  nous  allons  passer  à  celles  de  la 
maxillaire  supérieure,  dont  les  espèces  ne  sont  ni 
moins  distinctes  dans  quelques  cas,  ni  moins  com- 
pliquées dans  beaucoup  d'autres ,  et  qu'il  n'im- 

'  Meglin.  Recb.  sur  la  iievr.  faciale.  Strasbourg,  181G, 
in -8".. 


(  -^l  ) 

porte  pas  moins  de  distinguer  dans  tous ,  de  celles 
avec  lesquelles  elles  sont  susceptibles  d'éîre  con- 
fondues. 

Nous  ne  pourrions  citer  comme  exemple  de  né- 
vralgies du  rameau  orbitaire  que  des  cas  dénature 
fort  douteuse  ;  aussi  allons-nous  passer  immédia- 
tement à  celles  du  rameau  dentaire  postérieur.  On 
verra,  dès  la  première  observation  comme  dans 
celle  qui  doit  la  suivre,  un  exemple  d'une  grave 
méprise  dans  laquelle  on  dut  tomber  autrefois  bien 
fréquemment ,  et  qu'on  n'évite  peut-être  pas  tou- 
jours aujourd'hui ,  quoiqu'on  prenne  soin  de  la  si- 
gnaler dans  tous  les  travaux  sur  le  tic  douloureux, 
et  quoique  le  savant  dentiste,  M.  Duval,  ait  consa- 
cré à  ce  sujet  un  opuscule  intéressant  ^ 


OBSERVATION    DIXIEME. 
Névralgie  dentaire  poste'rieure. 

En  1793,  Tellier,  employé  aux  fermes,  se  plai- 
gnit de  douleurs  de  dents  du  côté  droit;  la  face 
était  légèrement  enflée  et  les  dents  saines,  mais 
l'intérieur  de  la  bouche  du  côté  affecté  bien  plus 
rouge  que  l'autre.  Gel  état  tluxionnaire  dura  plu- 
sieurs jours;  les  gargarismes  adoucissans ,  les  bois- 
sons calmantes  et  la  chaleur  de  la  partie  entretenue 
par  des  compresses  chaudes  semblèrent  arrêter  les 

'  Obs.  sur  quelques  affections  douloureuses  de  la  face^^ 
considc're'es  dans  leur  rapport  avec  l'organe  dentaire.  Paris ^ 
i8i4.  ln-8°. 


(  42  ) 

progrès  du  mal  ;  mais  les  douleurs  devenant  plus 
vives  au  bout  de  douze  jours ,  le  malade  se  per- 
suada que  son  état  dépendait  d'une  molaire  de  la 
mâchoire  supérieure ,  parce  qu'il  y  éprouvait  une 
douleur  plus  sensible  que  sur  les  autres.  Dans  cette 
idée ,  il  vit  un  dentiste  qui,  après  un  mûr  examen , 
ne  reconnut  aucune  dent  cariée;  Favant-dernière 
dent  molaire  lui  paraissant  seulement  plus  sensible 
au  toucher,  il  en  conclut  que  la  racine  de  cette 
dent  était  altérée;  il  en  proposa  l'extraction,  à  la- 
quelle le  malade  consentit  d'autant  plus  volontiers 
que  ses  souffrances  étaient  extrêmes  et  accompa- 
gnées d'un  ptyalisme  fatigant.  La  dent  extraite  se 
trouva  saine;  alors  Beaupréau  (le  dentiste)  esti- 
mant que  c'était  le  fond  de  l'alvéole  qui  était  al- 
téré, en  proposa  la  cautérisation.  Comme  le  ma- 
lade se  crut  soulagé,  il  s'y  refusa;  la  journée  et  la 
nuit  suivantes  furent  beaucoup  plus  calmes.  Mais 
le  lendemain  matin  ,  environ  dix -huit  heures  après 
l'opération ,  les  premières  douleurs  se  firent  sentir. 
Le  dentiste  ,  de  nouveau  consulté ,  insista  pour 
cautériser  l'alvéole ,  dans  la  vue ,  disait-il ,  de  dé- 
truire la  sensibilité  du  nerf.  L'espoir  d'être  soulagé 
y  fit  consentir  le  malade;  il  en  arriva  bien  autre- 
ment ;  dès  cet  instant,  les  douleurs  allèrent  en  aug- 
mentant ;  les  saignées  répétées ,  les  bains  ,  les  ca- 
taplasmes et  les  lotions  narcotiques  procurèrent 
assez  de  calme  pendant  huit  jours,  pour  que  Tel- 
lier  reprît  ses  occupations  ;  la  joue  était  restée  seu- 
lement sensible  au  toucher  et  un  peu  plus  rouge , 


(  43  ) 

le  malade  conservant  toujours,  du  côté  de  la  face, 
un  sentiment  douloureux  mais  supportable.  Trois 
semaines  s'écoulèrent  dans  cet  état,  et  les  douleurs 
revinrent  ensuite  avec  la  même  violence  et  les  mê- 
mes rémissions.  Pendant  la  première  année,  les 
accès  parurent  périodiques,  en  sorte  qu'après  trois 
semaines  environ  de  repos ,  il  y  avait  dix  à  douze 
jours  de  souffrances  énormes  ;  mais  pendant  le 
calme,  il  restait  toujours  dans  la  partie  un  senti- 
ment douloureux  qui  était  supportable;  Tintérieur 
de  la  bouche  était  plus  coloré ,  et  il  y  avait  un  cra- 
chotement fatigant.  La  seconde  année ,  les  accès 
furent  plus  fréquens  et  plus  longs ,  et  le  ptyalisme 
plus  abondant.  Tantôt  le  malade  ne  supportait  que 
les  boissons  chaudes ,  tantôt  les  froides  lui  étaient 
plus  agréables.  Pendant  les  accès  de  la  douleur,  la 
face  entrait  en  convulsion ,  la  joue  droite  étant  al- 
ternativement plus  plate  ou  plus  ridée  que  la  gau- 
che; après  l'accès,  il  y  restait  de  légers  mouve- 
mens  de  rétraction.  Mais,  ayant  passé  deux  ans 
dans  cet  état,  sans  éprouver  aucun  soulagement, 
malgré  tous  les  remèdes  employés ,  les  paroxismes 
devinrent  si  fréquens,  et  ils  offraient  un  aspect  si 
horrible ,  que  le  désespoir  s'empara  de  Tellier,  et 
que  ce  malheureux  mit  fin  à  sa  déplorable  exis- 
tence ^ 

'  Duval,  Opusc.  cite.  —  Obs.  communiquée  par  Allan, 


OBSERVATION    ONZIEME. 
Névralgie  dentaire  poste'rieiiie. 

Madame  Marie- Madelaine  Haraberger,  épouse 
du  sieur  Noil,  officier  de  santé  à  Ammerschwyr, 
à  deux  lieues  de  Golmar,  âgée  de  trente-huit  ans , 
d'un  tempérament  mélancolique,  d'une  constitu- 
tion sèche,  ayant  le  genre  nerveux  très  sensible, 
fut  affectée  d'un  tic  douloureux  sous  l'apparence 
d'un  mal  de  dent,  vers  le  15  novembre  1812.  La 
douleur  venait  par  accès  plus  ou  moins  violens  et 
plus  ou  moins  fréquens.  Elle  s'était  principale- 
ment fixée  sur  la  dernière  dent  molaire  de  la  mâ- 
choire supérieure  du  côté  gauche.  La  malade  ayant 
eu  beaucoup  à  souffrir  dans  sa  jeunesse  de  plu- 
sieurs dents  attaquées  de  carie,  elle  crut  que,  pour 
cette  fois  elle  avait  affaire  au  même  mal,  et  qu'elle 
obtiendrait  un  soulagement  prompt  du  remède 
qu'elle  était  habituée  à  employer,  savoir,  de  se 
faire  enlever  la  dent  cariée  :  elle  avait,  de  cette 
manière,  fait  arracher  huit  de  ses  dents,  à  des  épo- 
ques différentes,  et  toujours  avec  un  égal  succès, 
la  douleur  ayant  disparu  à  chaque  fois  presque 
aussitôt.  En  conséquence  elle  se  décida  sans  peine 
à  faire  extraire  la  dent  soupçonnée  (  la  dernière 
molaire);  elle  fut  enlevée  avec  adresse,  mais  elle 
ne  parut  nullement  malade.  Cette  bonne  dame  fut, 
pour  cette  fois,  trompée  dans  son  attente;  les  dou- 
leurs continuèrent  et  devinrent  insupportables. 
Il  se  manifestait  quelquefois  dans  la  journée,  j)ar 


(  45  ) 
accès  plus  ou  moins  lougs ,  des  spasmes  si  violens 
dans  l'alvéole  de  la  deni  enlevée,  ainsi  que  dans 
les  muscles  buccinateur  et  masséîer,  qu'il  sem- 
blait à  la  malade  qu'on  lui  arrachait  ces  parties 
avec  des  tenailles;  à  cet  état  se  joignait  un  resser- 
rement douloureux  et  comme  tétanique,  de  la  mâ- 
choire inférieure,  au  point  que  la  malade  ne  pou- 
vait introduire  qu'avec  peine  une  nourriture  fluide 
dans  sa  bouche.  La  malade  a  avoué,  depuis  sa 
guérison,  que,  dans  l'excès  de  ses  souffrances,  elle 
avait  pensé  plus  d'une  fois  à  se  donner  la  mort. 
M.  Noll  employa  tous  les  remèdes  caïmans  qu'il 
put  imaginer,  mais  sans  aucun  succès.  Cet  état 
affreux  de  son  épouse  durait  depuis  trois  semaines 
lorsqu'il  alla  consulter  le  docteur  Meglin,  de  Col- 
niar.  Celui-ci  conseilla  l'usage  de  ses  pilules  d'ex- 
trait de  jusquiame  noire,  d'extrait  de  valériane  sau- 
vage, et  d'oxide  de  zinc  sublimé.  Elles  furent 
portées  successivement  à  six  le  matin  et  à  six  le 
soir,  de  trois  grains  chacune.  Dans  l'espace  de 
trois  semaines,  la  guérison  fut  complète;  depuis 
ce  temps  il  n'y  eut  pas  la  moindre  récidive. 

En  fouillant  dans  les  archives  de  la  science,  on 
ti'ouve  un  grand  nombre  de  faits  analogues;  la  plu- 
part des  ouvrages  sur  l'odonlalgie  en  renferment 
quelques  uns  ,  et  il  n'est  pas  rare  d'en  trouver  dans 
lesquels  on  a  arraché  toutes  les  dents  d'un  côté  jus- 
qu'à la  dernière  avant  de  reconnaître  que  la  maladie 
tenait  à  une  autre  cause  que  l'altération  de  ces  os. 


(46) 

Ce  n'est  point  parla  difficulté  du  diagnostic  que 
se  fait  remarquer  la  névralgie  dont  nous  allons 
parler  maintenant,  mais  bien  plutôt  par  sa  fré- 
quence et  son  opiniâtreté.  La  névralgie  du  rameau 
sous-orbitaire  de  la  branche  maxillaire  supérieure 
est  une  de  celles  qu'il  importe  le  plus  de  connaître 
avec  précision  ;  car  si  c'est  celle  contre  laquelle  a 
le  plus  fi'équemment  réussi  l'opération  chirurgi- 
cale, c'est  celle  aussi  qui  a  été  le  plus  souvent  atta- 
quée sans  succès  par  le  même  moyen.  Si  l'on  eût 
eu,  dans  tous  les  cas ,  une  connaissance  précise  du 
siège  du  mal ,  on  aurait  pu  prédire  à  l'avance  quel 
serait  le  résultat  de  la  section  du  nerf.  Nous  ne 
craindrons  donc  pas  de  rapporter  un  certain  nom- 
bre d'exemples  de  névralgies  sous-orbitaires  et  de 
choisir  les  plus  détaillés. 

C'est  presque  un  devoir  de  placer  en  première 
ligne  le  plus  ancien  que  nous  connaissions. 

OBSERVATION    DOUZIEME. 
Névralgie  sous-orbitaire. 

Marie  Furrerin,  d'environ  soixante  ans,  d'une 
taille  élevée,  grêle,  d'un  tempérament  chaud  et 
sec,  mère  de  onze  en  fans,  cessa  d'être  réglée  à  cin- 
quante-deux ans;  elle  éprouva  depuis  lors  une 
hémicranie  pour  laquelle  elle  vint  me  consulter 
avec  son  mari,  chirurgien  distingué,  pour  la  pre- 
mière fois  le  1«*"  juillet  1692.  La  douleur  vient  su- 
bitement, occupe  cette  partie  de  la  joue  droite  qui 


(47  ) 

est  au  dessous  de  la  paupière  inférieure ,  là  où  se 
trouve  le  grand  os  de  la  mâchoire  supérieure;  de 
là  elle  s'étend  vers  la  tempe,  elle  occupe  en  même 
temps  le  front  au  dessus  de  l'œil ,  la  moitié  droite 
du  nez  et  cette  partie  de  la  lèvre  qui  est  sous  l'aile 
droite  du  nez;  le  moindre  contact  y  est  presque 
insupportable.  Cette  douleur  tourmente  cruelle- 
ment la  partie  postérieure  de  l'œil,  qu'elle  fait  ren- 
trer en  quelque  sorte  dans  l'orbite ,  et  détermine 
un  écoulement  abondant  de  larmes.  Les  gencives 
de  la  mâchoire  supérieure  sont  aussi  douloureuses, 
quoique  toutes  les  dents  en  aient  été  depuis  long- 
temps arrachées;  on  remarque  du  côté  droit  un 
tiraillement  de  l'aile  du  nez,  d'une  partie  de  la 
lèvre  supérieure  et  de  la  portion  voisine  de  la  joue. 
Ce  tiraillement  gênait  quelquefois  la  mastication, 
mais  n'était  pas  aussi  fort  et  ne  déformait  pas  tant 
la  face  que  je  l'ai  vu  quelquefois.  La  douleur  est 
lancinante,  brûlante,  pongitive,  tensive,  presque 
intolérable,  mais  courte  et  momentanée,  revenant 
une  ou  plusieurs  fois  par  semaine ,  par  jour,  ou 
même  par  heure.  Aujourd'hui,  au  moment  où  j'ai 
vu  la  malade ,  elle  a  éprouvé  plus  de  six  accès  dans 
une  heure;  chaque  fois,  les  larmes  ont  coulé  de 
l'œjl  droit  seulement,  qui  était  rouge ,  la  lèvre  su- 
périeure droite  a  éprouvé  un  tremblement,  puis 
une  rétraction  en  arrière,  avec  l'aile  du  nez.  Il  y 
avait  a  cette  partie  de  la  lèvre  un  vaisseau  très 
enflé  qui  s'affaissait  après  la  douleur,  et  on  le 
touchait  alors  sans  irriter  le  mal,  ce  qu'on  ne  pou- 


(  48  ) 

vait  Taire  autrefois  ni  pendant  ni  après  l'accès.  La 
douleur  monte  parfois  au  synciput,  au  vertex, 
d'où  elle  descend  vers  le  cou.  De  temps  en  temps 
les  nuils  sont  calmes  ;  et  quand  la  malade  souffre 
trop  fiéquemnient  dans  le  jour,  l'appétit  se  perd. 
D'après  le  conseil  de  plusieurs  médecins,  de  Mu- 
rait, Lavater,  Yitoduranus  et  autres,  eile  a  em- 
ployé un  grand  nombre  de  remèdes,  vésicatoires, 
emplâtres  d'onguent  huileux,  gargarismes,  fomen- 
tations, et  le  tout  en  vain.  Son  mari  lui  a  arraché 
successivement  jusqu'à  la  dernière  molaire  toutes 
les  dents  de  la  mâchoire  supérieure,  la  canine  et 
les  incisives  *,  récemment  il  enleva  avec  le  bistouri 
une  portion  de  la  gencive,  à  l'endroit  où  étaient  la 
canine  et  les  petites  molaires  ;  l'opération  fut  faite 
h  sept  heures  du  matin,  la  douleur  fut  suspendue 
jusqu'à  sept  heures  du  soir,  mais  elle  reprit  alors 
avec  la  même  violence ,  ce  que  la  malade  attribua 
à  l'hémorragie  trop  considérable  qui  eut  lieu.  Il  s'y 
est  fait  depuis  une  petite  exfoHation  de  l'os.  L'ar- 
tère temporale  a  été  ouverte  deux  fois.  Une  foule 
de  médicamens  ont  été  adininistrés  à  l'intérieur. 

Je  pense,  dit  Wepfer,  que  le  mal  réside  dans 
le  nerf  qui  répand  ses  filets  dans  l'orbite,  dans  l'os 
maxillaire  supérieur  et  les  racines  des  dents,  sort 
par  le  trou  sous-orbitaire,  et  se  répand  dans  la 
lèvre  supérieure  et  Taile  du  nez. 

(  Vésicatoires  derrière  les  oreilles  et  sur  toute 
la  tète,  cautère,  selon,  artériotomie  a  plusieurs 
reprises,    embrocations    avec    une  décoction    de 


(  49  ) 
plantes  céphaliques,  pédiluves  id.,  poudre  cépha- 
liqueavec  racine  de  valériane,  pseon.  limail. ,  etc. 

Au  mois  de  septembre,  la  malade  écrit  qu'elle  a 
appliqué  le  vésicatoire  sur  la  têle,  pris  la  poudre, 
subi  Fartériotomie  ;  que  la  douleur  a  éprouvé  une 
rémission  de  deux  ou  trois  jours  pour  revenir 
comme  auparavant  ;  elle  refuse  le  cautère  et  plus 
encore  le  séton. 

(  Même  prescription.  ) 

Le  16  octobre  1692,  tous  ces  moyens  étant 
sans  succès,  Wepfer  conseille  encore  le  séton. 

Vers  Tautomne  de  1693,  la  phthisie  se  déclare, 
et  la  malade  meurt  au  mois  de  mars  1694,  dans  le 
dernier  degré  du  marasme. 

Quoique  la  douleur  ne  restât  pas,  au  plus  fort  de 
l'accès,  parfaitement  renfermée  dans  les  limites 
qu'embrasse  le  rameau  sous-orbitaire  de  la  maxil- 
laire supérieure,  cependant  les  parties  auxquelles 
il  se  distribue  après  sa  sortie  du  canal  osseux  qu'il 
traverse  étaient  si  évidemment  le  point  de  départ 
de  cette  douleur,  et  sa  violence  en  cet  endroit 
l'emportait  si  constamment  sur  celle  à  laquelle  elle 
parvenait  en  tout  autre ,  que  nous  ne  croyons  pas 
nous  être  trompé  en  assignant  à  la  névralgie,  dans 
ce  cas,  le  siège  que  nous  venons  d'indiquer,  et  en 
en  faisant  une  espèce  particulière.  C'est  celle  dont 
on  trouve  le  plus  d'exemples  parmi  les  observa- 
tions qui  ont  été  publiées  jusqu'à  ce  jour.  Il  serait 
difficile  d'en  trouver  un  plus  analogue  en  tout  au 
précédent,  que  celui  dont  la  relation  fut  insérée 

4 


(  50  ) 

en  1811,  par  le  docteur  Megliri,  dans  le  Journal 
de  médecine  de  Corvisart,  Leroux  et  Boyer.  Le 
suivant  s'en  rapproche  également  beaucoup.  Nous 
le  citons  pour  cette  analogie,  mais  surtout  parce 
qu'il  servira  plus  tard  de  base  à  des  considérations 
thérapeutiques  que  nous  croyons  n'être  pas  sans 
importance. 

OBSERVATION    TREIZIEME. 
Névralgie  sous-orbitaire. 

Madame  H ,  de  Stockwell,  âgée  de  soixante- 
quatorze  ans,  mère  de  famille,  d'une  faible  cons- 
titution ,  d'un  caractère  doux ,  et  très  active  pour 
son  âge,  éprouvait,  depuis  treize  ans  environ,  une 
douleur  à  la  face.  Dans  son  principe,  cette  douleur 
avait  été  modérée;  dans  ses  progrès  elle  devint 
violente,  et  elle  acquit  enfin  un  degré  d'intensité 
si  considérable,  qu'il  serait  impossible  de  le  décrire , 
ni  même  de  s'en  former  une  juste  idée.  Son  siège 
parut  d'abord  fixé  à  l'aile  du  nez  et  à  une  petite 
portion  de  la  lèvre  supérieure  du  côté  droit.  Elle 
n'était  pas  continue  comme  dans  le  rhumatisme 
chronique;  elle  était  au  contraire  passagère,  exces- 
sivement aiguë  et  lancinante  durant  ses  paroximes. 
Ses  retours  étaient  irréguliers ,  et  ses  intervalles 
laissaient  jouir  ordinairement  la  malade  de  la  tran- 
quillité la  plus  parfaite.  Il  existait  toujours  une 
uniformité  frappante  dans  son  origine  et  dans  sa 
direction.  Elle  commençait  d'abord  à  l'aile  du  nez, 
à  la  lèvre  supérieure,  et  s'étendait  vers  l'orbite  ; 


(  51  ) 
mais  quand  les  attaques  devenaient  plus  violentes, 
elle  se  portait  sur  d'autres  parties  :  la  malade 
éprouvait  alors  une  sensation  du  même  genre, 
moins  forte  à  la  vérité,  tout  le  long  de  la  joue  jus- 
que vers  l'oreille;  sensation  qui  s'étendait  au  palais, 
aux  gencives,  à  la  mâchoire  supérieure,  et  même 
au  gosier. 

Cette  affection  se  faisait  particulièrement  sentir 
dans  les  saisons  changeantes  et  rigoureuses.  Quoi- 
que la  malade  n'en  fût  pas  toujours  exempte  dans 
les  saisons  tempérées,  les  attaques  étaient  souvent 
déterminées  par  les  causes  les  plus  simples,  comme 
de  parler,  de  tousser,  démanger,  de  respirer.  Elles 
ne  duraient  ordinairement  qu'une  demi-minute, 
quelque  fois  moins  ;  souvent  elles  ne  prenaient  que 
cinq  ou  six  fois  par  jour;  souvent  aussi  elles  se  re- 
nouvelaient deux  fois  par  heure;  elles  variaient 
beaucoup  dans  leur  degré  d'intensité;  tantôt  elles 
étaient  si  modérées,  qu'elles  se  bornaient  à  suspen- 
dre le  mouvement  de  la  lèvre  supérieure  ;  tantôt 
(  ce  qui  était  le  plus  ordinaire) elles  étaient  si  fortes, 
qu'elles  arrachaient  à  la  malade  des  cris  qui  res- 
semblaient à  ceux  de  lagonie;  si  parfois  elles  sus- 
pendaient le  mouvement  de  la  lèvre  supérieure, 
d'autres  fois  elles  produisaient  un  effet  contraire , 
tel  qu'un  mouvement  convulsif ,  durant  lequel  la 
lèvre  était  entraînée  en  haut;  mais,  quelle  que  fût 
son  intensité,  il  n'y  avait  jamais  de  changement  de 
couleur  à  la  peau,  si  ce  n'est  lorsqu'on  y  avait  ap- 
pliqué quelque  topique. 


(52  ) 

Haighlon  recourut  d'abord  à  l'application  d'un 
liniment  ammoniacal,  et  à  l'usage  tant  extérieur 
qu'intérieur  de  la  teinture  d'opium ,  ainsi  qu'à  l'é- 
lectricité administrée  sous  la  forme  la  plus  conve- 
nable à  la  malade.  Comme  elle  habitait  le  nord  de 
l'Angleterre,  Haighton  la  perdit  de  vue  pendant 
deux  ans,  époque  à  laquelle  elle  vint  se  fixer  dans 
le  voisinage  de  Londres.  Ce  ne  fut  qu'alors  que  le 
médecin  se  forma  une  juste  idée  de  la  maladie,  et 
qu'il  fût  éclairé  sur  son  origine  par  les  circonstan- 
ces  suivantes  :  «  La  malade  voulant  me  rendre 
compte,  dit  Haighton,  de  sa  situation  ,  articulait 
avec  beaucoup  de  difficulté,  et  s'arrêtait  tout  à  coup. 
Portant  alors  toute  mon  attention  sur  la  partie  af- 
fectée, j'aperçus  a  la  lèvre  supérieure  un  tremblot- 
tement  avec  attraction  de  cette  partie  en  haut, 
précisément  à  l'endroit  où  le  muscle  releveur  pro- 
pre de  la  lèvre  supérieure  est  implanté.  Cherchant 
alors  à  connaître  le  nerf  qui  produisait  ce  mouve- 
ment à  la  partie  à  laquelle  il  se  distribuait ,  il  me 
parut  clair  que  c'était  la  branche  sous-orbitaire  de 
la  cinquième  paire.  A  dessein  de  vérifier  autant  que 
possible  mes  conjectures  à  cet  égard  ,  j'attendis  le 
retour  d'un  accès  qui  eut  lieu  peu  de  minutes  après, 
et  je  fis  alors  une  forte  pression  sur  les  tégumens 
qui  recouvrent  le  trou  sous-orbitaire  :  la  douleur 
cessa  aussitôt;  je  répétai  plusieurs  fois  cette  pres- 
sion, et  j'obtins  toujours  le  même  résultat.  Comme 
mes  conjectures ,  relativement  au  siège  de  celte 
maladie,  semblaient  acquérir  plus  de  solidité  par 


(53) 

cette  expérience ,  je  pensai  qu'il  était  essentiel  de 
faire  un  examen  plus  approfondi  des  symptômes, 
et  particulièrement  de  ceux  qui  existaient  dans  les 
parties  qui  ne  paraissaient  affectées  que  secondai- 
rement ou  par  sympathie.  Il  parut,  d'après  cet 
examen,  que  la  douleur  qui  existait  à  l'aile  du  nez 
et  à  la  ièvre,  avait  son  principal  siège  dans  ces  par- 
ties, et  que  lorsqu'elle  devenait  plus  vive,  elle  af- 
fectait d'autres  parties  telles  que  l'oreille,  s'éten- 
dait ensuite  le  long  de  la  joue  par  les  branches  de 
communication  appartenant  à  la  portion  dure  de  la 
septième  paire.  La  douleur  attaquait  aussi  le  palais, 
les  gencives  et  les  dents  de  la  mâchoire  supérieure, 
mais  aucune  partie  de  l'inférieure ,  quelquefois  en- 
core le  gosier  ;  mais  la  partie  qui  semblait  affectée 
à  un  nlus  haut  degré,  par  rapport  au  siège  princi- 
pal deia  douleur,  était  immédiatement  située  der- 
rière les  dents  incisives. 

«  En  comparant  cet  assemblage  de  symptômes 
avec  la  distribution  de  la  branche  maxillaire  supé- 
rieure de  la  cinquième  paire ,  je  fus  frappé  de  la 
coïncidence  qui  s'y  rencontrait,  et  en  même  temps 
je  fus  persuadé ,  comme  je  l'avais  déjà  pressenti , 
que  le  siège  principal  de  la  maladie  était  dans  le 
rameau  sous-orbitaire  qui  se  distribue  à  l'aile  du 
nez  et  à  la  lèvre  supérieure ,  et  que  la  douleur  qui 
s'étendait  aux  dents,  aux.  gencives ,  au  palais,  avait 
lieu  par  la  communication  des  filets  nerveux  qui 
unissent  le  sous-orbitaire  aux  branches  palatines, 

«  D'après  les  avantages  momentanés  obtenus  à 


(54  ) 

plusieurs  reprises  par  îa  pression  du  nerf  sous-or- 
bilaire  contre  l'os,  il  me  parut  utile  d'en  faire  la 
section  ,  et  je  la  proposai  à  ma  malade  comme  der- 
nière ressource. 

«  L'opération  fut  fort  simple ,  et  consista  en  une 
incision  longue  de  neuf  lignes,  dirigée  obliquement 
en  bas  ;  le  centre  de  cette  incision  devant  corres- 
pondre au  trou  sous-orbitaire,  mais  seulement  à 
trois  lignes  au  dessus;  l'incision  devait  être  faite 
jusqu'à  l'os,  autrement  il  eût  été  impossible  de  di- 
viser le  nerf,  tant  il  est  situé  profondément  dans  cet 
endroit.  Comme  il  y  a  plusieurs  inégalités  à  la  sur- 
face de  Tos  maxillaire,  a  l'endroit  où  s'implantent 
les  muscles,  ainsi  qu'un  canal  qui  aboutit  ordinai- 
rement à  la  partie  inférieure  du  trou,  un  bistouri 
pointu  parut  préférable  à  tout  autre,  comme  plus 
propre  h  effectuer  la  division  complète  du  nerf  situé 
dans  cet  enfoncement.  La  veine  faciale  passe  fré- 
quemment sur  ce  trou  et  le  recouvre,  ce  qui  peut 
donner  iieuà  sa  division  pendant  l'opération.  Si  cet 
accident  arrive,  ou  si  quelque  branche  artérielle  est 
ouverte,  on  pourra  y  remédier  avec  facilité  en  fai- 
sant une  compression  dirigée  sur  l'os.  La  plaie  n'é- 
tant que  superficielle,  se  doit  guérir  probablement 
comme  une  plaie  simple. 

«  Je  fis  l'opération  ainsi  que  je  viens  de  la  décrire, 
et  le  succès  justifia  pleinement  mon  attente  :  la 
douleur  cessa  aussitôt,  et  la  plaie  fut  guérie  en  peu 
de  jours.  Ma  malade,  qui  depuis  treize  ans  vivait 
dans  la  douleur,  éprouva,  comme  il  est  aisé  de  le 
concevoir,  une  grande  joie  de  ce  succès. 


(55) 

«  Il  est  à  remarquer  que  le  sentiment  et  le  mou- 
vement de  la  lèvre,  quoique  évidemment  diminués, 
n'ont  pas  été  entièrement  perdus,  comme  je  l'avais 
prédit;  cet  accident  a  duré  peu;  et  nous  pensons 
(c'est  toujours  Haighton  qui  parle)  qu'il  s'est  formé 
une  réunion  de  nerfs  à  l'endroit  divisé ,  laquelle  a 
présenté  l'avantage  inappréciable  qu'il  ne  s'est  ma- 
nifesté jusqu'à  présent  dans  la  partie  régénérée 
aucune  disposition  au  retour  de  la  maladie  ^ 

Nous  rapporterons  encore  un  cas  de  la  même 
espèce  que  les  précédens.  Il  est  décrit  avec  tous 
les  détails  qu'on  peut  désirer,  et  se  trouve  dans 
une  dissertation  fort  rare  en  France,  double  motif 
dont  chacun  suffirait  pour  qu'on  le  lise  ici  avec 
intérêt. 


OBSERVATION    QUATORZIEME. 
Névralgie  sous-orbitaire. 

Jean  Kreuser,  artiste  de  l'académie  de  musique 
du  palais  de  l'ancien  électeur  de  May ence ,  âgé  de 
quarante-six  ans ,  d'une  taille  haute ,  d'une  consti- 
tution robuste,  d'un  caractère  gai ,  était  père  de 
deux  enfans  adultes  et  bien  portans.  Lui-même, 
depuis  son  jeune  âge,  avait  toujours  joui  de  la  meil- 
leure santé  jusqu'en  1793,  qu'il  fut  affecté  d'une 

'  John  Haighton ,  in  Londow  médical  Review  and  Ma- 
gazine. 


(56) 

violente  douleur  de  léte.  Celle  douleur  commen- 
çail  à  l'occiput  et  s'étendait  de  là  peu  à  peu  vers 
les  parties  antérieures  du  crâne ,  jusqu'à  ce  qu'elle 
occupât  tout  le  front.  Elle  était  si  violente ,  que  le 
malade ,  incapable  de  toute  occupation ,  était  forcé 
à  chaque  paroxisme  de  se  mettre  au  lit  et  d'y  rester 
dans  une  parfaite  immobilité.  Les  accès,  qui,  dans 
l'origine ,  revenaient  toutes  les  trois  ou  quatre  se- 
maines, et  presque  toujours  vers  midi,  se  rappro- 
chèrent au  point  de  tourmenter  le  malade  chaque 
jour  et  même  deux  fois  dans  les  vingt-quatre  heu- 
res, et  avec  une  violence  qui  ne  lui  laissait  pas  la 
faculté  de  dire  un  mot,  ni  même  d'ouvrir  la  bou- 
che. Cette  douleur  dura  ainsi  pendant  plusieurs 
années,  et  résista  aux  remèdes  les  plus  efficaces. 
Le  kinkina,  le  camphre,  l'extrait  d'aconit  furent 
administrés  sans  le  moindre  soulagement.  L'usage 
interne  du  muriate  de  mercure  semblait  procurer 
quelque  amélioration,  mais  on  se  vit  obligé  de 
s'en  abstenir  par  l'invasion  d'une  fièvre  inter- 
mittente qui  régnait  alors  épidémiquement ,  et  dont 
notre  malade  fut  atteint.  Il  fallut  de  nouveau  avoir 
recours  au  kinkina  pour  la  combattre;  et,  chose 
singulière,  non  seulement  la  fièvre  fut  guérie, 
mais  avec  elle  disparut  la  douleur  de  tête,  dont 
le  malade  fut  un  an  sans  éprouver  la  moindre  at- 
teinte. Arriva  l'année  1799  et  avec  elle  l'ancien 
mal  de  tête;  il  faut  remarquer,  toutefois,  que  les 
accès  étaient  d'abord  moins  fréquens  et  moins  in- 
tenses ,  et  qu'ils  s'accrurent  insensiblement.  Il  ar- 


(57  ) 

riva  vers  celte  époque  que,  toutes  les  fois  que  le 
malade  voulait  se  moucher,  il  éprouvait  à  l'aile 
droite  du  nez  une  démangeaison  suivie  d'un  faible 
effort  d'éternuement ,  auquel  succédait  un  cha- 
touillement qui  se  propageait  de  l'os  droit  et  de 
Faile  du  nez  dans  la  région  malaire  du  même  côté. 
On  observait  pendant  l'éternuement  de  légers 
mouvemens  convulsifs  des  muscles  de  la  face ,  un 
larmoiement  et  un  écoulement  abondant  par  les 
narines  d'une  pituite  ténue.  Au  commencement, 
l'accès  durait  à  peine  une  minute,  ne  venait  jamais 
sans  l'influence  préalable  d'un  stimulus,  mais  était 
constamment  provoqué  par  l'éternuement  ou  l'ac- 
tion de  se  moucher.  Le  malade  frottait-il  du  doigt 
avec  légèreté  les  parties  affectées ,  la  douleur  et  le 
spasme  cessaient  à  l'instant.  Content  d'avoir  trouvé 
ce  moyen  d'alléger  et  de  dissiper  sa  douleur,  le 
malade  fit  d'abord  peu  de  cas  de  son  mal,  dont  la 
durée  et  l'intensité  augmentèrent  progressivement. 
Il  passa  plus  de  neuf  mois  au  milieu  de  ces  souf- 
frances ,  espérant  tous  les  jours  en  voir  la  fin  ;  mais 
il  en  arriva  bien  autrement.  Les  convulsions  des 
muscles  de  la  face,  auxquelles  le  malade  songeait 
à  peine ,  et  qui  n'avaient  lieu  qu'après  l'éternue- 
ment et  le  moucher,  dégénérèrent  en  douleurs 
atroces ,  en  sentiment  de  brûlure  ou  de  dilacéra- 
tion,  d'élancemens  ou  de  perforation.  Ces  douleurs, 
qui  se  propageaient  jusque  par  delà  l'orbite , 
étaient  provoquées  ou  augmentées  quand  elles 
existaient  déjà ,  par  diverses  circonstances  telles , 


(  58) 
que  la  parole,  la  toux,  l'expuilion  de  la  salive, 
mais  surtout  par  les  mouvemens  de  la  bouche  et 
de  la  mâchoire  comme  dans  la  mastication. 

Vers  le  milieu  de  l'année  1800,  le  malade  se  plai- 
gnit d'un  accroissement  considérable  de  son  mal , 
et  tous  ses  amis  étaient  vivement  affligés  de  la  fré- 
quence et  de  la  cruauté  de  ses  tourmens  ;  non  seu- 
lement il  suffisait  du  plus  léger  mouvement  de  la 
bouche  ou  de  la  mâchoire  pour  ramener  la  douleur, 
mais  bien  souvent  elle  revenait  spontanément  et 
sans  nulle  cause  connue ,  et  sa  violence  augmenta 
à  tel  point,  qu'elle  retentissait  jusqu'à  une  grande 
distance  du  lieu  de  son  origine.  Elle  commençait 
alors  vers  la  racine  de  la  dent  laniaire  de  la  mâchoire 
supérieure.  Cette  dent,  quoique  très  saine  et  sans 
les  moindres  taches,  qui,  hors  du  paroxisme,  pou- 
vait être  frappée  sans  douleur  par  les  corps  les  plus 
durs,  était,  dans  l'accès,  d'une  telle  sensibilité, 
que  le  malade  éprouvait  la  douleur  la  plus  aiguë , 
si  la  langue  venait  frapper,  même  très  légèrement, 
ou  cette  dent,  ou  la  gencive,  ou  même  la  partie 
antérieure  du  palais.  Il  n'en  fallait  souvent  pas  da- 
vantage pour  ramener  le  paroxisme.  La  douleur 
passait  comme  la  foudre  dans  les  paupières  et  le 
globe  même  de  l'œil,  dans  tout  le  côté  droit  du  nez 
et  la  lèvre  supérieure  du  même  côté  ;  les  muscles 
de  toutes  ces  parties  étaient  agités  de  mouvemens 
convulsifs,  qui  amenaient  une  rétraction  en  haut 
de  l'aile  du  nez  et  de  l'angle  de  la  bouche  du  côté 
droit;  en  même  temps  les  lèvres  étaient  contractées 


{  59  ) 
et  la  bouche  proéminait  en  saillie  du  côté  droit.  Ces 
mouvemens  cloniques  des  muscles  ne  cessaient 
qu'après  la  douleur  et  après  que  quatre  larmes 
avaient  coulé  de  Fangle  interne  de  l'œil  sur  la  joue, 
et  que  la  narine  droite  avait  fourni  une  humeur 
muqueuse ,  blanchâtre  et  visqueuse.  On  observait 
en  outre  ce  singulier  phénomène,  que,  pendant 
tout  le  temps  des  plus  violentes  douleurs ,  le  ma- 
lade agitait  avec  vivacité  la  pointe  de  sa  langue  en- 
tre les  lèvres  contractées;  il  affirmait  que  ces 
mouvemens  de  la  langue  lui  procuraient  quelque 
soulagement.  L'habile  médecin  Zenzen  employa, 
contre  un  mal  aussi  opiniâtre,  tous  les  remèdes 
imaginables  :  d'abord  les  anti-rhumaliques,  les  ré- 
solutifs, les  eccoprotiques,  mais  sans  nul  effet;  le 
soufre ,  le  musc ,  le  castoréum ,  l'éther  sulfurique , 
dans  la  classe  des  excitans  ;  dans  celle  des  narcoti- 
ques, la  ciguë,  la  belladonna,  la  jusquiame,  le 
datura-stramonium  et  l'opium  sous  diverses  for- 
mes; le  mercure  même,  qu'on  croyait  avoir  pro- 
curé du  soulagement  quelques  années  auparavant, 
tout  fut  mis  en  usage  sans  aucun  succès.  Les  topi- 
ques ne  furent  point  oubliés  :  la  teinture  d'opium , 
la  ciguë  et  la  belladonna;  on  appliqua  des  sangsues 
à  la  face,  des  vésicatoires  à  la  nuque,  l'écorce  de 
garou  aux  bras.  L'électricité  et  le  galvanisme  fu- 
rent employés  de  toute  façon ,  des  sternutatoires 
furent  pris  en  guise  de  tabac.  Chaque  changement 
de  remède,  procurant  quelque  soulagement,  ré- 
veillait l'espoir  de  la  guérison;  mais  bientôt  se  dis- 


■    (  60  ■) 

sipait  ce  faible  soulagement,  qu'on  devait  bien 
moins  attribuer  à  la  vertu  des  remèdes  qu'à  l'ima- 
gination du  patient.  Le  seul  médicament  qui  pro- 
curât réellement  quelque  répit,  était  l'opium,  qu'il 
fallait  pour  ceia  administrer  à  très  grande  dose. 

Au  commencement  de  l'été  de  l'année  1801,  le 
malade  prit,  pendant  huit  semaines,  les  eaux  de 
Wisbad  ;  leur  effet  fut  si  avantageux  que  les  dou- 
leurs disparurent  pour  toute  cette  saison ,  et  que  le 
malade  se  crut  entièrement  guéri. 

L'hiver  suivant  les  douleurs  reparurent,  mais 
moins  intenses  et  plus  circonscrites.  Au  printemps 
elles  augmentèrent  comme  de  coutume;  mais  le 
malade  s'en  consolait,  en  songeant  qu'il  trouverait 
encore  un  remède  dans  les  eaux  de  Wisbad.  Il  se 
rendit  donc  à  ces  eaux,  plein  d'un  espoir  qui  fut 
bien  trompé  ;  loin  d'en  avoir  retiré  aucun  avantage, 
il  revint  chez  lui  avec  une  aggravation  de  ses  souf- 
frances. Le  printemps  et  l'été  de  1 803  présentèrent 
la  même  succession  des  mêmes  maux  ;  l'hiver,  qui 
amenait  toujours  quelque  soulagement,  laissa  en- 
core au  malade  quelque  intervalle  de  calme.  Au 
printemps  de  1 804 ,  la  névralgie  faciale  se  réveilla 
de  nouveau  plus  violente  que  jamais;  elle  s'étendit 
à  une  plus  grande  surface,  et  s'accompagna  de 
symptômes  qu'elle  n'avait  pas  encore  présentés;  la 
douleur  ne  fut  plus  limitée  à  la  joue  et  aux  pau- 
pières, elle  occupa  tout  le  front  et  une  partie  du 
cuir  chevelu.  L'œil  était  violemment  tourné  en  de- 
hors, et  il  semblait  au  malade  qu'on  le  saisit  avec 


(61   ) 

des  tenailles  et  qu'on  Tarrachât  de  l'orbite.  Le  côté 
gauche  de  la  face,  qui  jusqu'alors  n'avait  présenté 
de  symptômes  d'aucune  espèce ,  fut  agité  de  mou- 
vemens  convulsifs,  mais  sans  douleur;  à  cela  se 
joignit  un  bourdonnement  d'oreilles  qui  obscurcit 
l'audition.  Les  moindres  circonstances,  le  contact 
le  plus  léger  du  nez,  de  l'oreille,  du  cou  du  côté 
affecté,  l'odeur  du  vinaigre,  de  toutes  les  subs- 
tances spiritueuses  et  volatiles  ;  bien  plus,  la  vapeur 
des  alimens  chauds,  la  moindre  agitation  de  l'air, 
les  vibrations  qu'y  détermine  le  son  des  instrumens 
de  musique,  suffisaient  alors  pour  renouveler  les 
douleurs,  ou  pour  leur  donner,  si  elles  existaient, 
un  surcroît  de  violence.  Il  en  résultait  que  tantôt 
plusieurs  jours  s'écoulaient,  pendant  lesquels  il  n'y 
avait  que  de  rares  paroxismes,  et  que  tantôt  les  ac- 
cès se  répétaient  plus  de  cent  fois  dans  la  journée. 
Les  jours  où  le  mal  était  le  plus  supportable  furent 
toujours  ceux  où  le  ciel  était  serein,  et  où  un 
froid  violent  avait  condensé  l'atmosphère  ;  un 
temps  chaud  et  humide  était  au  contraire  le  plus 
fâcheux. 

Au  milieu  des  métamorphoses  nombreuses  que 
subit  la  maladie,  un  phénomène  fut  toujours  cons- 
tant et  invariable  :  quand  la  douleur  avait  duré  une 
demi-minute  ou  une  minute  entière ,  tout  à  coup 
quatre  larmes  coulaient  sur  la  joue ,  une  mucosité 
blanchâtre  et  visqueuse  s'échappait  des  narines,  et 
l'accès  était  fini.  Si  cet  écoulement  de  larmes  et  de 
mucosité  n'avait  pas  lieu,  ce  qui  arriva  quelquefois 


(62) 

dans  la  période  la  plus  violente  de  la  maladie,  les 
douleurs  recommençaient  avec  une  nouvelle  inten- 
sité, et  les  accès  se  succédaient  ainsi  jusqu'à  ce 
qu'arrivât  enfin  cet  écoulement  indispensable  de 
larmes  et  de  mucus. 

Le  malade  observa  depuis  cette  époque,  que  la 
nuit  les  douleurs  revenaient  dès  qu'il  était  couché 
sur  le  côté,  n'importe  lequel;  aussi  s'étudia-t-il  à 
dormir  sur  le  dos,  position  dans  laquelle  les  inter- 
valles de  calme  duraient  beaucoup  plus  long-temps; 
mais  il  eut  à  supporter  bien  des  douleurs,  et  bien 
des  précautions  à  prendre  avant  d'être  accoutumé 
à  cette  position.  Tous  les  moyens  qui  autrefois 
avaient  diminué  la  douleur  ou  dissipé  les  accès , 
comme  les  frictions  de  la  partie  affectée,  la  pression 
exercée  à  l'endroit  où  le  nerf  sous-orbi taire  sort 
de  son  canal  osseux,  une  forte  compression  des 
dents  des  deux  mâchoires  du  côté  gauche,  le 
mouvement  du  corps  dans  un  air  sec  et  froid,  ne 
procuraient  plus  le  moindre  soulagement. 

En  proie  à  d'aussi  cruelles  souffrances,  ce  mal- 
heureux ne  désirait  rien  tant  que  la  mort.  Tous  les 
remèdes  qu'avaient  pu  ordonner  les  médecins  de 
l'endroit  et  les  médecins  étrangers,  ceux  qu'a- 
vaient suggérés  le  raisonnement  ou  imaginés  l'em- 
pirisme, tous  avaient  été  employés  en  vain.  Il  ne 
restait  que  le  séton  dont  on  n'eût  pas  encore  fait 
l'essai;  il  fut  proposé,  accepté  par  le  malade  comme 
une  ancre  de  salut,  et  appliqué  à  la  nuque  le  13 
juin  1804.  Il  ne  fut  pas  plus  efficace  que  tout  le 


(63) 

reste.  L'hiver  suivant,  la  douleur  diminua  comme 
de  coutume,  mais  elle  reprit  au  printemps  de  1 805, 
augmentant  toujours  en  étendue  et  en  intensité.  Le 
séton ,  qui  avait  fort  inutilement  fait  souffrir  le  ma- 
lade, fut  retiré  et  l'ulcère  guéri. 

Depuis  ce  temps ,  que  le  malade  appela  une  nou- 
velle époque  de  spasmes ,  jusqu'à  la  fm  de  juin ,  les 
douleurs  s'accrurent  à  tel  point ,  soit  sous  le  rap- 
port de  la  violence,  soit  sous  celui  du  nombre  des 
accès,  qu'il  eut  à  peine ,  dans  cet  intervalle  de  cinq 
mois,  une  heure  de  sommeil.  Les  nuits,  qui  lui  ap- 
portaient autrefois  quelque  soulagement ,  étaient 
maintenant  le  temps  des  plus  cruelles  souffrances. 
La  douleur  avait  gagné  dans  tous  les  sens;  elle 
s'étendait  au  voile  du  palais  et  à  la  luette ,  et  à  la 
langue.  Elle  ne  s'était  pas  moins  propagée  à  l'exté- 
rieur; elle  occupait  l'angle  de  la  mâchoire  infé- 
rieure, la  région  de  l'oreille  et  même  les  muscles 
du  col  et  les  tégumens  au  dessous  du  menton.  Les 
plus  fortes  doses  d'opium  n'y  apportaient  pas  le 
moindre  soulagement.  Le  long  abus  de  ce  remède, 
la  perte  du  sommeil,  le  défaut  presque  complet 
d'alimentation  auquel  le  malade  avait  été  réduit  par 
les  tourmens  que  lui  faisait  endurer  la  mastica- 
tion, le  délabrement  de  la  constitution  et  la  chute 
des  forces;  toutes  ces  circonstances,  auxquelles  on 
ne  voyait  pas  de  terme  possible ,  faisaient  prévoir 
que  la  mort  viendrait  bientôt  enfin  trancher  une  si 
déplorable  existence. 

La  maigreur  générale  était  considérable;  mais 


(  64  ) 

la  inaigreur  du  côté  de  la  face ,  siège  de  la  maladie, 
était  particulièrement  remarquable. 

Dans  cet  état  désespéré ,  où  tous  les  remèdes 
imaginables  avaient  été  essayés  en  vain,  Leydiget 
un  autre  médecin  conseillèrent  la  section  du  nerf 
sous-orbitaire.  Ce  conseil  fut  accueilli  avec  em- 
pressement par  le  malade.  Après  lui  avoir  parlé 
du  succès  que  pouvait  avoir  cette  opération ,  on  ne 
lui  laissa  point  ignorer  que  dans  quelques  cas,  ra- 
res à  la  vérité ,  cette  section ,  bien  loin  de  faire  ces- 
ser les  douleurs ,  les  avait ,  au  contraire ,  augmen- 
tées. L'état  insupportable  dans  lequel  il  se  trouvait 
lui  fit  repousser  toute  objection;  il  demanda  Topé- 
ration  avec  instance.  Elle  fut  pratiquée  par  Leydig, 
le  22  juin ,  de  la  manière  suivante. 

Le  malade  fut  assis ,  la  tête  appuyée  contre  la 
poitrine  d'un  aide  placé  debout  derrière  lui,  et 
chargé  de  la  maintenir  immobile  avec  ses  deux 
mains.  L'opérateur  était  debout  en  face  du  malade 
et  entre  ses  jambes.  En  explorant  avec  soin  l'en- 
droit où  devait  être  faite  l'incision,  on  reconnut 
fort  distinctement,  à  cause  de  la  maigreur  du  vi- 
sage, la  marge  du  canal  sous-orbitaire.  Toutefois, 
pour  procéder  avec  plus  de  sûreté ,  on  appliqua 
en  cet  endroit  une  bandelette  d'emplâtre  adhésif 
d'un  demi-pouce  pour  marquer  la  longueur  et  la 
direction  de  l'incision.  Cela  fait,  avec  l'attention 
de  ne  point  déranger  par  la  tension  les  tégumens 
de  leur  situation  naturelle ,  on  enfonça  un  bistouri 
à  lame  droite,  mince  et  étroite,  vers  l'extrémité  ex- 


(66  ) 

terne  du  bord  inférieur  de  l'emplâtre  adhésif,  à 
travers  la  peau  et  les  chairs ,  jusqu'à  l'os.  Le  pouce 
appuyé  fortement  sur  l'os  de  la  pommette  retint  la 
peau  pour  l'empêcher  de  suivre  l'instrument  et 
d'en  changer  la  direction  ;  alors  le  bistouri ,  la 
pointe  toujours  appuyée  contre  l'os,  fut  conduit 
le  long  du  bord  inférieur  de  l'emplâtre  aggluti- 
natif,  jusqu'à  l'endroit  marqué  pour  le  terme  de 
l'incision.  L'artère sous-orbitaire ,  ouverte,  donna 
beaucoup  de  sang,  et  en  remplit  la  plaie,  de  ma- 
nière qu'il  était  impossible  d'en  examiner  le  fond. 
Quoique  la  pointe  du  bistouri  n'eût  jamais  aban- 
donné l'os  dans  toute  la  longueur  de  l'incision, 
cependant ,  pour  s'assurer  encore  mieux  que  toutes 
les  parties  molles  y  avaient  été  exactement  cou- 
pées ,  le  chirurgien  introduisit  dans  la  plaie  une 
sonde  cannelée,  et  se  convainquit,  en  raclant  l'os 
de  sa  pointe  dans  toute  l'étendue  de  la  division, 
qu'elle  n'avait  rien  épargné;  il  explora  même,  pour 
dissiper  jusqu'à  l'ombre  du  doute ,  le  fond  de  la 
plaie  avec  le  doigt  indicateur,  et  il  reconnut  que 
Fincision  avait  été  faite  si  près  de  la  marge  du  ca- 
nal sous-orbitaire ,  qu'on  sentait  parfaitement  l'ori- 
fice de  ce  canal ,  l'os  dénudé  en  cet  endroit  de  son 
périoste ,  et  pas  le  moindre  vestige  du  nerf  qui 
passe  par  ce  trou.  Ne  voulant  pas  laisser  les  lè- 
vres de  la  plaie  se  réunir^  on  mit  d'abord  de  la 
charpie  dans  le  fond  et  même  à  l'orifice  du  canal 
sous-orbitaire,  puis  la  plaie  fut  remplie  de  charpie, 
et  le  tout  maintenu  avec   un  emplâtre  adhésif* 

5 


(  60  ; 
L'hémorrhagie  s'arrêta  alors  complètement.  Pen- 
dant qu'on  lavait  les  environs  de  la  plaie,  des  mou- 
vemens  convulsifs  agitèrent  les  joues,  les  lèvres, 
le  nez  et  les  paupières  ;  le  moindre  contact  suffisait 
pour  les  provoquer,  mais  ils  cessèrent  en  moins 
de  deux  minutes,  et  le  malade  fut  alors  mis  au  lit. 

Deux  heures  après  l'opération,  Leydig  revit  le 
malade  :  celui-ci  évitait  avec  soin  le  moindre  mou- 
vement ,  et  écrivit,  sur  un  petit  billet ,  qu'il  n'avait 
ressenti  depuis  l'opération  aucun  accès  doulou- 
reux ;  que  la  lèvre  supérieure  était  dans  un  état  de 
torpeur  et  d'insensibilité,  et  qu'elle  lui  semblait 
avoir  le  volume  du  poing.  La  vérité  est  que  cette 
lèvre  n'était  point  plus  gonflée,  mais  bien  plus 
froide  que  les  autres  parties ,  et  tirée  vers  le  côté 
opposé. 

A  huit  heures  trois  quarts,  le  malade  s'endormit , 
mais  il  fut  réveillé  à  neuf  heures  par  le  retour  de 
sa  douleur,  dont  deux  accès  se  succédèrent  en  peu 
de  temps.  Au  milieu  de  ces  accès,  la  plaie  fournit 
de  nouveau  du  sang ,  dont  une  compression  modé- 
rée suffit  pour  arrêter  l'écoulement.  Exempt  alors 
de  toute  douleur,  le  malade  s'était  encore  livré  au 
sommeil  ;  mais  des  mouvemens  convulsifs,  quoique 
non  douloureux,  de  l'autre  côté  de  la  face,  trou- 
blèrent son  repos  :  il  se  rendormit  vers  le  milieu 
de  la  nuit.  Au  bout  de  deux  heures  environ  de 
sommeil,  il  fut  réveillé  par  un  nouvel  accès  :  le 
reste  de  la  nuit  se  passa  entre  le  sommeil  et  la  veille, 
et  de  rares  accès  de  douleur. 


(  67  ) 

Le  23  juin,  à  une  heure  après  midi,  le  malade 
eut,  en  mangeant,  deux  accès,  mais  moins  violens 
que  les  précédens  :  il  ne  souffrit  plus  jusqu'au  soir, 
que  la  même  cause  réveilla  quatre  ou  cinq  fois  la 
douleur. 

Le  24  juin,  le  malade,  plein  de  joie,  rapporta 
qu'il  avait  passé  la  nuit  tout  entière  sans  douleur, 
ce  qui  ne  lui  était  pas  arrivé  une  seule  fois  dans 
tout  le  cours  de  sa  maladie,  et  qu'il  avait  joui  du 
sommeil  le  plus  doux  et  le  plus  tranquille.  Il  par- 
lait ce  matin  sans  être  interrompu,  comme  de  cou- 
tume, par  la  douleur;  il  sentit  seulement,  en  man- 
geant, quelques  élancemens  passagers  dans  les 
muscles  de  la  face.  La  nuit  du  24  au  25  juin  ne 
fut  pas  moins  bonne  que  la  précédente.  A  la  visite 
du  matin,  le  malade  était  à  déjeuner  :  il  raconta 
qu'il  avait  éternué  sans  éprouver  la  moindre  dou- 
leur, et  qu'il  pouvait  maintenant  remuer,  secouer 
même  le  pied  droit ,  ce  qu'il  n'aurait  pu  faire  aupa- 
ravant sans  provoquer  des  accès.  Le  ventre  était 
resserré  :  un  lavement  fut  administré. 

Le  26  juin,  vers  le  milieu  de  la  nuit ,  apparurent 
tous  les  symptômes  qui  annonçaient  ordinairement 
les  plus  violens  accès ,  mais  tout  disparut  sans  que 
le  malade  eût  éprouvé  de  douleur.  Vers  une  heure 
après  minuit,  retour  des  mêmes  alarmes,  qui  se 
dissipent  également  sans  accès;  mais  bientôt  après, 
survient  une  grande  douleur  de  tête,  vers  l'occiput, 
suivie,  au  bout  d'un  quart  d'heure,  d'un  sommeil 
qui  dura  jusqu'à  six  heures.  Le  malade  se  trouva 


(68) 

très  bien  a  son  réveil.  Les  27,  28  et  29  juin  furent 
également  Iranquilles  et  exempts  de  douleur;  le  30, 
tout  était  dissipé,  jusqu'à  ces  élancemens  passa- 
gers qui  s'étaient  fait  sentir  dans  la  région  affectée 
de  la  face  ;  bien  plus ,  cette  exquise  sensibilité, 
dont  la  dent  canine  supérieure  et  le  voile  du  palais 
avaient  été  le  siège,  était  si  bien  dissipée,  que  le 
malade  avait  pu,  pour  la  première  fois,  depuis 
si  long-temps,  briser  entre  ses  dents  des  corps 
solides  ,  mâcher  et  avaler  sans  éprouver  la  moindre 
douleur. 

Le  1"  juillet,  il  se  fit  faire  la  barbe.  Avant  la 
section  du  nerf,  cette  opération  était  une  des  cir- 
constances qui  réveillaient  le  plus  sûrement  les 
douleurs,  et  elle  ne  se  passait  jamais  sans  avoir 
provoqué  plusieurs  violens  accès.  Pour  cette  fois, 
bien  que  le  malade  ne  vît  pas  sans  frayeur  appro- 
cher le  rasoir,  il  n'en  éprouva  nul  effet.  Ayant 
frappé  par  mégarde ,  en  voulant  se  moucher,  la 
plaie  de  la  face,  il  sentit,  au  moment  même,  son 
ancienne  douleur,  mais  elle  fut  peu  violente,  et  se 
dissipa  en  un  instant  :  il  fut  très  bien  aussitôt  après. 

Le  premier  appareil  n'avait  pas  encore  été  levé 
le  2  juillet  ;  la  charpie  était  assez  imbibée  de  pus 
pour  qu'on  pût  l'enlever  sans  causer  d'autre  dou- 
leur qu'un  peu  de  démangeaison  à  l'aile  droite  du 
nez  et  à  la  lèvre  du  même  coté.  La  plaie  fut  pansée 
de  la  même  manière,  jusqu'au  1 4  août,  sans  que  le 
malade  eût,  dans  cet  intervalle,  éprouvé  de  dou- 
leui'.  La  cicatrisation  lût  alors  complète  :  on  n'avait 


(68) 

rien  observé  d'aiileui's  de  particulier  et  qui  mérite 
d'être  rapporté.  Une  petite  cicatrice,  n'ayant  rien 
de  difforme,  était  tout  ce  qu'on  pouvait  observer 
de  ce  côté  de  la  face;  toute  agitation  convulsive 
des  paupièjes,  de  l'œil  et  des  muscles  de  la  face  y 
avait  disparu;  le  côté  droit  du  nez  et  de  la  lèvre 
supérieure  avait  perdu  sa  sensibilité  ;  le  malade  le 
sentait  plus  froid  et  plus  volumineux  qu'avant  la 
section  du  nerf.  Le  côté  gauche  de  la  face  n'avait 
éprouvé  aucun  changement  depuis  l'opération  ;  les 
mouvemens  convulsifs  non  douloureux  y  persis- 
taient toujours. 

Délivré  de  ses  affreux  tourmens ,  Kreuser  jouis- 
sait maintenant  de  la  santé,  et  pouvait  reprendre 
les  fonctions  de  son  état ,  les  plaisirs  et  le  soin  de 
sa  famille;  le  retour  de  l'appétit  ramena  bientôt  les 
forces  et  l'embonpoint. 

Un  an  et  trois  mois  s'étaient  écoulés  depuis  l'o- 
pération, quand  Leydig  en  écrivait  l'histoire  :  la 
douleur  n'avait  jamais  reparu,  quoique  Kreuser 
s'exposât  aux  causes,  et  remplit  les  fonctions  qui 
les  provoquaient  autrefois  immanquablement  :  seu- 
lement, durant  l'automne  et  le  printemps,  époques 
ordinaires  des  plus  violens  accès,  le  côté  droit  de  la 
face  était  doué  d'une  plus  vive  sensibilité  :  quel- 
quefois il  y  avait  douîeur  de  tête  vers  l'occiput, 
mais  rien  de  comparable,  à  beaucoup  près,  à  la  né- 
vralgie faciale.  Les  mouvemens  convulsifs  non 
douloureux  du  côté  gauche  de  la  face,  l'anaesthé- 
sie  de  la  lèvre  sunérieure  et  de  l'aile  du  nez  du  côté 


(  ''^  ) 

droit ,  persistaient  toujours ,  de  même  que  l'écou- 
lement  de  mucosités  blanchâtres  par  les  narines. 
Kreuser  conservait  aussi  l'habitude  qu'il  avait  con- 
tractée de  se  pincer  les  lèvres  avec  le  bout  de  la 
langue  ^ 

ni.  Les  observations  rapportées  jusqu'ici  don- 
nent une  idée  des  formes  simples  que  peuvent  pré- 
senter les  névralgies  des  deux  premières  branches 
de  la  cinquième  paire.  11  est  à  peine  nécessaire  de 
rappeler  que,  dans  la  plupart  des  cas,  ces  formes 
se  compliquent  mulueliement  et  donnent  lieu  aux 
variétés  sans  nombre  de  la  maladie.  Les  affections 
de  la  troisième  branche,  et  surtout  celles  de  son 
rameau  le  plus  important,  le  mentonnier,  sont 
moins  rarement  isolées.  Nous  rapporterons  quel- 
ques  cas  de  cette  dernière ,  mais  nous  devons 
dire  auparavant  quelques  mots  des  névralgies  des 
différens  rameaux  qui  forment  la  maxillaire  infé- 
rieure, avant  de  pénétrer  dans  le  canal  osseux  du 
même  nom.  Ceux  de  ces  rameaux  qui  se  distri- 
buent aux  muscles  ptérygoïdiens  masseters ,  etc. 
donnent  lieu ,  quand  ils  sont  le  siège  de  la  maladie, 
a  des  symptômes  qui  peuvent  la  faire  prendre  pour 
une  affection  de  quelque  partie  du  nerf  faciaL 
Voici  un  cas  dans  lequel  c'était  probablement  le 
rameau  lingual  qui  était  affecté. 

•  P.   J.   Lejdig  :   Doloris  faciel  dissecto  infra- orbitale 
uervo  jU'ofÀgcui  liistoria.  Heidclberg  (1808),  111-4"?  36  pp. 


(71) 

OBSERVATION    QUINZIEME, 

Névralgie  du  rameau  lingual  de  la  branche  maxillaire 
inférieure. 

Nous  avons  observé  (dit  Brewei  )  un  cas  de  tic 
douloureux  chez  un  vieillard  de  soixante-quinze 
ans,  qui  y  est  demeuré  sujet  jusqu'à  sa  mort ,  c'est- 
à-dire  pendant  sept  à  huit  ans  encore.  La  douleur 
chez  lui  avait  constamment  son  siège  sur  le  côté 
gauche  de  la  langue,  à  la  partie  la  plus  large.  Il 
y  avait  des  temps  où  elle  se  faisait  sentir  très  fré- 
quemment, et  où  le  moindre  mouvement,  soit  pour 
mâcher  les  alimens ,  soit  pour  parler,  la  faisait  re- 
paraître en  excitant  chez  lui ,  quoiqu'il  fut  d'un 
naturel  extrêmement  patient ,  des  contorsions  pé- 
nibles à  voir,  mais  qui  n'avaient  aucune  apparence 
de  spasme ,  ainsi  que  le  remarque  Fothergill.  Sou- 
vent ses  repas  étaient  dérangés  par  la  crainte  de 
ramener  les  paroxismes  ,  souvent  la  même  crainte 
l'empêchait  de  parler.  L'examen  répété  de  la  langue 
n'y  fit  jamais  apercevoir  ni  gonflement ,  ni  ulcéra- 
tion ,  ni  aucun  corps  étranger,  dont  on  avait  été 
jusqu'à  soupçonner  la  présence.  Nous  voulûmes 
lui  donner  de  l'extrait  de  ciguë;  mais,  soit  qu'il  ne 
pût  pas  avaler  les  pilules  ,  soit  qu'il  ne  voulût  pas 
s'astreindre  à  prendre  aucun  remède  d'une  ma- 
nière suivie,  il  fut  impossible  d'en  obtenir  aucun 
effet.  Cependant  il  parut  quelquefois  recevoir  du 
soulagement  de  l'usage  interne  des  fleurs  de  zinc 
et  de  leur  application  sur  la  langue  ;  mais  ,  quoi- 


(  72) 

qu'il  en  convint,  on  ne  pouvait  le  déterminer  à  y 
avoir  recours  aussi  souvent  qu'il  aurait  été  né- 
cessaire ;  il  se  faisait  un  devoir  de  la  résignation  ; 
il  cherchait  à  cacher  ses  souffrances  à  ses  alen- 
tours ,  et  il  paraissait  regarder  comme  inutile  de 
s'occuper  de  remède  à  un  âge  aussi  avancé  que 
le  sien  (^Biblioth,  gey^man,  ,  tom.  V,  pag.  55). 

On  lit  dans  le  deuxième  fascicule  des  Memo^ 
y^abiL  clini'c,  de  Reil ,  un  cas  qui  paraît  être  assez 
analogue  à  celui-ci ,  bien  que  la  douleur  ne  fût  pas 
aussi  nettement  limitée  ;  nous  y  renvoyons  le 
lecteur. 

Nous  négligeons  les  névralgies  dentaires  infé- 
lieures,  proprement  dites,  et  celles  qui  attaquent 
le  tronc  nerveux  dans  le  trajet  même  du  canal 
qu'il  parcourt ,  pour  arriver  aux  névralgies  men- 
tonnières ,  c'est-à-dire  à  celles  qui  l'atteignent  à 
sa  sortie  par  le  trou  de  ce  nom. 

Plusieurs  points  de  l'observation  qui  va  suivre 
manquent  de  précision  et  seraient  capables  de  jeter 
quelque  incertitude  sur  le  véritable  siège  de  la 
maladie  qui  en  fait  le  sujet,  si  d'autres  renseigne- 
mens  très  positifs,  qui  s'y  trouvent  aussi,  et  l'opi- 
nion formelle  de  l'observateur,  ne  fournissaient, 
avec  assez  de  sûreté,  les  moyens  d'assigner,  beau- 
coup mieux  que  ne  le  font  les  ternies  mêmes  dont 
il  s'est  servi,  la  valeur  relative  des  symptômes, 
et  le  caractère  ynimitif  ou  secondaire  de  chacun 
d'eux. 


(  73 


OBSERVATION    SEIZIEME. 
Maxillaire  inférieur.  Mentonnier. 

Le  sieur  Lespart,  bourgeois  de  Versailles,  souf- 
frait depuis  quatorze  à  quinze  ans  les  douleurs  les 
plus  cruelles  d'un  tic  douloureux  qulaymi  son  prin- 
cipal siège  à  la  mâchoire  inférieure  du  côté  gau- 
che, ou  plutôt  dans  une  branche  de  nerf  de  la 
cinquième  paire  appelée  7naxillaire  inférieure, 
qui  sort  du  canal  de  la  mâchoire  par  le  trou  men- 
tonnier. Ces  maux  ne  laissaient  au  malade  aucun 
relâche;  jour  et  nuit  il  courait  comme  un  insensé 
et  un  furieux;  il  ne  pouvait  mâcher,  et  dans  le 
temps  de  la  déglutition  il  faisait  les  grimaces  les 
plus  horribles;  enfin  son  tic  le  fatiguait  au  point, 
par  ses  fréquences,  qu'il  était  obligé  d'avoir  con- 
tinuellement le  menton  appuyé  sur  un  point  solide; 
il  ne  pouvait  presque  pas  parler,  il  était  aussi  dans 
l'impossibilité  de  vaquer  aux  affaires  indispensa- 
bles d'un  négoce  étendu.  Son  tic  s'annonçait  par 
des  cris  plaintifs,  il  finissait  par  des  accens  gra- 
dués, entrecoupés,  et  une  respiration  précipitée 
par  le  nez,  et  était  accompagné  d'une  extension 
générale  et  d'une  distorsion  continuelle  du  nez, 
des  lèvres,  de  la  bouche  et  de  tout  le  visage,  et 
des  douleurs  si  grandes  et  si  vives  qu'il  disait  tou- 
jours qu'on  lui  arrachait  avec  violence  les  tempes 
et  le  pariétal  du  côté  malade.  Il  avait  pendant  tout 
ce  temps  fait  beaucoup  de  consultations  et  de  re- 
mèdes, et  il  n'y  eut  guère  de  charlatans  qui  n'eus™ 


(  'i-i  ) 
sent  essayé  de  lui  en  donner.  Mareschal  fut  le  pre- 
mier qui  connut  la  nature  de  la  maladie ,  et  son 
opinion  fut  que  le  véritable  moyen  de  la  guérir 
était  de  pratiquer  la  section  du  nerf  mentonnier  à 
l'endroit  même  où  il  sort  par  le  trou  de  ce  nom. 

L'opération,  pratiquée  par  l'intérieur  de  la  bou- 
che ,  n'atteignit  probablement  pas  le  nerf  qu'il  fal- 
lait couper;  les  symptômes  restèrent  les  mêmes 
jusqu'au  dix-septième  jour,  qu'il  survint  une  hé- 
morrhagie  extrêmement  violente  ,  accompagnée 
d'un  soulagement  d'environ  deux  mois ,  pendant 
lesquels  il  n'y  eut  que  quelques  accès  passagers 
de  tic  douloureux. 

Après  ce  temps,  le  mal  reprit  de  nouveaux  ac- 
croissemens,  et  le  malade  retomba  dans  des  dou- 
leurs encore  plus  aiguës  que  par  le  passé.  André, 
de  Versailles,  consulté  à  cette  époque,  eut  recours 
à  la  cautérisation,  qui  lui  avait  réussi  plusieurs 
fois.  «Le  caustique  ayant  pénétré  jusqu'à  l'os ,  dit- 
il  ,  et  mis  à  nu  le  trou  mentonnier,  j'aperçus  dis- 
tinctement le  paquet  des  vaisseaux,  le  nerf,  l'artère 
et  la  veine  confondus  avec  les  fragmens  de  l'es- 
carre; je  les  pinçai  et  secouai  légèrement,  à  l'instant 
le  tic  reparut.  »  Assuré  d'avoir  ainsi  pénétré  jusqu'à 
la  source  du  mal,  André  crut  devoir  pratiquer  en- 
core plusieurs  cautérisations  successives ,  dont 
nous  aurons  occasion  de  parler  dans  un  autre  en- 
droit, et  le  malade  fut  guéri,  après  avoir,  il  est  vrai, 
supporté  quelques  opérations  inutiles  outre  une 
opération  nécessaire,  et  pour  laquelle  on  ne  saurait 


(  75) 
donner  trop  d'éloges  à  celui  qui  la  pratiqua  le 
premier. 

OBSERVATION    DIX-SEPTIEME. 
Maxillaire   inférieur.   Meiitonnier. 

Le  sieur  "^^^j  procureur  fiscal  de  Château- 
Thierry,  âgé  de  plus  de  soixante-quinze  ans,  était, 
dit  encore  André,  dans  le  même  état  dont  je  venais 
de  tirer  le  sieur  Lespart  ;  la  conformité  de  leurs 
maladies  les  avait  liés  de  l'amitié  la  plus  étroite,  ils 
se  rendaient  un  compte  mutuel  des  moyens  qu'ils 
mettaient  en  pratique  pour  se  soulager.  En  consé- 
quence le  sieur  ***  partit  sur-le-champ  de  son  pays 
et  vint  à  Versailles  chercher  le  même  avantage  que 
je  venais  de  procurer  à  son  ami. 

Son  aspect  m'effraya,  je  balançai  long-temps  si 
je  renverrais  ce  malade  ou  non,  sans  faire  aucune 
tentative  ;  effectivement,  outre  la  maladie  pour  la- 
quelle il  était  venu,  il  était  vieux  et  usé,  il  avait  le 
visage  livide  et  décharné ,  il  crachait  sans  relâche 
du  pus  verdâtre  et  en  grande  abondance;  de  plus, 
il  portait  depuis  long-temps  une  fistule  complète  à 
l'anus,  il  avait  essuyé  l'opération;  enfin  il  avait 
inutilement  essayé  de  tout  ce  que  l'art  a  de  plus 
connu  et  de  plus  efficace  dans  l'une  et  l'autre  mé- 
decine. 

Les  instances  réitérées  de  ce  pauvre  vieillard , 
son  triste  état,  ses  tourmens  continuels  l'emporté- 
rent  sur  mes  répugnances,  et  me  déterminèrent  à 


(76) 

mettre  en  œuvre  les  moyens  qui  m'avaient  déjà 
réussi. 

Les  douleurs  convulsîves  étaient  dans  le  nerf 
maxillaire  du  côté  droit.  Je  lui  fis  la  même 
opération  que  je  fixai  sur  le  trou  mentonnier;  je 
continuai  l'application  des  caustiques  jusqu'à  ce 
qu'il  fui  découvert  et  que  toutes  les  adhérences 
du  nerf  maxillaire  inférieur  fussent  détruites  ; 
alors  tous  les  accidens  de  son  tic  douloureux  ces- 
sèrent. 

Une  fluxion  de  poitrine  qui  survint  au  ma- 
lade et  qui  faillit  l'emporter,  le  préserva  des  cau- 
térisations ultérieures  que  voulait  encore  pratiquer 
le  chirurgien.  Il  partit  dès  qu'il  fut  en  convales- 
cence. Il  n'a  jamais  ressenti  la  moindre  atteinte 
de  son  tic  douleureux ,  quoiqu'il  ait  survécu  plu- 
sieurs années  à  cette  opération. 

Nous  terminerons  tout  ce  que  nous  avions  à  dire 
sur  les  névralgies  de  la  cinquième  paire  en  parti- 
culier, par  la  relation  du  fait  suivant  que  l'on  doit 
à  Marc-Aurèle  Severino. 


OBSERVATION    DlX-IlUmEME. 
Névralgie  du  Mentonnier. 

«  Antonius  a  Cavio  provincise  romanœ  oppido , 
sacerdos  sodalis  Franciscanus  ex  his,  quos  con- 
venluales  appellant*,  homo  vigesimum  quintum , 
aut  circiter,  annum  natus;  pusillocorpore,  habita 


(77) 

gracili ,  dejecto  plane  colore ,  crasi  omnino  biliosa 
et  non  nihil  exusta  ;  id  sibi  molestiarum  et  morbi , 
decemjam  annos,  questus  est  incurrisse.  Ad  mé- 
dium inferioris  maxillse  locnm ,  qua  oum  labro , 
item  inferiore  mediis  merabranis  connectitur , 
nullo  unquam  apparente  tumore ,  vel  alieno  co- 
lore, prurigo  insultât  in  dies,  saepe  sic  gravis  et 
effera ,  ut  necessum  sibi  sit ,  ut  dolor  ejusmodi 
prehendat ,  nunc  dextera ,  nunc  lœva  manu ,  par- 
titis  scilicet  quasi  vicibus  laboris,  locum,  quà  men- 
tum  incohat ,  vehementissime  quatere ,  pressum- 
que  hue  îlluc  varie  deducere  ;  quo  facto  in  horas 
particulse  defricatu  sic  posse  quiescere  ut  furienle 
illo  dolore  non  deprimatur,  alque  dispereat!  quam- 
quam  qualis  illa  quies,  aut  qualis  illa  levatio  sit, 
cui  supersit  amaritudo  incomparabiliter  potior  ! 
cui  malo  nullse  pares  corporis  aut  inanitiones, 
aut  expurgationes ,  aut  assse  sudationes  :  ut  neque 
diversoria  remédia,  fonticuli,  externa epithemata, 
intinctus  medicamentorumacerrimi,  et  quse  deni- 
que  non  medeîse  !  adde  neque  diruptus,  concisus- 
que  ,  particulee  ,  quse  perpetuo ,  credo  ,  lancinatu 
callum  obduxerat.  Quid  plura?  Sed  neque  vis  ignis 
ex  ferro  diaphano  ,  et  scintillante,  vitii  virus  ex- 
coquere ,  quid  dicam  autem  extirpare  valens  fuit  : 
adeo  scilicet  atrox  fomes  altis  nixus  radicibus  in- 
time se  reduxerat. 

« Vivit  adhuc  vitae  pertaesus  homo ,  vigiliis 

nocturnis ,  molestiisque  diurnis  ,  quassus ,  actus- 
que,  sic,  ut  aridus ,   et  squalens  toto  corpore, 


(  -78  ) 
futurum  sit  aliquando ,  ut  doloribus  ,  salis  in  mo- 
duni,  quod  Plaulus  ait,  liquescat.  Res  nota  nuUis 
non  Cœnobii  fratribus ,  medicisque  neopolilanis , 
quoshomo  miserabilissingulos  consuluit,  patavinis 
et  vcnetis,  et  romanis  etiam  exacto  tempore  imme- 
dicabilis. 

«  I  nunc  et  assere ,  malum  exile  loco  perexiguo 
circumscriptum ,  externum ,  et  quasi  hilum  in  se 
coactum ,  muitis  et  magnis  medicamentis  omnis 
generis ,  et  exquisitis  cessurum  !  1  etc.  {^L-Aur, 
Severini^de  Recond,  absc.  ;z^^  ,  pag.  236,  édit. 
1724,  in-4.) 

IV.  Nous  devrions  placer  ici  peut-être  quelques 
remarques  générales  sur  les  névralgies  de  la  cin- 
quième paire,  considérées  dans  l'ensemble  de  toutes 
les  variétés  qu'elles  peuvent  offrir  ;  nous  trouvons 
plus  commode  néanmoins  de  renvoyer  aux  consi- 
dérations générales  sur  les  névralgies  de  la  face  ce 
que  nous  avons  à  dire  de  celles-ci  ;  car  nous  tenons 
à  ne  pas  interrompre  par  de  longues  réflexions  la 
série  des  faits  qui  doivent  trouver  place  dans  ce 
travail.  Aussi  allons-nous  passer  immédiatement  à 
l'histoire  des  névralgies  de  la  portion  dure  de  la 
septième  paire. 


Névralgies  du  Nerf  facial. 


Rien  n'est  plus  faux  que  l'opinion  long-temps, 
généralement  admise ,  et  consignée  encore  au- 
jourd'hui dans  des  ouvrages  estimés ,  que  le  nerf 


(79) 

facial  est  le  siège  ordinaire  du  lie  douloureux. 
Ceux  mêmes  d'entre  les  praticiens  qui  ont  déjà  re- 
levé en  partie  cette  erreur,  comme  MM.  Boyer  et 
Deîpech ,  en  sont  restés  encore  entachés,  car  assu- 
rément la  névralgie  du  facial  n'est  pas  aussi  fré- 
quente qu'ils  le  disent.  Ce  n'est  pas  que  nous  pré- 
tendions donner  notre  assentiment  à  l'assertion  de 
Georget ,  qui  déclare  que  jamais  celte  névralgie  n'a 
été  observée.  Non,  cette  assertion  est  fausse,  et  on 
va  le  voira  l'instant;  mais  c'est  certainement  une 
affection  fort  rare  que  la  névralgie  simple  çlpri- 
mitive  de  la  portion  dure  de  la  septième  paire  de 
nerfs.  Ce  n'est  pas  sans  peine  que ,  entre  plusieurs 
centaines  d'observations  détaillées  de  névralgies  de 
la  face  que  nous  avons  rassemblées  de  toutes  parts, 
nous  en  avons  trouvé  quatre  ou  cinq  de  l'espèce  de 
celles  dont  nous  nous  occupons  maintenant  ;  et 
encore  sont-elles  bien  loin  d'offrir  les  conditions 
que  l'on  y  désirerait ,  et  qui  seraient  indispensa- 
bles pour  qu'on  pût  prendre  sur  elles  une  idée 
nette  et  complète  de  la  maladie. 

A  défaut  de  faits  plus  précis,  nous  indiquerons 
d'abord  sommairement  les  premiers  de  ceux  qui 
vont  suivre,  dont  Ig^  détails  portent  sur  d'autres 
points  que  ceux  que  nous  avons  à  faire  connaître 
ici ,  et  nous  placerons  à  la  suite  les  observations  les 
plus  concluantes  qui  nous  soient  connues. 


(  80) 

OBSERVATION    DIX-NEUVIEME. 

Névralgie  du  Nerf  facial. 

Une  dame  de  trente-sept  ans ,  d'une  constitution 
faible  et  très  nerveuse  ,  après  deux  années  d'une 
santé  languissante ,  éprouva  ,  au  commencement 
de  1821  ,  des  douleurs  vagues  ,  tantôt  au  ventre, 
tantôt  à  la  poitrine  ;  l'appétit  diminua  ;  elle  perdit 
le  sommeil  et  tomba  dans  l'amaigrissement.  Vers 
le  milieu  de  cette  même  année ,  elle  ressentit ,  par 
accès  irréguliers  et  éloignés,  des  douleurs  vives 
dans  les  mâchoires,  que  l'on  attribua  à  des  maux 
de  dents.  Bientôt  ces  douleurs  se  concentrèrent 
sur  le  nerf  facial  du  côté  droit  ;  elles  reparurent 
tous  les  jours  à  des  heures  indéterminées ,  et  fini- 
rent ensuite  par  revenir  à  peu  près  à  une  heure 
fixe.  Elles  commençaient  de  six  à  huit  heures  du 
soir,  et  se  prolongeaient  jusqu'à  deux  ou  trois 
heures  du  matin.  Ces  douleurs  étaient  déchi- 
rantes :  elles  ne  tardèrent  pas  à  porter  leurs  effets 
sur  les  voies  digestives,  et  donnèrent  lieu  à  des 
vomissemens  violens.  La  malade  en  vint  au  point 
de  ne  pouvoir  plus  rien  supporter  dans  l'estomac, 
même  entre  les  accès. 

«  Cet  état  des  organes  digestifs  (  dit  l'observa- 
teur) n'était  que  sympathique;  car  le  point  de  dé- 
part des  douleurs  éîait  bien  au  nerf  facial.  La  sen- 
sation douloureuse  commençait  à  la  sortie  de  ce  nerf 
par  le  trou  stylo-mastoïdien ,  et  se  prolongeait  à 
la  région  temporale  ,  à  la  joue ,  aux  lèvres  et  k  la 


(81) 
partie  supérieure  du  cou  :  la  bouche  était  un  peu 
tournée  du  côté  malade.  »  Après  avoir  tenté  inu- 
tilement un  grand  nombre  de  moyens  contre  cette 
névralgie ,  on  mit  en  usage  le  sulfate  de  quinine  , 
et  en  peu  de  temps  la  malade  fut  guérie  (i). 

Nous  ne  donnons  les  observations  qui  vont 
suivre  que  comme  des  exemples  probables  de  né- 
vralgie du  nerf  facial. 

OBSERVATION    VINGTIEME. 

Une  dame  de  trente-huit  ans ,  après  de  grandes 
agitations  morales ,  ressentit  de  temps  à  autre  une 
douleur  ressemblant  à  une  espèce  de  commotion 
électrique,  dans  tout  le  côté  gauche  du  corps  ,  et 
plus  particulièrement  à  la  partie  de  la  face  où  se 
trouve  située  la  pâte  d'oie.  La  belladone  et  le  mu- 
riate  sur-oxigéné  de  potasse  se  montrèrent  les 
moyens  les  plus  efficaces  contre  cette  affection  (a). 

Brasdor  avait  communiqué  le  fait  suivant  à 
MM.  Brewer  et  Delaroche. 


'  F.  Ribes,  Obsen^atioTi  de  Névralgie  du  Nerffacialy  etc., 
dans  le  journal  de  physiologie  de  Magendie.  T.  II,  p.  219, 

=  Biblioth.  Med,  T,  ^9  ,  p.  no, 

0 


(82) 

OBSERVATION    VINGT -UNIEME. 

Le  1 6  avril  1 788 ,  le  nommé  Charles  Lemonnier, 
âgé  de  trente  ans,  fut  admis  à  Thospice  de  l'École 
de  chirurgie,  dont  le  ciloyen  Pelletan  était  alors 
chirurgien  en  chef.  Cet  homme  était  tourmenté 
d'un  mouvement  convulsif  presque  continuel  du 
muscle  auriculaire  antérieur  du  côté  droit,  et  d'une 
douleur  vive  qui  paraissait  se  propager   suivant 
les  principales  distributions   de  la  portion  dure 
du  nerf  auditif.  On  attribuait  sa  maladie  à  la  lésion 
d'un   des  principeaux  rameaux  de  cette  portion 
dure  ,  occasionée  par  une  saignée  faite  un  an  au- 
paravant à  l'artère  temporale ,  pour  le  délivrer 
de  vioîens  maux  de  tête.  Le  citoyen  Pelletan  cau- 
térisa profondément  les  parties  situées  vis-à-vis  le 
cartilage  de  l'oreille ,  à  l'endroit  où  l'on  avait  pra- 
tiqué la  saignée.  Les  mouvemens  convulsifs  ces- 
sèrent par  la  destruction  du  muscle  auriculaire 
antérieur,  mais  la  douleur  continua.  Pour  la  cal- 
mer on  Ot  prendre  au  malade  de  l'huile  animale  de 
Dippel ,  que  l'on  porta  jusqu'à  la  dose  de  vingt- 
cinq  gouttes,  mais  sans  en  obtenir  aucun  effet,  et, 
le  10  juillet  de  la  même  année,  le  malade,  tou- 
jours souffrant,  sortit  de  l'hospice.  [Bibliothèque 
germanique^  tom.  V,  pag.  38.) 

L'observation  suivante  est  plus  positive  :  aussi 
la  donnerons-nous  avec  ses  détails.  Nous  y  som- 


(  s-"?  ) 

mes  d'ailleurs  engagés  par  rinterêl  qu'elle  pré- 
sente sous  d'autres  rapports. 


OBSERVATION    VINGT  -  DEUXIEME. 
Névralgie  du  Nerf  facial. 

M.  de  L^**  ,  capitaine  au  régiment ,  âgé  pour 
lors  d'une  Irentaine  d'années,  vif,  vigoureux  et 
replet ,  d'une  humeur  enjouée ,  d'une  santé  habi- 
tuellement bonne,  était  malade  depuis  plus  de 
dix-huit  mois  ,  quand  j'eus  occasion  de  le  voir. 
J'examinai  attentivement  son  état;  exti^êmement 
défait,  dans  le  dernier  degré  d'amaigrissement,  à 
peine  pouvait-il  se  tenir  debout.  Une  toux  sèche 
et  continuelle  le  tourmentait  beaucoup  ;  il  avait 
de  temps  en  temps  des  tiraillemens  si  douloureux 
et  si  violens  à  toute  la  partie  gauche  de  la  tête, 
que  l'œil  et  la  bouche  de  ce  côté  entraient  pour 
lors  dans  une  contraction  spasmodique  effroyable 
au  premier  aspect.  Ces  tiraillemens  partaient  de 
l'occiput,  un  peu  au  dessus  de  la  nuque,  entre 
elle  et  l'apophyse  mastoïde.  Ce  point  douloureux 
avait  présenté ,  dans  le  premier  temps  de  la  ma- 
ladie, un  gonflement  pâteux  très  léger,  qui  avait 
bientôt  entièrement  disparu.  Il  était  si  sensible  que 
l'on  causait  au  malade  les  douleurs  les  plus  cruelles 
pour  peu  qu'on  y  touchât,  et  soudain  la  crise  se 
renouvelait.  Ces  instans  une  fois  passés,  il  ne  souf- 
frait point  de  la  tête ,  mais  son  état  était  d'autant 


■  (  84  ) 

plus  fâcheux  que  le  moindre  mouvement  du  cou 
ou  desniâchoires,  un  léger  froltemenl,  une  attitude 
gênante,  un  bruit  inattendu,  une  chose  quelconque 
qui  l'affectât,  suffisaient  ie  plus  souvent  pour  rap- 
peler les  paroxismes.  Leur  durée  était  inégale  (au 
plus  quatre  à  cinq  minutes)  et  assez  ordinairement 
en  raison  de  la  cause  qui  les  avait  produits;  ceux 
qui  survenaient  spontanément,  c'est-à-dire  sans 
être  déterminés  par  un  agent  extérieur,  étaient  gé- 
néralement plus  longs  et  plus  violens  ;  chaque  ac- 
cès commençait  par  un  point  de  douleur  plus  ou 
moins  aigu ,  vers  Focciput,  à  Tendroit  ci-dessus  dé- 
signé ,  et  ce  point  dolorifîque  était  constamment 
ie  même,  d'où,  comme  de  leur  foyer,  de  leur 
centre  commun,  s'élançaient  avec  rapidité  des 
rayons  douloureux  vers  la  bouche ,  l'œil  et  la  joue 
gauche,  et,  presque  en  même  temps  survenaient 
des  convulsions  aux  muscles  de  ces  parties.  On 
avait,  dès  le  commencement  de  la  maladie,  ap- 
phqué  sur  cet  endroit  des  vésicatoires,  plus  bas 
un  séton  qui  existait  encore,  ce  qui  avait  d'abord 
procuré  de  légers  soulagemens  ;  mais  bientôt  les 
accidens  avaient  repris  une  nouvelle  intensité.  La 
peau  était  sèche  et  brûlante,  presque  point  de 
sommeil ,  sans  cependant  que  les  douleurs  de  tête 
se  renouvelassent  plus  souvent  la  nuit,  et  le  peu 
qu'il  y  en  avait  était  à  chaque  instant  interrompu 
par  des  crampes  douloureuses. 

Celle  maladie,  qui,  comme  il  a  été  dit,  durait 
depuis  plus  de  dix-huit  mois,  avait  commencé  par 


(  s^  ) 

de  violentes  douleurs  de  tête,  qui  revenaient  par 
intervalles  1res  rapprochés  ;  celles-ci  cédèrent,  et 
la  poitrine  fut  affectée.  Les  forces  cependant  di- 
minuaient sensiblement  ;  Fesîomac  faisait  mal  ses 
fonctions  ;  l'appétit  n'était  plus  le  même  ;  une 
sombre  tristesse  s'emparait  du  malade.  A  six  mois 
de  là  environ ,  en  allant  se  coucher,  il  sentit  subi- 
tement ,  à  l'endroit  qui  depuis  est  devenu  le  point 
central  du  tic,  une  douleur  poignante  des  plus 
aiguës ,  qui ,  d'abord,  reparut  une  ou  deux  fois  par 
jour,  puis  plus  souvent,  augmentant  graduelle- 
ment d'intensité,  ensuite  accompagnée  de  mouve- 
mens  convulsifs  plus  ou  moins  violens.  Elle  par- 
vint enfin  par  accroissemens  insensibles  et  journa- 
liers au  point  où  je  la  voyais.  L'état  inquiétant  de 
la  poitrine,  l'insomnie,  la  susceptibilité  nerveuse  , 
s'étaient  successivement  développés.  L'exténuation 
surtout  était  portée  à  un  point  singulier,  parce  que 
M.  de  L*^"^  n'osait  prendre  des  alimens  solides, 
craignant  avec  raison  que  la  mastication  ne  pro- 
curât quelques  accès  douloureux.  Exactement  in- 
formé de  tout  ce  qu'on  avait  inutilement  mis  en 
usage  (et  que  n'avait-on  pas  fait?  les  bains,  le 
lait ,  l'opium  ,  l'éther  pris  intérieurement ,  furent , 
entre  autres ,  les  principaux  moyens  sur  lesquels 
on  avait  insisté),  je  crus  devoir  attribuer  cette 
série  d'accidens  au  virus  vénérien.  Le  malade  ,  à 
différentes  reprises,  avait  eu  des  symptômes  véro- 
liques  bien  caractérisés,  pour  lesquels  il  n'avait 
jamais  voulu  se  soumettie  à  des  traitemens  mé- 


(86) 

ihodiqucs  ;  entre  autres  des  gonorrhées  qu'il  avait 
lestement  répercutées.  D'ailleurs,  tous  les  moyens 
employés  jusqu'alors  par  des  médecins  éclairés  se 
trouvèrent  infructueux ,  et  les  mercuriels  n'avaient 
jamais  été  donnés.  Je  me  crus  suffisamment  fondé 
à  proposer  la  friction.  Le  malade  adopta  mon  avis 
et  se  rendit  à  la  garnison. 

A  peine  y  fut-il  arrivé  que  je  le  mis  à  un  régime 
humectant  et  adoucissant.  Peu  de  jours  après, 
je  supprimai  le  séton,  et  nous  commençâmes  le& 
bains  ;  mais,  à  mon  grand  regret,  la  préparation  fut 
courte.  La  toux  devint  plus  opiniâtre ,  les  insom- 
nies plus  fréquentes,  aussi  bien  que  les  accès 
douloureux  de  la  tête;  tous  les  symptômes  s'aggra- 
vèrent, et  je  me  vis  obligé  de  hâter  l'application 
du  mercure  pour  brider  la  fougue  du  virus  ,  dont 
je  craignais  de  ne  pouvoir  plus  me  rendre  maître, 
pour  peu  que  j'attendisse  encore.  Je  continuai  le 
traitement,  de  façon  que  mon  malade  se  baignait 
le  matin  et  se  frottait  le  soir  ;  ce  cas-ci  me  parut 
un  de  ceux  où  cette  méthode  devait  avoir  le  plus 
grand  succès. 

Aux  premières  frictions,  qui  se  faisaient  de  deux 
jours  l'un ,  nous  employâmes  demi-gros  d'onguent 
mercuriel  à  parties  égales  ;  la  quatrième  fut  portée 
à  un  gros  ;  et,  dès  la  septième,  les  accidens  com- 
mencèrent à  diminuer.  Assuré  pour  lors  de  la 
bonté  de  mon  diagnostic ,  le  malade  continua  les 
remèdes  avec  une  entière  confiance,  et  je  ne  dou- 
tai plus  de  sa  guérison.  De  jour  en  jour,  par  gra- 


(  87  ) 

dations  insensibles,  le  sommeil  revenait,  la  toux 
était  moins  fatigante  ,  les  accès  du  tic  perdaient 
en  même  temps  de  leur  fréquence  et  de  leur  inten- 
sité. M.  de  L^^* renaissait  pour  ainsi  dire,  retour- 
nait à  la  vie ,  et  goûtait  de  nouveau  le  plaisir 
d'exister,  qui,  depuis  quelque  temps,  était  changé 
pour  lui  en  un  tourment  presque  continuel.  Une 
boisson  délayante  et  abondante,  du  lait  au  sortir 
du  bain  et  le  soir  en  se  mettant  au  lit ,  une  purée  à 
midi,  composaient  son  régime.  A  la  douzième  fric- 
tion nous  augmentâmes  d'un  demi-gros  la  dose 
de  pommade  mercurielle.  A  la  dix-neuvième ,  les 
accidens  disparurent  en  entier  ;  le  malade  repre- 
nait de  la  force  ;  son  teint  s'améliorait  ;  l'appétit 
se  faisait  sentir,  et  les  digestions  étaient  bonnes  ; 
aussi  lui  permis-je  davantage  d'alimens.  Après  le 
bain,  une  soupe  au  lait ,  une  semblable  le  soir,  un 
potage  gras  pour  dîner,  avec  des  œufs  frais  ou  du 
poisson  choisi,  quelques  pommes  cuites,  quelque 
peu  de  confitures.  Quoiqu'il  n'existât  plus  le  moin- 
dre signe  de  maladie ,  quoique  tout  annonçât  une 
convalescence  décidée,  je  ne  crus  cependant  pas 
pour  cela  devoir  cesser  de  donner  du  mercure  *, 
j'en  portai  dès  ce  moment  la  dose  à  deux  gros. 

Mon  malade  prit  cinquante-cinq  bains ,  et  em- 
ploya, en  vingt-cinq  frictions  environ,  trente- 
quatre  gros  d'onguent  à  parties  égales,  dont  il 
faut  cependant  défalquer,  par  approximation,  ce 
que  devait  faire  perdre  Fabstersion  journalière 
des  bains ,  espèce  d'infidélité  d'une  estimation  et 


(  as  ) 

d'une  évaluation  assez  difficile.  Dans  le  courant 
du  traitement ,  qui  a  duré  près  de  deux  mois  et 
demi ,  nul  accident  remarquable  n'est  survenu  ; 
quelquefois  nous  avons  pu  prendre  les  frictions 
pendant  plusieurs  jours  de  suite;  d'autres  fois  un 
léger  commencement  de  ptyalisme  nous  les  a  fait 
suspendre;  ce  qui  n'empêchait  jamais  de  prendre 
exactement  un  bain  chaque  jour.  Dans  les  derniers 
temps  on  avait  soin  de  tenir  l'eau  au  dessous  du 
degré  de  chaleur  de  la  peau,  et  d'y  rester  une 
bonne  heure;  ce  qu'il  eût  été  impossible  de  faire 
plus  lot.  La  convalescence  a  été  des  plus  heureuses; 
j'ai  évacué  à  plusieurs  reprises  avec  de  doux  mi- 
noratifs  ;  j'ai  conseillé  un  régime  restaurant;  et, 
depuis  plus  de  neuf  ans ,  M.  de  L^*^  jouit  de 
la  meilleure  santé  et  d'un  embonpoint  qui  l'an- 
nonce ^ 

Nous  noterons  ,  en  terminant  le  récit  de  ce  fait , 
outre  la  direction  des  élancemens  douloureux, 
qui  ne  peut  convenir  qu'aux  ramificaiions  du  nerf 
facial,  et  le  point  de  départ  des  souffrances  qui  se 
rapproche  plus  ,  indubitablement,  de  ce  nerf  que 
de  tout  autre,  nous  noterons,  disons-nous,  ces 
agitations  convulsives  de  la  face,  qui  s^explique- 
raient  si  naturellement  si  l'on  tombait  d'accord  avec 
Charles  Bell  sur  la  nature  des  fonctions  qui  sont 

'  Wa?o:i  ,  Joiirr,.  de  Mcd.  et  de  Chir.  Mars  1793. 
T.   9.)  ,  p.    233. 


(89) 

attribuées  au  nerf  facial  par  l'ingénieux  physiolo- 
giste anglais  ;  et,  à  cette  occasion,  nous  ne  pouvons 
nous  empêcher  de  faire  remarquer  le  rapport  assez 
singulier  qu'il  y  a  entre  la  rareté  des  mouvemens 
convulsifs  de  la  face  dans  les  névralgies  de  cette 
partie,  et  la  rareté  de  l'affection  spéciale  du  nerf  fa- 
cial dans  la  même  maladie  (quoique  les  convulsions 
ne  soient  certainement  pas  un  attribut  exclusif  de 
ces  dernières  névralgies).  Cette  remarque  s'appli- 
que, comme  on  va  le  voir,  à  l'observation  suivante. 


OBSERVATION    VINGT  -  TROISIEME. 

Névralgie  du  Nerf  facial. 

La  femme  de  Jean  Brechtel ,  vigneron  de  Col- 
mar,  âgée  de  quarante-deux  ans,  d'une  constitu- 
tion sèche,  d'un  tempérament  bilieux,  est  accou- 
chée il  y  a  dix-huit  mois.  Elle  a  nourri  son  enfant 
pendant  un  an  ;  depuis  trois  mois  ses  règles  ont  re- 
pris leur  cours  ordinaire.  Un  mois  avant  de  sevrer 
son  enfant ,  elle  a  pris  des  douleurs  comme  rhu- 
matismales ,  qui  se  sont  fixées  d'abord  sur  la  cla- 
vicule gauche  ,  et  transportées  ensuite  sur  la  cla- 
vicule droite.  Elles  s'étaient  toujours  bornées  a  ces 
deux  régions  sans  s'étendre  plus  loin.  Ayant  souf- 
fert ainsi  pendant  un  mois,  cette  femme  a  pris  le 
parti  de  sevrer  son  enfant.  Elle  attribuait  son  état 
de  souffrance  à  un  allaitement  trop  prolongé,  et 
espérait  qu'en  sevrant  elle  éprouverait  du  soula- 


(90) 

gement ;  mais ,  malgré  cette  mesure,  les  douleurs 
ont  continué  comme  du  passé,  jusqu'il  y  a  envi- 
ron quatre  semaines  (mois  de  mars  1814  ) ,  qu'elles 
ont  quitté  leur  premier  siège  pour  se  porter  à  la 
tête.  Voici  ce  que  la  femme  Brechtel  éprouvait  : 
Les  douleurs  venaient  par  accès  périodiques  irré- 
guliers ;  les  attaques  étaient  subites  comme  un  coup 
électrique,  et  elles  cessaient  de  la  même  manière; 
dans  l'intervalle  des  accès  elle  était  parfaitement 
libre.   Les    douleurs  étaient  lancinantes ,   déchi- 
rantes ,  pulsatives ,  presque  insoutenables  ;  elles 
commençaient  dans  la  première  vertèbre  cervicale, 
passaient  par-dessus  l'occiput  et  le  vertex,  se  por- 
taient sur  l'os  frontal,  sur  le  nez,  sur  l'œil,  la 
tempe,  et  sur  toute  la  partie  gauche  de  la  tête  et  de 
la  face ,  de  manière  que  les  douleurs  occupaient 
entièrement  la  moitié  gauche  de  la  tête ,  et  que  tout 
le  côté  droit  demeurait  libre  et  indolent.  Pendant 
l'accès ,  qui  durait  une  heure  et  quelquefois  plus , 
la  malade  éprouvait  des  trémoussemens  dans  les 
parties  musculaires  affectées  ;  l'œil  devenait  rouge 
et  larmoyant.  Le  matin,  les  douleurs  étaient  plus 
supportables ,  mais  elles  devenaient  de  plus  en  plus 
fortes  vers  le  soir.  Pendant  la  nuit,  elles  avaient  le 
plus  d'intensité ,  contre  l'ordinaire  de  ce  qui  ar- 
rive dans  le  tic  douloureux  ;  les  accès  étaient  alors 
si  violens  et  si  rapprochés  que  cette  malheureuse 
femme,  en  proie  aux  plus  vives  souffrances,  ne 
pouvait  reposer  un  instant.  La  périodicité  ,  la  viva- 
cité excessive,  insoutenable  des  douleurs,  l'invasion 


(  91  ) 

et  la  cessation  subite  des  accès ,  le  trémoussement 
dans  les  fibres  musculaires  des  parties  occupées 
par  la  douleur,  me  démontraient  évidemment  que 
cette  affection  était  une  véritable  névralgie ,  qu'on 
appellera,  si  l'on  veut,  rhumatismale,  d'autant 
plus  que  cette  femme  attribuait  son  mal  à  de  fré- 
quentes suppressions  de  transpiration ,  occasio- 
nées  par  refroidissement.  Quoi  qu'il  en  soit,  des 
sangsues  ,  des  vésicatoires  avaient  été  appliqués  ; 
on  avait  entretenu  la  suppuration  de  ces  derniers 
pendant  quelques  temps,  le  tout  sans  succès. 
Ayant  été  consulté,  le  16  mars  1815  ,  je  prescrivis 
les  pilules  d'extrait  de  jusquiame  noire  ,  de  racine 
de  valériane  sauvage  et  d'oxide  de  zinc  sublimé  , 
avec  l'infusion  de  feuilles  d'oranger  et  de  fleurs  de 
tilleul ,  à  prendre  immédiatement  par-dessus  ces 
pilules,  le  matin  et  le  soir,  en  augmentant  pro- 
gressivement ces  dernières,  selon  l'usage  accou- 
tumé. La  malade  ne  put  aller  que  jusqu'à  dix  pi- 
lules pour  chaque  dose ,  nombre  auquel  elle  s'est 
arrêtée.  Dans  la  première  huitaine  de  l'usage  de 
ces  remèdes ,  elle  éprouva  déjà  un  grand  soulage- 
ment ;  les  accès  diminuèrent  beaucoup  en  nom- 
bre et  en  intensité  :  au  bout  de  trois  semaines  ils 
eurent  entièrement  disparu.  La  malade  continua 
encore  pendant  quatre  semaines  ses  remèdes  pour 
consolider  sa  guérison  ,  qui  ne  se  démentit  plus  ^ 

»   Meglin,  Rech.  et  Oh  s.  sur  la  Névralgie  faciale.   Stras- 
bourg,  i8i6j   iii-8^. 


(  92  ) 

La  névralgie  dont  nous  allons  emprunter  This- 
loire  à  Weisse ,  semble  débuter  comme  une  né- 
vralgie maxillaire  ;  mais  bientôt  la  douleur  re- 
monte du  rameau  où  elle  avait  pris  naissance  vers 
le  tronc  d'où  émane  ce  dernier,  et  alors  les  élan- 
cemens  que  la  malade  éprouve  jusque  dans  la  pro- 
fondeur de  Toreille  interne,  font  mettre  en  doute  le 
véritable  siège  du  mal.  Ce  pouvait  être  en  effet  ou 
un  tic  facial  proprement  dit ,  ou  une  névralgie  du 
nerf  maxillaire  inférieur,  s'étendant  à  son  rameau 
temporal,  et  par  là  jusqu'au  rameau  tympanique. 
Quoi  qu'il  en  soit  ^  le  fait  mérite  dans  tous  les  cas 
d'être  connu  et  examiné,  et  nous  le  rapportons 
tout  entier. 


OBSERVATION    VINGT- QUATRIEME. 

«  Puella  qusedara,  annos  viginti  nata  ,  nullo 
morbo,  nisi  rheumalica  biliosa  febre  laboraverat  ; 
a  qua  tamen  ad  pristinam  sanitatem  restituta  fue- 
rat,  ita,  ut  nullum  quidem  pristini  morbi  vesti- 
gium  superesset.  Mensium  fluxus  semper  regu- 
laris  fuerat  ;  atque  in  hoc  quoque  morbo  rite  flue- 
bant  menses.  Mense  autem  octobri  anni  1795,  con- 
querebatur  de  dolore  maxillam  inferiorem  lateris 
dextri  occupante.  Hic  dolor  mox  quasi  dilacerans 
erat,  mox  tendens,  moxpungens,  adeo  ut  aegroîa 
sensumillum,  quem  percipiebat,  non  satis  pers- 
picue  verbis  exprimere  posset.  Dolor  vero  singu- 
lis  diebus  aliquoties  revertebatur ,   maxime  post 


(93) 

nieridiem  atque  multam  molesliam  quotidie  fere 
auctam  faeminae  afferebat.  Simul  ac  illa  aliquid 
cibi  sumeret,  dolore  suo  vexabalur,  isque  impe- 
tum  suum ,  et  quidem  majori  cum  vi ,  etiam  tune 
redintegrabat ,  quando  segra  in  aère  libero  versa- 
batur,  atque  in  bypocaustum  calidum  intrabat. 
Ante  doloris  impetum  latus  affectum  frigescehat, 
ac  musculi  illius  loci  intumescebant  :  pulsus  erat 
aliquantum  irritatus  cœterum  naturalis.  Quibus 
praegressis,  dolor  irruebat,  atque  per  quadrantem 
vel  eûam  dimidium  horse,  atque  interdum  etiam 
diutius,  durabat.  Eorum  tamen  symptomatum 
neque  duratio ,  neque  tempus,  quo  redirent ,  prae- 
dici  poterat.  Vesperi,  cum  iectum  peteret  aegrota, 
dolor  apparebat,  eratque  longe  gravior,  quara 
interdiu  :  dein  vero ,  id  quod  miserae  magno  solatio 
erat ,  post  quietum  situm  horae  unius  et  dimidise , 
dolor  subito  evanescere  solebat ,  quo  facto  som- 
nus  plerumque  insequebatur.  Ab  omni  calido  cibo 
potuque  abstinere  debebat,  quippe  qui  dolorem 
excitabant.  Talis  erat  puellse  status,  quumse  mihi 
committeret.  Quae  cum  dentibus  cariosis  laborarêt, 
atque  jam  antea  doloribus  dentium  vexata  fuisset, 
et  neque  in  facie ,  neque  in  ore  aliquid  haberet , 
quod  pro  causa  mali  haberi  posset  ;  initio  dentés 
cariosos  pro  causa  doloris  habendos  esse  existi- 
mabam.  Sed  paulo  post  me  in  errore  fuisse  vide- 
bam  :  eegrota  enim  cibos  frigidos  in  latere  affecto 
non  minus,  quam  in  sano,  manducare  poterat, 
sine  omni  doloris  dentium  sensu.  Ipsa  quoque  di- 


(  94  ) 
cebat ,  dolorem  non  in  dentibus ,  sed  potius  in  car- 
nosa  faciei  parte  sedem  suam  habere.  Dolor  erat 
fîxus,  atque  in  parvo  loco,  et  quidem  in  medio 
dextise  maxillae  in  ferions  residebat.  Quum  locus 
affectus  externe  premerelur,  dolor,  tam  in  pa- 
rosismo  angebatur,  quam  extra  illum  redibat  : 
hoc  phsenomenon  in  doloribus  aliarum  partium  non 
animadverteram.  In  latere  maxillae  exteriori  nil 
aderat,  quod  causam  doloris  indicaret.  NuUa  ru- 
bedo,  nulla  durities  externe  conspicua  erat,  sed 
levis  solummodo  tumor,  qui  paulo  ante  paroxis- 
mum  apparebat  et  cum  illo  disparebat.  Hujus 
morbiindolem  probabiliter  rheumaticam  esse  mihi 
persuadebam,  quia  aegrota  in  cubiculo  humido  ha- 
bitabat  eamque  ob  causam  remédia,  quse  in  ejus 
modi  morbis  dare  soient,  adhibebam,  additis  ta- 
men  medicamentis  evacuantibus ,  propter  sordes 
n  primis  viis  haerentes.  Purgatis  vero  primis  viis 
sequentem  formulam  praescribebam. 

%,  TarL  vitriol,  drachm,  duas, 

Pulv.  gumni,  giiai,  drachm.  iinam, 
Antim.  crud. 

Extr,  aconit,  ana.  scriip.  mium^ 
S  ace  h.  alb.  drachm.  unam. 
M.  F,  pulv.   D.  S.  capiat  mane  et  vesperi 
cochlear.  parvum. 

Simui  praescribebam  decoctum  ex  ligno  guaiaci, 
juniperi ,  stipitibus  dulcamarse  et  herba  millefolii. 


(95) 

Externe  linimentum  volatile  cum  oleo  succini  in- 
fricari  jubebam ,  atque  aegrae  convenientem  vitae 
vielusque  rationem  commendabam.  Initio  dolor 
aliquantum  minuebatur,  sed  deinde  dolor  gravior 
evadebat,  atque  res  aegrae  in  pejus  ruebant.  Antea 
raro  ante  meridiem  doloris  impetum  experiebatur 
aegrota ,  nunc  etiam  ante  meridiem  atque  noetu 
per  très  quatuor  ve  horas  illum  percipiebat.  Jam 
quoque  dolor  non  amplius  in  uno  loco  residebat, 
sed  vagus  modo  maxillam  superiorem  et  tempora, 
modo  magis  aurem  internam  occupabat.  Ante  im- 
petum saepe ,  maxime  vesperi,  non  tamen  semper, 
frigus  aderat  illudque  insequebatur  calor.  Nunc 
frictiones  tentabam,  sed  frustra.  Intra  triduum  tria 
vesicatoria  pone  aurem  adplicari  jubebam  ;  sed 
nullum  levamen  insequebatur.  Durum  illum  ma- 
lum  jam  duodecim  per  hebdomadas  ssevierat,  at- 
que miseram  vehementissimum  in  modum  vexa- 
verat.  Aderat  magna  corporis  débilitas  et  macies, 
quia  dimidium  noctis  vigilando  peragebat  aegrota, 
ciborum  appetentia  prorsus  nulla,  atque  dum  ci- 
bos  caperet  fœmina,  redibant  increscebantque 
dolores,  quod  antea  factum  non  erat.  Notatu  di- 
gnum  et  hoc  est.  In  principio  morbi  aegra  cibis  fri- 
gidis  vesci  potuerat ,  nullum  doloris  impetum 
sen tiens  :  in  praesenti  vero  ab  omnibus  frigidis 
abstinere  illam  oportebat ,  quippe  quae  acerbis- 
simis  doloribus  illam  adficiebant.  Calidi  cibi  po- 
tusque  minus  incommodi  afferebant,  nec  tamen 
raro  et  hos  dolor  insequebatur.  Pedes  semper  fri- 


(96) 

gidos  habebat,  qunm  antea  semper,  maxime  seslatis 
tempoi  e ,  sudarent  :  hinc  ssepe  pediliivia  commen- 
dabam  ad  sudorem  reducendum.  Quo  facto  dolor 
aliquanlum  imminuebatur ,  mox  vero  pristina 
vehementia  redibat  ,  atque  pediluviorum  usum 
frustraneum  esse  demonslrabat.  Nunc  unguentum 
Homii  adhibebam,  illudque  sequenti  formula  prae- 
scribebam. 

%,  Camph,  scrap,  unum  y 
Solve  in 

01.  terebinth.  drachni.  duab,^ 
Adde 

SaL  C.  C.  voL  gran.  quindecim, 
Sem.  cumin,  diachm,  duas , 
Ungu.  nervin»  une,  semis, 
M,   F,    unguentum    parti  adfectce   adpli- 
candum. 

Hoc  unguentum  licet  ingralum  agrotse  esset ,  ta- 
men  illud  illiniebat ,  ut  doiore  îiberaretur.  Simul 
quoque  commemorata  remédia  interna  continua- 
bam  5  atque  veheraenter  gaudebam  ,  quum  vide- 
rem  dolorem  decrescere  ,  et  pauîo  post  ex  toto 
evanescere.  Lsetans  hoc  malum  horribile  subla- 
tum  esse,  mulierculas  suadebam ,  ut  hoc  unguento 
per  aliquot  tempus  adhuc  uteretur,  id  quod  etiam 
hibenter  fecit. 

Sed ,  proh  dolor  !  malum  post  octodecim  dies 
denuo  redibat,  locumque  priori  oppositum  occu- 


(97  ) 

pabat.  Ad  illum  usqae  diem  aegra  domi  el  in  cu- 
biculo  manserat,  nec  quidquam  comraiserat,  qiiod 
|)ro  caussa  reditus  doloris  haberi  poluisset.  Pri- 
mum  neffipe  dolor  sinistri  iateris  maxillam  supe- 
riorem  occiipabai,  deinde  lolum  dimidium  capitis. 
Hic  poslquam  per  dimidium  horse  adftierat,  subito 
ad  dexlrum  îalus  maxillae  inferioris  descendebat; 
tune  autem  dextram  internam  aurem  petebat ,  ibi- 
que  cruciatus  per  dies  noctesque  exeitabat.  Ves- 
peri  forti  frigore  corripiebatur  segrota.  Extremse 
eorporis  partes  semper  glaciei  instar  gelidas  eranl. 
Per  loiamnoctemsomnusacaperenequibat.  Anxie- 
tate  doloreque  discruciata  stragula  de  peclore  re- 
movebat,  et  in  leclulo  devolvebatur,  et  pulvinaria 
mordebat,  donec  doiore  stupefacla  ac  delassata 
sopore  corriperetur  :  dolor  enira  circa  fmem  pa- 
roxismi  totum  caput  oceupabat,  maxime  vero,  ut 
jam  dixi,  aurem  dextram  interiorem.  Hoc  modo 
dolor  singulis  diebus ,  maxime  vero  noclu ,  ssevie- 
bat,  aegrotaque  per  sex  fere  menses  vitam  suam 
miserrime  ducebat, 

Nunc  oiîinia  a  celeberrimis  medicis  in  ejusmodi 
doiore  commendala  remédia  adhibebam  ;  sed  el 
horum  medicamentorimi  vim  dolor  ekidebat.  iEgra 
ut  noctu  non  nihii  quietis  haberet,  etiam  opiata 
largis  dosibus  capiebat,  sed  frustra.  Malum  in 
pejus  ruebat,  opiumque  vehemenîissimi  dolores 
insequebantur,  Nec  cicuta  ,  quani  magna  dosi  de- 
deram  sahitarem  eifeciuni  habebat.  Tandem  in 
menîem  mibi  veniehat,   illustrissimum  Starkium, 

7 


(98) 

praeceptorem  summe  colendum  ,  in  collegio  prac- 
tico ,  unguentum  neapolitanum  lanquam  unicum  in 
prosopalgia  remedium ,  commendasse.  Sine  morâ 
hune  meum  prseceplorem  adibam,  qui  meum  con- 
siliura  adprobabat.  Nune  hoc  unguentum  magni- 
tudine  pisi ,  singuhs  diebus  mane  ac  vesperi  am- 
babus  maxillis  infricari  jubebam.  Post  lertiam  ad- 
plicationemdolor lateris  sinisUi cessabal  :  in dextro 
subsislebat  quidem,  sed  parvus  erat.  Post  sextam 
adphcationem  dolor  qui  tara  diu,  tamque  crudeHier 
ssevierat,  ex  toto  evanescebat.  Non  insequebatur 
sahvatio,  hcet  muliercula  infricati^ones  adhuc  aU- 
quoties  repeteret;  dentés  modo  aliquantum  ex  suis 
alyeolis  eminebant.  Interne  decoctum  supra  indi- 
catum  continuabat ,  atque  eliam  tincturam  guaiaci 
volatilem  sumebat.  Praeler  hsec,  victnm  conve- 
nientem  ac  nutrientem  commendabam ,  additis 
tandem  medicamentis  roborantibus.  Hac  ratione 
medendi  segra  omni  dolore  hberabatur,  ejus  corpus 
reficiebatur,  et  ad  pristinum  robur  revertebatur, 
ita  ut  ad  hune  usque  diem  optima  sanitate  fruatur. 

Les  faits  qu'on  vient  de  Vire  doivent  suffire  pour 
démontrer  que  si  la  névralgie  faciale  ,  proprement 
dite,  est  une  affection  rare ,  elle  n'est  du  moins  pas 
sans  exemple.  Trois  cas  publiés,  l'un  par  Hartmann 
[Dus.  in.  med.  sistens  ohs.  gaasd.  de prosop.  Tu- 
bingue,  1811  j,  et  les  autres  par  Bellingeri  (Z^^ 
nervis  et  neiiralgia  fnciei.  Turin,   1818),  nous 


(  99  ) 
ien  fourniraient  au  besoin  de  nouvelles  preuves; 
enfin  nous  pouvons  citer  à  ce  sujet  l'autorité  d'un 
observateur  fort  distingué ,  du  docteur  Dance,  qui 
en  a  eu  deux  cas  à  traiter  à  l'hôpital  Cochin ,  et 
qui  fera  sans  doute  part  au  public  de  ses  observa- 
tions. 

Poursuivons,  et  voyons  encore  quelques  cas  dans 
lesquels  l'affection  du  nerf  facial  se  joignait  a  celle 
du  plexus  cervical  superficiel  et  de  ses  divisions. 

Outre  la  complication  de  siège ,  il  y  a  ,  dans  le 
fait  suivant ,  complication  dans  la  nature  de  la  ma- 
ladie ;  mais  ,  primitive  ou  non  ,  une  névralgie  y  a 
existé,  ou  du  moins  des  accès  névralgiques;  et , 
pour  le  moment ,  ceci  suffît  à  notre  but. 


OBSERVATION    VINGT  -  CINQUIEME . 

La  nommée  Geneau  (Marie- Anne) ,  âgée  de 
trente-huit  ans,  ouvrière,  se  présenta  à  M.  J.  Clo- 
quet,  le  5  janvier  1825.  Dix  mois  auparavant  elle 
avait  travaillé ,  ayant  le  cou  découvert ,  près  d'une 
croisée,  par  laquelle  entrait  un  air  froid.  Pendant 
la  journée  elle  n'éprouva  rien  ;  mais  en  se  réveillant 
le  lendemain  matin ,  elle  sentit  au  dessus  de  l'o- 
reille gauche  une  douleur  vive,  caractérisée  par 
des  accès  d'élancemens  et  par  une  cuisson  conti- 
nuelle semblable  h  celle  provenant  de  l'application 
d'un  vésicatoire,  quand  on  a  enlevé  l'épiderme.  La 
pression  fut  bientôt  si  douloureuse  que  la  malade 
ne  put  poser  ce  côté  sur  l'oreiller  ;  les  accès  d'é- 


(  100  ) 

lancemens  la  réveîîlaieiit  pendant  ia  nuit.  Le  jour 
elle  ne  pouvait  (ravailîer.  Les  règles  se  supprime- 
renl.  Quelques  jours  après,  les  douleurs  s'éten- 
dirent au  cou ,  et  des  engourdissemens  se  firent 
sentir  jusqu'au  bras.  Quand  l'avant-bras  était  à 
demi  fléchi ,  comme  dans  l'action  de  coudre ,  il  se 
manifestait  des  picotemens  dans  les  doigts ,  et 
quand  il  était  pendant,  il  n'y  avait  que  de  l'engour- 
dissement. La  malade  ne  portait  la  main  sur  sa 
tète  qu'avec  grande  peine.  L'application  de  douze 
sangsues,  des  cataplasmes  émolliens,  des  pilules 
purgatives,  des  applications  de  compresses  im- 
bibées d'eau-de-vie  camphrée,  des  douches  d'eau 
de  pluie  sur  le  cou  ,  poussées  au  point  d'ar- 
racher des  cris  à  la  malade,  n'avaient  amené 
aucune  amélioration,  non  plus  que  les  bains  de 
pieds  sinapisés  ;  des  bains  de  vapeurs ,  des  bains 
simples  ,  une  saignée  du  bras,  quarante  sangsues, 
un  séton  à  la  nuque  entretenu  pendant  un  mois , 
une  saignée  du  pied ,  deux  ventouses  scarifiées  à 
la  tempe ,  enfin  des  frictions  avec  un  Uniment 
camphré,  avaient  été  également  sans  effet.  Le 
5  janvier,  il  y  avait  des  élancemens  très  vifs  de- 
puis la  région  temporale  gauche  et  le  cou,  jusque 
dans  le  bras  correspondant.  La  malade  ne  pouvait 
dormir  ni  lever  ce  membre  ;  elle  baissait  un  peu 
la  tête ,  mais  ne  la  relevait  qu'avec  les  plus  vives 
douleurs  ;  elle  ne  pouvait  la  tourner  ni  à  droite  ni 
à  gauche:  elle  sentait  comme  plusieurs  cordes  le 
long  du  cou,  et  éprouvait  de  la  constriction  dans  t 


(  101  ) 
le  sens  transversal.  Les  douleurs  étaient,  airoces.  et 
la  malade  poussait  des  gémissemens  continuels. 
Quelquefois,  quand  elle  s'appuyait  sur  le  bras,  au 
moment  où  elle  se  croyait  très  solide,  ce  membre 
cédait  subitement.  Quand  elle  mangeait,  les  mou- 
vemens  de  la  mâchoire  étaient  quelquefois  si  dou- 
loureux qu'elle  était  obligée  de  les  suspendre 
aussitôt.  M.  J.  Gloquet  introduisit  trois  aiguilles  , 
l'une  derrière  l'oreille,  et  les  deux  autres  un  peu 
plus  bas.  Au  bout  d'une  heure  et  demie  on  retira 
les  aiguilles ,  et  les  douleurs  étaient  encore  aussi 
vives,  les  engourdissemens  du  bras  étaient  les 
mêmes.  Le  6,  on  introduisit  une  aiguille  vers  la 
partie  supérieure  du  cou  :  elle  y  resta  pendant  une 
demi-heure ,  après  quoi  les  douleurs ,  tout  aussi 
vives  qu'auparavant,  se  présentèi*ent  cependant  à 
des  intervalles  plus  éloignés  ;  quant  aux  cuissons , 
elles  étaient  continuelles  et  vives.  M.  J.  Glo(|uet 
introduisit  alors  une  aiguille  dans  le  muscle  sterno- 
mastoïdien,  du  côté  malade,  qui  était  fortement 
contracté.  La  contraction  persista.  Au  bout  de 
deux  heures  et  demie,  les  douleurs  devinrent  si 
vives  que  toute  la  l'égion  latérale  du  cou  était 
rouge  et  tendue  ,  la  figure  de  la  malade  animée,  et 
les  yeux  larmoyans.  On  retira  l'aiguille  :  on  vit 
alors  le  muscle  sterno-mastoïdien  former,  par  sa 
tension ,  à  l'endroit  de  lapiqûi  e ,  une  tumeur  grosse 
comme  une  noisette,  tumeur  qui  disparut ,  un  in- 
stant après  ,  avec  les  élancemens.  La  cuisson  di- 
minua; mais  les  élancemens,  qui  parurent  cepen- 


(  102  ) 

dant  revenir  à  des  intervalles  plus  éloignés  dans  le 
reste  de  la  journée,  reslèrent  ensuite  aussi  vifs  et 
aussi  fréquens  qu'auparavant.  La  malade  ayant  dit 
qu'ils  partaient  de  derrière  l'oreille,  le  7  on  intro- 
duisit dans  cet  endroit  une  aiguille,  qui  fut  retirée 
au  bout  d'une  heure  et  demie  sans  avoir  procuré 
aucun  changement.  Le  10  ,  même  état;  on  intro- 
duisit encore  deux  aiguilles  au  cou  et  une  derrière 
l'oreille.  Un  instant  après,  élancemens  très  vifs, 
face  rouge ,  yeux  larmoyans  ,  lipothymie.  Pendant 
l'application  des  aiguilles  et  après,  les  élancemens 
furent  tout  aussi  intenses ,  et  se  manifestèrent  à 
des  intervalles  aussi  rapprochés.  Cependant,  dans 
le  courant  de  la  journée ,  la  malade  fut  pendant 
une  heure  sans  éprouver  d'élancemens,  tandis 
qu'auparavant  ils  revenaient  au  bout  de  cinq  mi- 
nutes ;  mais ,  cette  heure  écoulée ,  ils  reprirent  leur 
fréquence  ordinaire.  Le  11 ,  on  introduisit  encore 
trois  aiguilles  aux  mêmes  points ,  mais  très  super- 
ficiellement. On  les  laissa  en  place  une  heure  et 
demie,  et  elles  ne  produisirent  aucun  effet.  La  ma- 
lade, rebutée  sans  doute  par  l'insuccès ,  fut  un 
mois  environ  sans  revenir  consulter  M.  Cloquet.  ' 
Alors  ce  médecin ,  étonné  de  trouver  si  rebelle 
une  affection  contre  laquelle  l'acupuncture  lui  pa- 
raissait le  remède  le  plus  efficace ,  songea  à  y  as-, 
socierle  fluide  galvanique.  Plusieurs  essais  n'ame- 
nèrent aucun  changement  avantageux. 

Nous  passons  sous  silence,  pour  le  moment,  les 
caractères  particuliers  qu'offre  la  névralgie  dont 


(  103  ) 
Oïl  vient  de  lire  l'histoire,  son  analogie,  et  pour 
ainsi  dire  la  combinaison  qu'elle  présente  de  sa 
nature  avec  celle  du  rhumatisme  ;  nous  aurons  oc- 
casion plus  tard  de  revenir  sur  ce  sujet;  nous  n'ap- 
pelons l'attention  que  sur  le  siège  probable  du 
mal.  Les  nerfs  du  plexus  cervical  étaient  certaine- 
ment les  plus  compromis ,  mais  le  facial  n'y  était 
point  étranger. 

Enfin ,  nous  ne  pouvons  considérer  comme  étant 
hors  du  sujet  qui  nous  occupe,  une  névralgie  qui , 
à  la  vérité,  ne  siège  point  à  la  face,  mais  dont 
l'extension  peut  finir  par  envahir  jusqu'à  cette  ré- 
gion ,  et  dont  la  connaissance  est  d'ailleurs  néces- 
saire pour  qu'on  puisse  mettre  toute  la  précision 
nécessaire  dans  l'établissement  du  diagnostic  des 
névralgies  de  la  face  proprement  dites.  L'alfection 
que  nous  avons  en  vue  est  celle  qui  a  été  décrite 
par  Paleîta,  sous  le  nom  de  Névralgie  mastoï- 
dienne. N'ayant  pas  à  notre  disposition  l'ouvrage 
de  l'habile  observateur  italien,  nous  emprunterons 
à  Weisse  la  description  qu'il  donne  de  cette  névral- 
gie; on  verra  par  les  termes  mêmes  dont  il  se  sert, 
et  que  nous  reproduisons  textuellement,  que  ce 
n'est  point  une  description  de  fantaisie ,  et  que  l'au- 
teur ne  dit  que  ce  qu'il  a  vu  ,  quoique  sa  descrip- 
tion soit  une  description  générale,  et  non  l'histoire 
d'un  malade  particulier. 


(  ^^^  ) 

OBSERVATION     VINGT  -  SIXIEME. 

Névralgie  inastoïdiemic . 

«  Alius  dolor,  dolori  faciei  simillimus  dura 
partim  in  capite  residet,  partira  certe  ex  codera 
fonte  oritur,  praeterea  ex  iisdem  qooque  nervis 
generatur,  licet  alium  locum  occupet.  est  dolor 
processus  mastoïdei  ^  qui  initio  tanquam  levis  den- 
lium  dolor  incidit ,  nonnunquam  aulem  tanquam 
species  levis  trismi  vehementioribus  doîoribus 
juncta  apparet ,  tandem  vero  processum  mastoï- 
deum  adfieit ,  unde  vel  antrorsum  versus  aurem , 
vel  retrorsura  ad  occiput,  aut  sursum  ad  tempora, 
aut  deorsum  ad  colîum  defertur.  Hic  dolor  etiam 
crebrius  revertitur.  Apud  plerosque  segrotos  mor- 
bus  iste  sequenti  ratione  se  exhibuit  :  vesperi  in- 
columes  lectum  petebant,  mane  autemcxpergisce- 
bantur  cura  sensu  quodani  singulari  in  musculis 
coili,  ac  si  caput  aliquantum  fiexum  fuisset,  mus- 
culi  que  tensi  fuissent.  Quandiu  "^g^^ri  se  non  mo- 
vebant ,  nihil  incommodi  sentiebant;  simulac  vero 
aliquo  modo  caput  movebant,  illud  vel  leniter 
erigentes  vel  antrorsum  vel  letrorsum  fiectentes  , 
illico  eos  vexabat  vebemens  dolor,  qui  in  processu 
mastoïdeo  fixam  habebat  sedem.  Hic  dolor  in  dies 
increscebat,  ita,  ut  borum  miserorum  nonnuîli  ne 
minimum  quidem  capitis  aut  labiorum  motum  ex- 
sererenec  ullam  fere  vocem  edere  possent,  dum 
molestus  ille  sensus  aderat.  Tum  vero  nec  muscu- 


(  105  ) 

iorum  relaxatio,  nec  extensio  levasiien  adreiebat, 
sed  lîtraquc  eundeisi  efTccîmii,  ncrape  gravera  do- 
lorera,  prodccebat.  Sola  immola  fisaqiie  capitis 
positura  doiorem  minuebaî. 

«înterdum  dolor  eo  usque  augebalîîr,  nt  îE£!;ri 
necslare,  necbrachium  movere,  nec  os  iîaaperire 
possent,  Lil  potiim  cibumque  caperent.  Hic  dolor 
nonmiquam  per  decem,  duodecim  dies  ,  nec  raro 
per  tôt  hebdomadas  subsisiebal.  Ssepias  etiam,  at 
non  semper,  febris  quoque  adei^at ,  prseeipue  in 
iis  ,  quibus  major  erat  irritabililas.  Interdmii  doîor 
sponle  ac  subito  cessabat;  interdum  vero  cedebat 
per  aliquod  îempas,  duobus  tiibusve  ulceribus  , 
aut  furuncuiis  in  collo  ortis.  Quod  reiiquum  est , 
neqiieevacuantibus,  neque  diaphoreticis  remediis, 
nec  etiam  vesicatoriis ,  dio  continuatis  ,  aul  elec- 
tricitale ,  friclionibusque  aiife  linimenîis  volaliiibus 
toili  poterat  dolor  isle  ,  sed  solo  iisU  unguenti  se- 
quenti  formula  prœscripti  : 

%  Uîigii.  al  th.  une,  unam 
Ol.  succm, ,  dî^achm.  semis  ^ 
CalomeL  scrup,  unum. 

«  M.  D.  S.  infricetur  aliqua  pars  quovis  bihorio 
vel  tritîorio. 

«  Salutarem  vero  hujus  remedii  effectum  non 
oleo  SQCcini,  sed  soli  mercurio  tribuendum  esse  , 
inde  apparet ,  quod  etsi  plura  linimenta  unguen- 
taque  cum  hoc  oleo  aliisque  similibus  oleis 
sethereis  infricarentur,  dolor  non  cederet.   Citius 


(  lOG  ) 

adhiic  evanescebal  dolor,  cum  piilvis  noster  ex 
i^uaiaco,  cum  aelhiope  mirierali,  aal  mercurîo  dulci 
adhibebatur  (Weiss.  op.  cit.),  » 

Nous  croyons  inutile  d'ajouter  ici  des  exemples 
de  la  complication  mutuelle  des  névralgies  diverses 
que  nous  avons  jusqu'ici  étudiées  isolément.  Ces 
cas  ne  sont  point  de  ceux  qu'on  a  de  la  peine  à 
trouver  dans  les  auteurs  ;  ce  sont  peut-être  au 
contraire  les  plus  communs,  car,  si  la  maladie  com- 
mence toujours  par  une  branche  nerveuse  isolée  , 
il  est  rare,  pourpeu  qu'elle  dure,  qu'elle  ne  s'étende 
pas  aux  rameaux  voisins.  Nous  pouvons  donc  enfin 
aborder  la  description  générale  des  névralgies  de 
la  face.  Nous  n'aurons  plus  à  craindre  désormais 
de  ne  tracer  qu'une  esquisse  de  fantaisie  et  dont 
les  traits  n'existeraient  que  dans  noire  imagination. 


DESCRIPTION  GENERALE  DES  NEVRALGIES  DE  LA  FACE. 


Si ,  rapprochant  des  faits  qu'on  vient  de  lire  un 
nombre  d'observations  assez  considérable  pour 
avoir  des  exemples  de  toutes  les  formes  de  la  ma- 
ladie, on  cherche  à  en  tirer  un  tableau  des  phé- 
nomènes qu'elle  présente  dans  la  généralité  des 
cas;  ce  tableau  se  rapprochera  beaucoup  de  celui 
dont  nous  allons  tracer  l'esquisse  :  les  détails  en 
doivent  nécessairement  varier  un  peu  selon  le 
nombre  et  la  diversité  des  cas  qui  le  foui'nissent. 


(  107  ) 

Le  tic  douloureux ,  à  quelque  degré  de  violence 
et  d'opiniâtreté  qu'il  puisse  parvenir ,  n'est  jamais 
par  lui-même  qu'une  maladie  intermittente.  Aux 
premiers  temps  de  son  existence,  il  laisse  ie  patient 
jouir,  dans  l'intervalle  des  accès  ,  d'une  santé  par- 
faite. Ce  n'est  qu'après  une  assez  longue  durée, 
ou  quand  il  a  acquis  une  horrible  acuité,  qu'il  jette 
dans  l'âme  du  malheureux  qu'il  tourmente  une 
morosité  perpétuelle ,  ou  qu'il  peut  même  troubler 
Tordre  et  la  régularité  de  quelque  importante 
fonction. 

L'accès  commence  le  plus  souvent  subitement, 
avec  la  rapidité  de  l'éclair  ou  d'uiie  étincelle  élec- 
trique. On  l'a  vu  cependant ,  quelquefois  ,  s'an- 
noncer par  une  démangeaison  de  la  partie  affectée, 
par  une  agitation  spasmodique,  une  sorte  de  palpi- 
tation des  muscles ,  par  la  fausse  perception  de 
quelque  odeur  désagréable  ,  ou  par  quelque  autre 
sensation  bizarre. 

La  douleur  est  limitée  dans  un  espace  fort  étroit, 
ou  elle  parcourt  la  direction  connue  d'une  branche 
nej'veuse ,  ou  elle  se  propage  à  la  fois  dans  un  grand 
nombre  de  ces  cordons.  Dans  l'immense  majorité 
des  cas,  elle  s'établit  et  reste  toujours  fixée  d'un 
côté  de  la  face  et  le  plus  souvent  à  droite  ;  rarement 
on  l'a  vue  changer  de  côté,  soit  spontanément,  soit 
après  la  section  du  nerf  affecté ,  plus  rarement  en-^ 
core ,  et  cela  ne  s'est  vu  que  deux  ou  trois  fois  y 
avait-elle  envahi  les  deux  côtés  en  même  lempSo. 
Ce  sont,  le  plus  souvent,  les  nerfs  sous-orbitaire,. 


(  108  ) 
frontal,  dentaires  supérieur  et  inférieur,  men- 
tonnier,  qui  sont  le  siège  de  la  maladie;  il  n'esi 
pas  ordinaire  qu'elle  débute  dans  plusieurs  à  la 
fois  ,  mais  elle  s'accroît  par  sa  durée  en  étendue 
et  en  violence.  Quant  à  la  douleur  de  la  proso- 
palgie ,  nulle  autre ,  pour  Fatrocité  ,  ne  paraît  lui 
pouvoir  être  comparée.  Pour  ce  qui  est  de  sa  na- 
ture ,  c'est  un  trait  de  feu  qui  traverse ,  qui  tranche 
la  partie ,  c'est  une  effroyable  commotion  qui  la 
brise,  ce  sont  des  dents  de  fer  qui  la  déchirent. 
Le  malheureux  en  proie  à  ces  tourmens  pousse 
des  cris  de  désespoir,  ou  ,  comme  enchaîné  par  la 
souffrance,  reste  sans  voix,  sans  mouvement,  la 
face  contractée  et  grimaçante,  le  corps  ramassé 
sur  lui-même ,  les  membres  immobiles ,  et  dans  la 
position  où  l'accès  les  a  surpris.  Assez  fréquem- 
ment les  muscles  du  visage  sont  agités  de  mouve- 
mens  convulsifs  ;  la  face  est  rouge  et  animée ,  ou 
pâle  et  livide;  pas  de  trace  de  fièvre;  le  pouls  con- 
serve au  fort  de  la  douleur  son  rythme  naturel. 
L'accès  dure  ordinairement  une  ou  deux  minutes, 
ou  seulement  quelques  secondes ,  mais  il  peut  s'é- 
tendre jusqu'à  un  quart-d'heure,  une  deiiii-hèure 
une  heure  même ,  presque  jamais  au  delà.  La  durée 
en  est  généralement  en  proportion  inverse  de  la 
violence.  Il  se  dissipe  pour  revenir  chaque  jour, 
chaque  heure,  quelquefois  même  à  chaque  instant, 
d'autres  fois  il  laisse  aussi  de  bien  plus  longs  intei- 
valles  de  calme.  Assez  souvent  l'accès  cesse  aussi 
brusquement  qu'il  a  commencé  ;  d'autres  fois  il  se 


(  109  ) 

calme  progressivement ,  et ,  chez  un  assez  grand 
nombre  de  malades ,  la  terminaison  prochaine  en 
est  annoncée  par  des  phénomènes  qui  varient  pour 
chacun  d'eux. 

On  ne  saurait,  dans  une  description  générale, 
indiquer  les  phénomènes  sans  nombre  qui  peuvent 
se  présenter,  et  dont  quelques  uns  se  montreront 
sur  un  ou  deux  sujets  pour  manquer  dans  cin- 
quante autres  ;  il  y  aurait  d'ailleurs  peu  d'utilité  à 
s'arrêter  h  l'étude  minutieuse  de  toutes  ces  varié- 
tés, nous  dirions  presque  de  ces  bizarreries  de  la 
maladie  ;  nous  nous  attacherons  seulement  à  faire 
connaître  quelques  unes  de  ses  Formes  principales, 
auxquelles  se  rattachent  des  données  de  quelque 
intérêt  pour  le  pronostic  ou  le  traitement.  Nous 
ne  comptons  point  dans  ce  nombre  toutes  les  es- 
pèces diverses  de  névralgies  faciales  admises  par 
quelques  pathologistes,  telles  que  des  névralgies 
traiimatiqaes ,   injlammatoires ,  rhumatismales  ^ 
métaslatiqaes ,  gastriques  ,  arthritiques  ,   carci- 
nomateuses  ^  cancéreuses ,  syphilitiques  ^  etc.  Ce 
n'est  pas  que  nous  ne  reconnaissions  que  toutes 
ces  divisions,  plutôt  inutiles  qu'arbitraires,  signa- 
lent quelques  circonstances  de  k  maladie  dont  il 
y  aurait  souvent  de  l'inconvénient  à  ne  pas  tenir 
compte;  mais  il  doit  suffire  de  les  rappeler  à  l'at- 
tention, quand  on  cherche  à  établir  les  bases  d'une 
thérapeutique  rationnelle  de  la  prosopalgie ,  sans 
prétendre  leur  subordonner  la  pathologie  même 
de  cette  affection,  l.es  seules  formes  de  la  maladie 


(  110) 
que  nous  signalerons  comme  espèces ,  sont  la  né- 
vralgie régulièrement  périodique,  et  celle  dont  les 
accès  ne  sont  assujétis  à  aucun  type;  celle  dont 
l'existence  n'est  liée  à  aucune  autre  affection  aper- 
cevable  ,  la  névralgie  simple ,  la  prosopalgie  pu- 
rement nerveuse;  et  celle,  au  contraire,  qui  est 
provoquée  et  entretenue  par  une  autre  maladie , 
qui  n'en  est  qu'une  dépendance  ou  une  compli- 
cation. Quelques  mots  sur  chacune  d'elles  :  on 
sentira  bientôt  l'importance  de  ces  distinctions. 

La  névralgie  faciale  n'est  jamais  une  maladie 
continue.  Lors  même  que ,  par  sa  longue  durée  ^ 
et  par  le  retour  mille  fois  répété  de  tourmens  qui 
la  caractérisent ,  elle  a  détérioré  la  constitution  du 
patient  et  ruiné  sa  santé,  celui-ci  ne  retrouve  plus, 
il  est  vrai ,  le  calme  et  le  bien-être  qui  succédaient 
autrefois  à  la  cessation  de  chaque  paroxisme  ,  mais 
il  est  toujours  des  intervalles  durant  lesquels,  s'il 
souffre ,  ce  n'est  pas  précisément  de  sa  névralgie  ; 
des  intervalles  qu'il  appelle  ceux  du  soulagement 
et  du  repos.  Toute  névralgie  est  donc  nécessaire- 
roent  intermittente  ;  mais,  malgré  ce  caractère  com- 
mun, l'intermittence  est,  selon  les  cas ,  de  na- 
tures très  diverses.  Tantôt,  en  effet,  les  intervalles 
des  accès  sont  réguliers  ;  leur  retour  est  assujéti 
aux  lois  du  temps  ainsi  que  leur  durée  ;  tantôt ,  au 
contraire ,  ils  ne  reconnaissent  aucune  règle  sous 
l'un  et  Fautre  de  ces  deux  rapports.  Dans  le  pre- 
mier cas ,  exempte  jusqu'à  un  certain  point  de 
toute  influence   extérieure,   la   maladie  attendra 


(  111  ) 

son  heure  pour  débuter,  même  au  milieu  de  cir- 
constances qu'on  croirait  propres  à  la  provoquer, 
et  se  prolongera  ,  selon  sa  coutume ,  en  dépit  des 
moyens  qu'on  pourra  tenter  pour  l'abréger  ;  dans 
l'autre  cas,   au  contraire,   à  toute  heure,  atout 
moment,  elle  menacera  le  malade  d'une  invasion 
toujours  brusque  ,  toujours  inattendue  ;  un  coup  , 
un  mouvement ,  une  impression  de  l'air,  du  chaud, 
du  froid,  etc. ,  suffira  pour  la  ramener.  Dans  le 
premier  cas,  les   accès  sont  ordinairement  plus 
rares  et  plus  longs ,  dans  l'autre  ,  ils  peuvent  être 
infiniment  plus  fréquens,  et  sont  presque   tou- 
jours d'une  durée  beaucoup  plus  courte.  Et  ces 
différences  ,    qui  semblent  ne    porter    que   sur 
des  formes  extérieures ,  et  n'avoir  qu'une  valeur 
phénoménale  peu  digne  d'attention,  ont  un  fonde- 
ment si  profond  dans  la  nature  même  du  mal, 
qu'une  névralgie  régulièrement  périodique  cède  , 
dans  le  plus  grand  nombre  des  cas ,  à  un  traite- 
ment basé  sur  la  considération  de  ce  caractère, 
tandis  qu'on  ne  guérit  que  rarement  les  névralgies 
atypiques. 

Nous  ne  serions  pas  dans  l'obligation  d'arrêter 
l'esprit  de  nos  lecteurs  sur  la  nécessité  qu'il  y  a 
de  bien  distinguer  la  névralgie  simple,  la  névralgie 
proprement  dite  ,  des  maladies  qui  peuvent  en  re- 
vêtir les  apparences  ou  se  compliquer  de  véri- 
tables accès  névralgiques,  si  divers  écrivains, 
faisant  en  quelque  sorte  profession  de  tout  con^ 


(   112  ) 

fondre ,  n'avaient  prétendu  déduire  la  véritable 
notion  qu'on  doit  se  faire  de  la  nature  de  la  ma- 
ladie, de  la  considération  de  quelques  faits  dans 
lesquels  les  caraclères  de  la  prosopalgie  étaient 
comme  perdus  au  milieu  de  ceux  de  quelque  autre 
affection  fort  différente.  Les  médecins  dits  or- 
ganiciens^  au  jugement  desquels  il  ne  suffit  pas  de 
reconnaître  que  toute  maladie  suppose  une  lésion 
d'organe,  mais  qui  veulent  qu'il  soit  toujours  pos- 
sible de  découvrir^  de  reconnaître  et  de  toucher 
cette  lésion ,  n'ont  pas  manqué  de  profiler  de  la 
connaissance  de  quelques  cas  d'altérations  bien 
évidentes  et  bien  profondes,  soit  du  cerveau ,  soit 
des  troncs  nerveux  dans  lesquels  il  y  avait  eu  des 
accès  névralgiques ,  pour  déclarer  que  la  proso- 
palgie n'était,  ne  pouvait  être  qu'un  symptôme ,  un 
effet  secondaire  d'une  encéphalite  ou  d'une  né- 
vrite, le  plus  souvent  avec  quelque  altération  or- 
ganique ancienne  des  nerfs  ou  du  cerveau.  Nous 
voulions  signaler  cette  fausse  prétention  ,  mais 
nous  ne  nous  arrêterons  pas  a  la  réfuter  ici  ;  on  en 
verra  le  peu  de  solidité  lorsque  nous  dii-ons  les  ré- 
sultats des  recherches  d'anatomie  pathologique 
faites  jusqu'ici  dans  des  cas  de  véritable  proso- 
palgie. Ces  recherches  trouveront  leur  place  dans 
la  section  de  ce  travail  qui  sera  consacrée  à  l'étude 
delà  nature  de  la  tîialadie:  avant  d'y  arriver  il  faut 
achever  le  tableau  de  ses  formes  extérieures  en  la 
comparant  avec  celles  qui  pourraient  cire  confon- 
dues avec  elle ,  après  quoi  il  conviendra  d'exposer 


(113) 

€e  que  l'on  sait  de  plus  important  sur  les  causes, 
soit  prédisposantes ,  soit  occasionnelles  du  tic  dou- 
loureux. 

Masius  a  tracé  avec  exactitude  le  parallèle  de 
la  prosopalgie  avec  quelques  autres  affections.  Nous 
profiterons  de  ses  remarques.  Les  maladies  avec 
lesquelles  le  tic  douloureux  a  été  le  plus  fréquem- 
ment confondu,  sont  les  douleurs  à  la  face,  de  na- 
ture rhumatismale  ou  arthritique.  Un  caractère 
qui  le  distingue  des  unes  et  des  autres ,  c'est  que  le 
moindre  attouchement  des  parties  affectées  suffit , 
presque  toujours,  pour  en  renouveler  les  accès. 
Voici,  du  reste,  les  signes  particuliers  par  lesquels 
chacune  de  ces  maladies  diffère  des  névralgies  de 
la  face. 

La  douleur  rhumatismale  se  manifeste  d'ordi- 
naire après  un  refroidissemnt  partiel  ;  rarement 
le  tic  douloureux  est  survenu  sous  l'influence  d'une 
pareille  cause,  et  le  plus  souvent  on  ne  lui  en  con- 
naît aucune. 

La  douleur  rhumatismale  ,  assez  aiguë  pour  se 
rapprocher  du  tic  douloureux ,  est  tôt  ou  tard  ac- 
compagnée de  fièvre;  cela  n'arrive  presque  jamais 
dans  la  prosopalgie. 

L'approche  de  la  nuit  et  la  chaleur  du  lit  ac- 
croissent la  douleur  rhumatismale  ;  elles  n'ont 
pas  le  même  effet  sur  le  tic  douloureux. 

La  douleur  rhumatismale  a  rarement  des  inter- 
missions de  plusieurs  jours ,  encore  moins  de  se- 
maines entières.  Le  tic  douloureux,  au  contraire, 

8 


(  H*  ) 

cesse  quelquefois  des  semaines  ,  des  mois ,  des  an- 
nées, paraÎL  complètement  guéri,  et  revient  tout 
à  coup  avec  la  même  violence. 

La  douleur  rhumatismale  est  plus  tensive  ,  plus 
déchirante;  celle  du  tic  est  lancinante,  perçante, 
rongeante.  La  première,  quelque  violente  qu'elle 
soit,  est  plutôt  diminuée  qu'augmentée  par  une  ir- 
ritation faite  à  la  partie  souffrante  ;  la  prosopalgie, 
au  contraire,  peut  être  provoquée  sur-le-champ,  et, 
pendant  l'accès ,  s'accroître  jusqu'à  la  rage  par  le 
plus  léger  attouchement  de  la  partie  affectée. 

Quant  au  mal  de  tête  arthritique,  celui-ci  a  été 
précédé  d'affections  goutteuses  ,  générales  ou  par- 
tielles ,  plus  ou  moins  marquées.  Il  survient  très 
souvent  après  la  cessation  d'attaques  de  goutte  po- 
dagrale  auparavant  régulière;  à  la  suite  d'un  frisson 
fébrile,  et  il  est  ordinairement  accompagné  de 
quelques  signes  de  dérangement  des  voies  diges- 
tives.  Le  tic  douloureux,  au  contraire,  survient 
sans  ces  antécédens,  et  sans  aucune  autre  altération 
de  la  santé. 

Dans  le  mal  de  tête  arthritique ,  c'est  rarement 
le  visage  qui  est  affecté,  et  la  douleur  a,  pour  l'or- 
dinaire, son  siège  aux  tempes  ou  à  l'une  d'elles,  aux 
orbites  ou  dans  leur  proximité  ;  le  tic  douloureux 
attaque,  dans  la  plupart  des  cas,  un  côté  du  nez, 
l'une  des  joues  ,  les  gencives ,  la  langue ,  le  men- 
ton ,  mais  d'un  côté  seulement. 

Le  premier  est  plutôt  une  douleur  ostéocope 
sourde  et  profonde;  l'autre  est  une  douleur  vive 


(  115  ) 
dans  les  parties  molles  aussi  bien  que  dans  les  os, 
et  souvent  accompagnée  d'une  sensation  semblable 
à  celle  qu'éprouverait  le  malade  si  on  lui  sciait  une 
partie  du  visage ,  ou  qu'on  le  lui  coupât  en  deux. 

Le  mal  de  tète  arthritique  n'est  jamais  accom- 
pagné de  convulsions  des  muscles  de  la  face  ;  il 
peut  y  en  avoir  dans  le  tic  douloureux. 

Le  mal  de  tète  arthritique  cesse  quelquefois  tout 
d'un  coup  ,  et  alors  l'affection  gagne  d'autres  par- 
ties internes  ou  externes  ;  la  névralgie ,  au  con- 
traire, ne  change  jamais  de  place  ;  à  la  vérité,  elle 
disparaît  quelquefois  tout  d'un  coup,  mais  pour  re- 
venir au  moment  où  on  s'y  attend  le  moins  ,  et 
sans  que  sa  disparition  donne  lieu  au  développe- 
ment de  quelque  autre  maladie  en  un  lieu  différent. 

Le  clou  hijstérîqae^  les  symptômes  déterminés 
par  l'engorgement  muqueux  et  d'autres  affections 
du  sinus  maxillaire  ,  n'ont  avec  la  prosopalgie 
que  des  rapports  de  ressemblance  bien  plus  éloi- 
gnés ;  leurs  différences  sont  bien  plus  saillantes , 
et  n^ont  pas  besoin  d'être  rappelées. 

L'opuscule  de  M.  Duval,  que  nous  avons  eu  plus 
d'une  fois  occasion  de  citer,  renferme  plusieurs  ob- 
servations qui ,  entre  beaucoup  d'autres,  prouvent 
qu'on  n'a  pas  toujours ,  à  beaucoup  près ,  su  distin- 
guer l'odontalgie  du  tic  douloureux,  et  que  les 
dents  du  malade  ont  bien  des  fois  payé  cette  mé- 
prise du  médecin. 

Le  nombre  considérable  d'écrits  publiés  sur  le 


(  l'6) 

tic  douloureux,  suffit  pour  prouver  que  la  maladie 
n'est  point  rare.  On  avait  voulu  conclure  de  leur 
date  assez  récente,  qu'elle  était  nouvelle  ou  du  moins 
plus  fréquente  qu'autrefois.  La  première  de  ces  con- 
clusions est  fausse  ;  on  a  pu  le  voir  par  l'aperçu  his- 
torique qui  ouvre  ce  mémoire;  l'autre  pourrait  bien 
n'être  pas  plus  exacte,  car  on  a  pu,  pour  le  tic  dou- 
loureux, comme  pour  tant  d'autres  maladies,  s'ima- 
giner que  cette  affection  devenait  de  plus  en  plus 
fréquente  à  mesure  qu'on  l'a  mieux  connue,  et 
qu'on  en  a  recueilli  les  exemples  avec  plus  de  soin. 

La  prosopalgie  ne  paraît  être  étrangère  à  aucun 
pays,  du  moins  l'a-t-on  observée  dans  toutes  les 
contrées  de  l'Europe  et  en  Amérique;  mais  elle 
est  certainement  moins  fréquente  dans  les  régions 
chaudes  qu'ailleurs.  On  avait  cru  que  l'Italie  en 
était  exempte  ;  quand  Marino  *  serait  le  seul  qui 
l'y  aurait  observée ,  et  qui  en  aurait  été  affecté ,  il 
faudrait  se  contenter  de  dire  qu'elle  y  est  fort  rare; 
mais  la  vérité  est  qu'elle  a  été  observée  dans  ce 
pays  par  Bréra,  Borda,  Bellingeri,  et  que,  dans  ses 
Annales  de  la  Clinique  de  Pavie ,  Hildenbrand  en 
cite  plusieurs  cas.  C'est,  jusqu'à  présent,  l'Alle- 
magne ,  l'Angleterre  et  la  France  qui  en  ont  fourni 
le  plus  d'exeuiples.  Du  reste,  aucun  calcul  qu'on 
puisse  considérer,  même  comme  simplement  ap- 

'  Giovanni-Antonio-Marino  ,  sopra  la  Prosopalgiay  in 
Memor.  délia  societa  ilaliana,  t.  1,  p.  9. 


(117) 

proximatif,  n'a  encore  été  fait  sur  ia  fréquence 
absolue  des  névrakies  de  la  face. 


'^' 


Quel  est  l'âge  le  plus  sujet  a  cette  cruelle  affec- 
tion? Si  l'on  rapproche,  pour  le  déterminer,  un 
grand  nombre  de  faits  particuliers,  et  l'on  peut, 
à  cet  égard ,  adopter  les  calculs  de  Masius  ,  qui 
portent  sur  deux  cents  cas,  on  trouve  que  la 
très  grande  majorité  tombe  entre  la  trentième  et  la 
soixantième  année.  Sur  ce  nombre,  on  en  a  vu 
deux  à  vingt-sept  ans,  un  à  vingt-quatre,  un  à 
vingt-trois ,  un  à  dix-neuf  et  un  à  neuf.  Sur  dix-huit 
sujets,  Fothergill  n'en  a  pas  vu  un  seul  qui  eût 
moins  de  quarante  ans.  Il  s'en  trouve  parmi  les 
deux  cents  dont  nous  parlons ,  six  de  soixante- 
deux,  soixante-cinq,  soixante-treize,  soixante- 
quatorze,  soixante-dix-sept  et  quatre-vingts  ans. 

Les  causes  occasionnelles  ou  déterminantes  du 
tic  douloureux  sont  externes  ou  intérieures  :  on 
l'a  vu  provoqué  par  un  coup ,  une  blessure  à  la 
joue,  au  front,  près  de  l'œil,  etc.  ;  par  la  présence 
de  quelque  corps  étranger  engagé  dans  les  os  de 
la  face,  l'antre  d'Higmore,  la  mâchoire;  par  quel- 
que tumeur  carcinomateuse ,  quelque  ulcère  ou 
carie  au  voisinage  ou  sur  le  trajet  des  principaux 
rameaux  nerveux  ;  par  l'action  d'une  chaleur  vive 
sur  le  visage ,  comme  chez  des  cuisinières  ;  par 
des  nuits  passées  au  bivouac  ;  par  des  lotions 
très  froides ,  le  visage  étant  en  sueur  ;  quelques 
observateurs  disent  par  l'usage  de  cosmétiques 


(   118  ) 

acres  et  corrosifs ,  et  par  one  foule  de  causes  de 
même  espèce,  dont  rénuméralion  serait  superflue. 

Entre  les  causes  intérieures  ,  on  a  compté  la 
cessation  brusque  de  douleurs  chroniques  de  na- 
ture goutteuse  ou  rhumatismale;  on  a  yu  le  tic 
douloureux  se  développer  chez  des  sujets  qui 
avaient  eu  long-temps  ou  plusieurs  fois  des  symp- 
tômes divers  d'affection  vénérienne;  on  Fa  vu  sur- 
venir après  la  disparition  d'exanthèmes  anciens , 
après  la  suppression  d'hémorrhagies  habituelles , 
des  menstrues  ou  des  hémorrhoïdes ,  de  suppura- 
tions périodiques,  de  fonticules  anciens  ,  ou  d'éva- 
cuations 5  qu'un  long  usage  ou  une  longue  durée 
avait  rendues  nécessaires. 

On  a  vu  quelquefois  le  tic  douloureux  ne  pas 
reconnaître  d'autre  cause  qu'une  passion  violente, 
et  il  est  certain  que  les  affeclions  vives  de  Famé 
exercent  toujours  une  influence  fort  active  sur  sa 
marche,  sa  cessation  et  ses  retours. 

Nous  n'en  dirons  pas  d'avantage  sur  les  causes 
de  la  prosopalgie  :  aussi  bien,  n'ont-elles  rien 
d'assez  spécial  pour  que  leur  étude  puisse  fournir 
quelque  lumière  sur  la  nature  de  la  maladie  qui 
nous  occupe. 

Où  irons-nous  donc  chercher  ces  lumières? 
L'anaîomie  pathologique,  cette  science  qui  a  le 
privilège  d'éclairer  tout  ce  qu'elle  touche ,  n'a  pas 
eu  jusqu'à  présent  celui  d'atteindre  le  siège  immé- 
diat et  la  cause  formelle  du  lie  douloureux.  On  a 
jusqu'ici  fait  peu  d'autopsies  de  sujets  qui  en  eus- 


(  1»9  J 
sent  long -temps  souffert,  et,  à  défaut  de  rensel- 
gnemens  fournis  par  le  petit  nombre  de  celles  qu'on 
avait  faites,  et  dans  lesquelles  on  n'avait  rien 
trouvé,  on  a  fait,  pour  la  prosopaigie,  de  Vana- 
tomie  pathologique  par  analogie  ou  par  supposi- 
tion. On  a  dit  que  Cotugno  avait  trouvé  dans  la 
sciatique  une  infiltration  sous-névrilématique  du 
nerf  sciatique,  d'où  Ton  a  conclu  qu'il  devait  y 
avoir  une  infiltration  analogue  des  nerfs  de  la  face 
dans  le  tic  douloureux.  On  a  pensé  que  des  dou- 
leurs aussi  violentes  que  celles  de  la  névralgie 
faciale ,  ne  pouvaient  pas  avoir  lieu  sans  une  lésion 
apercevable  et  sans  une  lésion  irritative,  inflam- 
matoire ,  des  mêmes  nerfs ,  et  Ton  a  supposé  qu'ils 
étaient  rouges ,  goiifiés ,  etc.  Tout  cela  s'est  dit 
de  bonne  foi  peut-être,  mais  tout  cela  est  complète- 
ment faux.  On  n'a  rien  trouvé  jusqu'à  présent  dans 
ces  nerfs  (nous  avons  aéjà  dit  qu'on  devait  écarter 
les  cas  de  maladies  organiques  diverses  qui  peu- 
vent se  compliquer  de  névralgies  faciale3,  mais 
qui  sont  tout  autre  chose  par  elles-mêmes),  on  n'a 
rien  trouvé,  et  les  cas  si  fréquens  dans  lesquels  on 
a  vu  le  tic  douloureux  durer  pendant  quinze  et 
vingt  années  sans  entraîner  la  formation  de  quel- 
que lésion  organique  reconnaissable ,  doivent  faire 
penser  qu'il  n'y  a  véritablement  rien  là  qui  res- 
semble à  une  inflammation.  Mais  quelle  est  donc, 
à  votre  avis,  pourra-t-on  nous  demander,  la  nature 
du  tic  douloureux?  Avant  de  répondre,  il  est  bon 
de  s'expliquer  sur  ce  qu'on  doit  entendre  par  ces 


(  120  ) 
mots,  la  nature  d'une  maladie.  L'opinion  que 
nous  professons  à  cet  égard  n'élève  pas  bien  haut, 
comme  on  va  voir,  les  prétentions  de  la  science 
systématique  ;  mais  elle  nous  parait  la  seule  accep- 
table dans  l'état  présent  des  choses.  Il  y  a  plus, 
comme  nous  avons  le  sentiment  que  la  réserve  qui 
la  caractérise  n  est  point  dictée  par  une  modestie 
particulière,  mais  se  fonde  sur  une  notion  que 
nous  croyons  juste  de  la  véritable  portée  des  fa- 
cultés de  l'entendement,  nous  sommes  convaincus 
qu'il  n'y  aura  jamais  qu'une  imagination  infatuée 
ou  un  esprit  faux ,  qui  prétendent  creuser  plus 
avant  dans  la  connaissance  de  la  nature  des  choses. 
Nous  dirons  donc  que  ce  qu'on  peut  appeler  la 
connaissance  de  la  nature  des  maladies  se  borne 
à  la  détermination  des  rapports  fondamentaux 
qu'elles  ont  les  unes  avec  les  autres  ;  que  la  décou- 
verte de  la  nature  d'une  maladie ,  jusque-là  peu 
connue ,  n'est  pas  autre  chose  que  la  découverte 
qu'on  fait  des  grandes  analogies  qu'elle  a  avec 
d'autres  maladies  plus  communes  ,  plus  ancienne- 
ment étudiées ,  et  dont  beaucoup  de  médecins  se 
sont  habitués  à  penser  qu'on  connaît  la  nature  in- 
time et  essentielle ,  comme  si  Ton  connaissait  la 
nature  intime  de  quelque  chose,  dans  le  sens  qu'at- 
tachent à  ces  mots  les  philosophes  dogmatiques  et 
explicateurs;  et  cette  nature  des  maladies  n'est 
point  une  chose  absolue  et  déterminée ,  de  laquelle 
on  puisse  dire ,  à  l'occasion  de  quelque  sujet  que 
ce  soit,  qu^on  l'a  trouvée,  et  qu'il  ne  reste  plus 


(  121  ) 
rien  à  y  chercher.  Non ,  c'est  au  contraire  un  fond 
inépuisable  et  où  il  y  aura  toujours  à  découvrir, 
car  il  y  aura  toujours  à  reconnaître  de  nouveaux 
rapports  entre  des  objets  aussi  susceptibles  que 
les  maladies  d'être  considérés  sous  une  multitude 
de  faces  différentes. 

Expliquons  ces  idées  abstraites ,  par  quelques 
exemples. 

A  l'origine,  chaque  maladie  était  un  sujet  isolé, 
sur  lequel  il  fallait  faire  le  travail  tout  entier  de  la 
découverte  de  la  médecine.  Le  point  de  côté,  avec 
fièvre  et  toux  ;  la  gêne  de  la  respiration ,  l'oppres- 
sion ,  la  toux ,  avec  fièvre  et  crachats  rouiilés  ou 
sanglans  ;  la  douleur  au  ventre,  ne  supportant  pas 
la  moindre  pression,  avec  fièvre,  extrémités  froides, 
traits  du  visage  serrés ,  etc<  ;  la  douleur  à  l'épigas- 
tre,  avec  envie  de  vomir  et  vomissemens,  soif  vive, 
langue  rouge ,  fièvre ,  etc. ,  et  une  foule  d''autres 
maladies ,  se  présentant  isolément  sur  des  sujets 
divers  et  à  tout  âge ,  sont  comme  autant  de  pro- 
blèmes, sans  relation  les  uns  avec  les  autres,  pour 
celui  qui  les  voit  pour  la  première  fois ,  et  pour  qui- 
conque ne  réunit  pas  ,  à  la  faculté  de  les  observer, 
celle  de  les  rapprocher,  de  les  comparer,  et  d'en 
saisir  les  nombreuses  analogies.  Mais  quand  l'esprit 
d'induction  est  venu  s'exercer  sur  ces  matériaux 
rassemblés  par  une  aveugle  et  patiente  expérience, 
quand  il  a  vu  toutes  ces  maladies  provoquées  par 
des  causes  plus  ou  moins  analogues;  quand  il  a  vu 
le  travail  qui  les  constitue  présenter,  dans  tous  les 


(  122  ) 

lieux  où  elies  siègent,  des  phénomènes  fondamen- 
taux toujours  les  mêmes  ;  quand  ils  les  a  vues  céder 
aux  mêmes  traitemens  ou  à  des  moyens  peu  dif- 
férens  les  uns  des  autres  :  alors ,  empruntant  leur 
caractère  essentiel  du  phénomène  le  plus  frappant, 
la  chaleur  générale  ou  locale  qu'elles  provoquent 
dans  le  corps,  et  faisant  abstraction  des  différences 
pour  ne  tenir  compte  que  des  phénomènes  com- 
muns qu'elles  présentent ,  l'esprit  d'induction  ou 
de  théorie  a  déclaré  qu'on  devait  considérer  ces 
communautés  comme  constituant  la  nature  de  ces 
affections  diverses ,  et  il  les  a  qualifiées  àWnJlam- 
matio7is.  On  a  dit  dès  lors,  et  l'on  a  pu  dire  que 
l'on  connaissait  la  nature  de  la  pleurésie ,  de  la 
pneumonie,  de  la  péritonite,  de  la  gastrite,  de  la 
cystite,  etc.,  etc.:  cette  nature  n'était  pourtant 
encore  connue  que  sous  un  aspect  très  général  et 
très  vague.  C'est  à  bien  meilleur  droit  encore  qu'on 
a  pu  dire  que  l'on  connaissait  la  nature  de  ces  af- 
fections, quand,  aux  notions  déjà  indiquées,  on  a 
pu  ajouter  celles  que  nous  a  fournies  la  connais- 
sance des  rapports  qui  existent  entre  l'inflamma- 
tion du  péritoine  et  celle  de  la  plèvre  ou  du  pé- 
ricarde ,  entre  l'inflammation  de  la  membrane 
muqueuse  de  l'estomac  et  celle  de  la  vessie ,  des 
bronches  ou  des  fosses  nasales.  Mais  est-ce  là  le 
terme  des  connaissances  possibles  sur  ces  divers 
sujets?  Non,  certes ,  car,  outre  que  nous  savons 
par  exemple  que  l'ophthalmie  est  une  inflamma- 
tion ,  outre  que  nous  savons  que  c'est  l'inflamma- 


(  123  ) 
lion  d'une  membrane  muqueuse  ,  nous  savons 
encore  qu'elle  peut  être  ou  scrofuleuse  ou  véné- 
rienne, etc.,  c'est-à-dire,  qu'elle  peut  avoir  des 
rapports  importans,  fondamentaux,  avec  d'autres 
classes  de  maladies  connues  sous  ces  différensnoms. 

11  est  donc  un  grand  nombre  de  maladies  des- 
quelles nous  pouvons  dire  que  nous  en  connais- 
sons la  nature  :  ce  sont  celles  qui  nous  ont  laissé 
pénétrer  les  rapports  essentiels  qui  les  lient  les 
unes  aux  autres  ;  mais  il  n'en  est  pas  une  seule 
dont  nous  puissions  dire  que  nous  en  connaissons 
la  nature  toute  entière ,  la  nature  intime  et  essen- 
tielle, car  ce  serait  dire  que  nous  connaissons  tous 
les  rapports  possibles  qu'elle  saurait  avoir  avec  la 
santé  ,  avec  des  maladies  que  nous  n'avons  jamais 
vues,  ou  que  nous  ne  connaissons  que  très  impar- 
faitement. On  comprend  donc ,  d'après  ces  expli- 
cations, que  ces  mots  connaissance  de  la  nature 
d'une  maladie ,  n'ont  et  ne  peuvent  jamais  avoir 
qu'une  valeur  relative ,  dont  l'étendue  est  singu- 
lièrement variable. 

La  nature  des  inflammations  nous  est  connue 
sous  beaucoup  de  rapports;  et  l'on  peut,  à  leur 
égard,  formuler  en  un  petit  nombre  d'aphorismes, 
une  multitude  de  notions  de  détail,  applicables 
au  plus  grand  nombre  d'entr'elles,  ce  qui  est  pré- 
cisément le  caractère  d'une  science  qui  a  dévoilé 
assez  profondément  la  nature  ou  les  rapports  des 
choses;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  beaucoup 
d'autres  classes  de  maladies ,  dont  il  nous  est  pour- 


(  124  ) 

tant  permis  de  dire  que  nous  en  connaissons  la 
nature.  Les  rapports  que  nous  connaissons  entre 
les  chancres ,  les  bubons ,  les  ulcères ,  les  exto- 
ses,  etc.,  dépendant  d'un  coït  impur,  et  l'impor- 
tance de  ces  rapports  relativement  à  la  thérapeu- 
tique, nous  autorisent  à  déclarer  que  nous  en 
connaissons  la  nature,  et  cette  déclaration  se  trouve 
implicitement  énoncée  dans  les  comparaisons  qu'il 
nous  arrive  si  souvent  de  faire  entre  les  maladies 
de  nature  vénérienne  et  d'autres  classes  de  ma- 
ladies. Il  y  a  plus,  on  ne  saurait  trouver  une  rai- 
son solide  pour  prouver  que  nous  ne  pouvons  dire 
que  nous  connaissons  la  nature  d'un  certain  nom- 
bre d'affeclions ,  quand  nous  ne  connaissons  entre 
elles  qu'un  seul  rapport,  si  d'ailleurs  ce  rapport 
est  précis,  positif ,  et  d'une  importance  majeure. 
Ainsi,  je  comprendrai  bien  qu'un  physiologiste 
dise  que  la  nature  des  maladies  intermittentes  nous 
échappe;  mais  je  ne  vois  pas  pourquoi  l'on  vou- 
drait interdire  au  médecin  praticien  de  dire  que 
c'est  précisément  l'intermittence  qui  fait  leur  es- 
sence ,  et  que  la  nature  d'une  fièvre  ou  d'une  né- 
vrose nous  est  connue,  quand  il  est  constaté  qu'elle 
est  intermittente. 

Nous  ignorons  la  nature  de  la  rage ,  de  Fépi- 
lepsie,  du  choléra;  car  quels  sont  les  rapports 
intimes  et  positifs  qu'on  ait  dévoilés  jusqu'à  pré- 
sent entre  ces  maladies ,  et  quelque  classe  d'affec- 
tion sur  laquelle  nous  ayons  des  notions  solides? 
Mais  nous  connaissons  celle  d'une  douleur  rhu- 


(  125) 
matismale ,   d'un  bubon  vénérien  ,  d'une  fièvre 
pernicieuse ,  etc.,  etc.  Cela  posé ,  revenons  à  notre 
sujet. 

Si  l'on  nous  demande  maintenant  quelle  est  la 
nature  du  tic  douloureux  de  la  face ,  nous  répon- 
drons ,  et  notre  réponse  sera  bien  comprise ,  que 
le  tic  douloureux  est  une  névralgie.  Cela  revient  à 
dire  que,  entre  toutes  les  maladies  douloureuses 
auxquelles  on  pourrait  le  comparer,  la  seule  avec 
laquelle  il  ait  de  frappantes  analogies ,  dont  il  par- 
tage tous  les  caractères  généraux ,  est  l'affection 
névralgique.  Et  parmi  ces  caractères,  qui  sont 
bien  connus  et  qu'il  est  par  conséquent  inutile  de 
rappeler  ici ,  le  seul  que  je  citerai  encore  une  fois , 
parce  qu'il  suffit  pour  réfuter  les  opinions  para- 
doxales qu'on  a  voulu  établir  depuis  quelques 
années  sur  la  nature  du  tic  douloureux ,  le  seul  que 
je  citerai,  sera  le  privilège  qu'a  la  maladie  de  durer 
pendant  un  temps  indéfini,  sans  altérer  aucune- 
ment l'organisation  du  nerf  qui  en  est  le  siège  ,  et 
cette  opposition  étrange ,  en  quelque  sorte,  cette 
contradiction  entre  une  lésion  si  violente  qu'elle 
cause  des  douleurs  horribles ,  et  si  légère  que 
l'œil  et  le  scalpel  le  plus  exercés  n'y  peuvent  rien 
apercevoir.  Ceci  est  maintenant  bien  établi  et  n'a 
pas  besoin  d'être  développé.  Il  ne  faut  pas  toujours 
recommencer  la  science  sur  nouveaux  frais ,  et  re- 
mettre sans  cesse  en  question  ce  qui  a  été  une  fois 
résolu. 

On  n'avait  point  négligé,  ainsi  que  M.  Brous- 


(  126) 
Sais  reproche  h  la  plupart  des  médecins  ,  et  parlicu- 
lièreinent  à  M.  Pinel  de  l'avoir  fait,  de  rechercher 
si  la  névralgie  tient  à  une  affection  propre  du  nerf, 
ou  si  elle  n'est  que  le  résultat  de  Taltération  de  toute 
autre  partie,  dont  le  système  nerveux  transmet- 
trait seulement  les  souffrances  au  centre  de  toute 
sensation.  C'est  précisément  par  là  que  commence 
l'auteur  d'une  des  dissertations  les  plus  anciennes 
sur  ce  sujet.  «Nervi  autem,  dit  Weisse,  duplici  modo 
paliunlur  :  vel  immédiate ,  quando  ab  aiiqua  caussa 
ipsi  afficiuntur  ;  vel  médiate  ,  quando  ab  illa  partes 
nervis  vicinse  infestantur.  »  Et  il  ajoute  :  «  Ad  pri- 
mum  morborum  genus  prosopalgia  pertinere  vide- 
tur ,  quia  prgeter  dolorem  faciei  acerbum,  nihil  quod 
praeternaturale  habendum  sit,  in  ulla  parte  de- 
prehendimus.  In  ea  faciei  regione,  quam  dolor  oc- 
cupât, nec  rubor,  nec  duritas,nec  tumor  conspici- 
tur,  et  tamen  dolor  estveheraentissimus,  atquehaud 
raro  convulsiones  musculorum  sese  adjungunt. 
(  Jo.  Mart.  Weisse,  de  dolore  faciei  prosopalgia 
dicto.  Diss.  lena,  1796.  Reçus,  in  Brera  Syllog. 
Opuscul.  T.IV.  P.  134).  » 

Nous  voilà  suffisamment  préparés  à  aborder  la 
section  de  ce  travail  qui  doit  être  consacrée  au 
traitement  des  névralgies  de  la  face.  Parmi  les 
points  dont  il  est  question  dans  tout  ce  qui  pré- 
cède, il  en  est  qui  n'ont  été  touchés  que  légère- 
ment; mais  nous  répéterons  que  nous  n'avons  pas 
voulu  faire  un  traité  complet  et  classique ,  et  que 
l'attention  et  les  développemens  que  nous  avons 


(  ^2^  ) 

donnés  à  chaque  chose ,  ont  été  prescrits  par  des 
motifs  que  nous  avons  fait  connaître  en  corn- 
mencanl. 


DU    TRAITEMENT    DES    NEVRALGIES    DE    LA    FACE. 


Le  tic  douloureux,  comme  toutes  les  maladies 
qui  mettent  souvent  en  défaut  toutes  les  ressources 
de  notre  art ,  a  été  attaqué  avec  une  multitude 
innombrable  de  remèdes.  Le  recensement  de  tou- 
tes les  pratiques,  tantôt  raisonnables  tantôt  ab- 
surdes, qu'on  a  tentées  pour  le  combattre,  ne  serait 
pas  moins  fastidieux  qu'inutile:  nous  ne  voulons 
parler  que  des  moyens  qui  comptent  en  leur  faveur 
un  certain  nombre  de  succès  bien  constatés.  En 
réduisant  à  ces  termes  la  thérapeutique  des  névral- 
gies de  la  face ,  elle  est  encore  assez  étendue  et 
assez  compliquée  pour  qu'une  exposition  qui  en 
serait  faite  sans  ordre  formât  un  cahos  difficile  à 
débrouiller.  Nous  y  ferons  donc  quelques  divisions 
nécessaires. 

Tous  les  procédés  dont  nous  avons  a  parler  se 
partagent  en  deux  classes  bien  distinctes  :  les  uns 
constituent  une  thérapeutique  rationnelle  dont 
les  motifs  peuvent  être  déduits  de  principes  reçus 
en  thérapeutique  générale  ,  et  se  rapportent  à  la 
science  des  indications  ;  les  autres  n'ont  jusqu'ici 
d'autre  sanction  que  celle  d'essais  tentés  ,  pour 


(  128) 

ainsi  dire ,  au  hasard ,  et  doivent  être  jugés  non 
d'après  les  règles  de  la  science,  mais  seulement 
d'après  le  calcul  comparatif  des  succès  qu'ils  ont 
eus  et  des  cas  contre  lesquels  ils  ont  échoué.  C'est 
la  thérapeutique  empirique ,  portion  de  l'art  bien 
décriée  par  les  systématiques ,  mais  dont  il  y  au- 
rait trop  de  dommage  à  faire  le  sacrifice  à  l'orgueil 
de  l'esprit  scientifique,  qu'elle  a  de  tout  temps  bien 
vivement  blessé. 

Cette  division  fondamentale  sera  respectée  dans 
ce  qui  va  suivre  ;  mais,  quant  aux  détails ,  qu'on 
n'y  cherche  point  de  partitions  scolastiques ,  tou- 
jours marquées  à  l'avance ,  et  toujours  rigoureuse- 
ment suivies.  Je  ne  promets  point  de  m'astreindre 
a  tout  cet  échafaudage  de  divisions  et  de  subdivi- 
sions ,  que  l'on  confond  si  mal  à  propos  avec  la 
véritable  méthode. 

Commençons  par  la  thérapeutique  rationnelle. 

A.   Traitement  Jbndé  sur  la  considération  de 
Vétat  général  du  sujet. 

Pour  pouvoir  se  montrer  chez  deux  sujets  doués 
des  tempéramens  les  plus  opposés  qui  se  puissent 
imaginer,  une  maladie  ne  perd  point,  en  atteignant 
le  deuxième ,  le  caractère  fondamental  qui  consti- 
tuait sa  nature  chez  le  premier.  L'influence  de  la 
constitution  ne  va  point  jusqu'à  transformer  une 
affection  d'un  genre  déterminé  en  une  affection 
d'un  genre  contraire.  Il  y  avait  donc  beaucoup 


(  129) 

d'exagëralion  dans  la  doctrine  des  diathèses,  telle 
que  la  professait  une  école  long-temps  en  vogue 
Sans  aucun  doute ,  il  est  des  maladies  ,  la  syphilis 
par  exemple,  qui  savent  se  soustraire  à  toute  ten- 
dance que  pourrait  avoir  la  constitution  à  les  dé- 
naturer, et  il  ne  suffit  pas  d'être  affecté  d'une  dé- 
bilité radicale,  pour  être  exempt  des  atteintes  d'une 
inflammation  franche  et  vigoureuse.  Mais  si  cette 
doctrine  est  fausse ,  comme  trop  absolue ,  elle  n'en 
a  pas  moins  pour  base  un  fait  placé  hors  de  toute 
contestation  :  c'est  qu'une  maladie  reçoit  presque 
toujours,  plus  ou  moins,  le  cachet  de  l'état  géné- 
ral du  sujet  qu'elle  frappe,  et  qu'il  faut  assez  sou- 
vent avoir  complètement  détruit  cette  influence , 
avant  de  pouvoir  espérer  s'en  rendre  maître  par 
l'emploi  des  moyens  qu'on  sait  être  propres  à  la 
combattre  directement.  Les  névralgies  n'échap- 
pent point  à  cette  commune  loi.  Le  tic  douloureux 
d'un  homme  robuste  et  pléthorique  sera  une  af- 
fection de  même  nature  que  celui  d'un  individu 
cacochyme  et  épuisé  ;  mais ,  quoique  de  même  na- 
ture, ces  deux  cas  ne  sauraient  être  traités  de  la 
même  façon  ;  ils  réclameront  tout  au  moins  , 
comme  moyens  préliminaires ,  des  secours  fort 
différens.  Ainsi  donc,  si  l'on  a  affaire  à  un  homme 
au  pouls  large  et  plein ,  à  la  face  animée ,  sujet 
aux  étourdissemens ,  aux  maux  de  tête,  etc.,  la 
première  chose  qu'il  faudra  faire  sera  de  combattre 
cette  pléthore  par  les  moyens  appropriés  à  cet  ob- 
jet. Une  saignée,  plusieurs  saignées,  s'il  est  né- 

9 


(  130  ) 

cessaire ,  devront  être  faites ,  des  sangsues  appli- 
quées à  l'anus  ;  des  pédiluves  seront  administrés. 
Outre  Favantage  direct  et  immédiat  qu'on  retire 
de  Femoloi  de  ces  moyens,  ils  préparent  et  facili- 
tent l'action  des  remèdes  qui  seront  employés  plus 
tard,  et  rendent  possible  l'emploi  de  certains  trai- 
temens  auxquels,  sans  cette  précaution ,  on  n'au- 
rait pu  se  permettre  d'avoir  recours. 

S'il  suffit  d'une  certaine  disposition  pléthorique 
du  sujet  pour  autoriser  cette  conduite ,  à  plus 
forte  raison  sera-t-elle  prescrite  quand  on  croira 
pouvoir  faire  dépendre  le  tic  douloureux  de  l'ab- 
sence ou  de  la  suppression  d'une  hémorrhagie  ha- 
bituelle, et  plus  encore,  quand  la  névralgie  elle- 
même  revêtira  plus  ou  moins  une  forme  inflam- 
matoire :  plus  d'une  fois  ,  en  pareil  cas ,  on  a  vu 
tout  mal  cesser  complètement  après  quelques  éva- 
cuations sanguines. 

Mais  ce  sera  par  la  considération  attentive  du 
cas  qu'on  aura  à  traiter,  qu'il  faudra  se  laisser  gui- 
der dans  cette  prescription  ,  par  des  raisons  posi- 
tives, prises  du  sujet,  et  non  par  une  sorte  d'ha- 
bitude banale ,  dont  tant  de  médecins  offrent 
l'exemple ,  de  débuter  toujours  par  des  saignées. 
Car,  autant  ce  moyen  peut  être  avantageux  pour 
les  malades  dont  l'état  le  réclame,  autant  il  au- 
rait d'inconvéniens  pour  ceux  qui  seraient  placés 
dans  des  conditions  opposées.  Si  la  personne  af- 
fectée de  tic  douloureux  est  douée  d'une  de  ces 
constitutions  sèches,  nerveuses,  irritables  et  dé- 


(  131  ) 
biles ,  dont  les  organes  n'ont  d'énerg  ie  que  pour 
souffrir,  gardez-vous  de  diminuer  les  forces  par 
la  saignée ,  vous  ne  feriez  qu'en  augmenter  l'exci- 
tabilité ,  et  le  remède  tournerait  au  profit  de  la  ma- 
ladie. L'usage  des  bains ,  un  régime  alimentaire 
substantiel  et  restaurant,  un  exercice  modéré  mais 
habituel,  toutes  les  précautions  possibles,  tous  les 
moyens  imaginables  de  distraction  qu'on  jugera 
propres  a  faire  taire  les  passions,  etc.,  tels  sont 
les  moyens  ,  infiniment  variables  selon  les  cas  et 
les  circonstances,  par  lesquels  devra  débuter  le 
traitement.  Cela  passe  avant  l'usage  des  drogues, 
et  doit  toujours  en  favoriser  l'action. 

B.   Traitement  J'ondé  sur  la  connaissance 
des  causes  de  la  Névralgie. 

Les  lumières  fournies  à  la  thérapeutique  par 
l'étiologie  des  maladies ,  sont  loin  d'être  toujours 
sûres  et  de  n'égarer  jamais.  Cependant,  compa- 
rées à  celles  empruntées  à  d'autres  sources ,  que 
nous  possédons  sur  un  bon  nombre  d'affections  , 
elles  tiennent  encore  le  premier  rang;  et  c'est  peut- 
être  le  cas  de  celles  que  nous  fournissent  les  causes 
du  tic  douloureux.  Du  moins  peut -on  poser  en 
principe  qu'avant  d'en  appeler  aux  ressources  de 
l'empirisme,  il  faut  avoir  inutileîuent  tenté  les  mé- 
thodes de  traitement  suggérées  par  la  notion  des 
causes  de  la  maladie.  On  pourrait  s'étendre  bien 
longuement  sur  les  vues  que  peuvent  fournir  à  la 
thérapeutique  de  la  prosopalgie  les  règles  de  Thy- 


(  132  ) 

giène  contre  lesquelles  ont  péché  les  malades,  et 
celles  qu'il  convient  de  leur  prescrire  pour  réparer 
les  fautes  qui  ont  causé  le  mal  ;  mais  tout  cela 
n'offre  rien  de  particulier  au  traitement  du  tic  dou- 
loureux ,  plutôt  qu'à  celui  de  toute  autre  affection  ; 
ainsi  un  mot  suffit  pour  rappeler  au  praticien  qu'il 
ne  doit  pas  perdre  cela  de  vue.  Le  seul  fait  spécial 
que  nous  mentionnerons,  c'est  que  la  névralgie  de 
la  face  étant  venue  yjlus  d'une  fois  à  la  suite  des 
rhumatismes  ,  éprouvant  du  froid  uni  à  l'humidité 
presque  la  même  influence  que  cette  autre  affec- 
tion, ayant  été  en  divers  cas  provoquée  par  l'ha- 
bitation d'une  maison  humide  et  malsaine,  il  faut 
donner  à  cet  objet  toute  son  attention ,  et  ne  pas 
omettre,  relativement  à  la  demeure  du  malade, 
une  précaution  dont  l'oubli  pourrait  com.promettre 
l'effet  de  tout  autre  traitement.  S'il  exerce  une 
profession  qui  l'expose  constamment  à  l'influence 
morbifique  qui  a  altéré  sa  santé,  à  des  courans 
d'air,  ou  à  l'action  d'une  vive  chaleur,  comme  celle 
qu'endurent  les  cuisiniers ,  les  verriers ,  etc. ,  n'est- 
il  pas  évident  qu'il  faut  absolument  qu'il  y  renonce, 
ou  qu'il  se  résigne  à  vivre  avec  son  mal.  Un  chan- 
gement dechmat  peut  aussi  devenir  nécessaire,  et, 
dans  tous  les  cas ,  on  comprend  qu'il  ne  peut  y 
avoir  que  de  l'avantage  à  quitter  un  pays  froid  et 
brumeux,  où  la  maladie  est  commune,  l'Angleterre 
par  exemple,  pour  aller  habiter  une  contrée  plus 
sèche  et  plus  char  ^e,  comme  l'Italie ,  où  l'on  a  vu 
si  rarement  le  tic    ouloureux. 


(133) 

La  répercussion  de  quelques  exanthèmes  ,  ou  la 
suppression  de  quelque  évacuation  habituelle  ou 
périodique,  ont  bien  des  fois  été  la  cause  des  né- 
vralgies de  la  face  ;  bien  des  fois  aussi  on  a  vu  cette 
affection  céder  au  traitement  qui  ramenait  ces  exan- 
thèmes ou  ces  évacuations.  André  a  vu  une  dame 
être  reprise  de  névralgie,  toutes  les  fois  qu'un  éry- 
sipèle  bourgeonneux  qu'elle  avait  à  la  face  venait 
à  cesser  de  suinter.  Une  femme  de  dix-neuf  ans  fut 
attaquée  de  névralgie  après  la  disparition  d'une 
gale  ;  elle  souffrit  jusqu'à  l'âge  de  soixante-dix  ans; 
à  cette  époque ,  elle  fut  reprise  de  la  gale ,  et  les 
douleurs  disparurent  ;  on  guérit  la  gale ,  et  les  dou- 
leurs revinrent  de  nouveau. 

Une  dame  avait,  depuis  quelques  années,  plu- 
sieurs dartres  au  visage.  Ces  dartres  disparurent 
tout  à  coup ,  sans  qu'elle  pût  indiquer  aucune  cause 
de  cette  disparition.  Presque  aussitôt  elle  fut  saisie 
d'un  asthme  violent  et  d'un  tic  douloureux  ,  contre 
lequel  elle  lutta  plus  de  six  mois.  Westendorf  de 
Gûstrow  lui  administra  la  douce-amère  à  des  doses 
très  fortes  et  sous  toutes  les  formes  possibles. 
Après  qu'elle  eut  pris  ce  remède  pendant  sept  se- 
maines ,  les  dartres  reparurent ,  et  en  même  temps 
les  deux  autres  affections  diminuèrent,  l'asthme 
cependant  avec  plus  de  lenteur  que  le  tic.  (Masius.) 

Une  dame  avait  une  dartre  pustuleuse  au  front 
et  à  la  joue  droite;  un  onguent  la  fit  disparaître. 
Quelques  jours  après  l'œil  droit  devient  larmoyant, 
une  douleur  vive  se  fait  sentir  dans  le  trajet  du  nerf 


(  I3'i  ) 
frontal  ;  les  accès  en  sont  d'abord  éloignés ,  puis 
se  rapprochent.  On  emploie  beaucoup  de  remèdes 
sans  succès;  on  applique  enfin  la  pommade  éméti- 
sée  ;  l'apparition  des  pustules  fait  cesser  la  névral- 
gie. (^Fallot,  Jour,  complém.  des  Se.  méd,) 

Il  serait  facile  de  rauUiplier  les  citations  de  faits 
analogues  ;  ceux-ci  suffisent  pour  tracer  au  méde- 
cin la  conduite  qu'il  doit  tenir  en  pareil  cas.  11  im- 
porte peu  de  savoir  si  c'est  alors  à  la  présence  d'un 
virus  scabieux  ou  herpétique  dans  l'économie ,  que 
le  mal  doit  être  attribué.  La  thérapeutique  de  ces 
cas-là  est  fort  claire ,  indépendamment  de  toute 
théorie ,  et  c'est  perdre  son  temps  que  de  s'arrêter 
à  combattre  ou  à  confirmer  les  idées  qui  ont  eu 
cours  à  cet  égard.  Tout  le  monde  sait,  sans  qu'on 
le  dise ,  ce  qu'il  faut  faire ,  quand  le  sujet  atteint 
de  névralgie  l'a  été  par  suite  de  la  suppression 
des  menstrues  ou  des  hémorrhoïdes. 

Si  c'est  à  la  suite  de  longs  rhumatismes  négli- 
gés ,  ou  d'affections  goutteuses  anormales ,  qu'est 
venu  le  tic  douloureux ,  ces  antécédens  ont  sans 
doute  quelque  influence  sur  le  cours  de  la  maladie, 
et  ils  devraient  en  avoir  sur  le  traitement ,  si  la 
thérapeutique  de  la  goutte  et  des  rhumatismes 
chroniques  était  plus  avancée  ;  mais,  quant  à  pré- 
sent ,  je  ne  sais  si  l'on  n'est  pas  autorisé  à  dire 
que  ceux  qui  attachent  une  grande  importance  à 
traiter  telle  ou  telle  névralgie  comme  goutteuse  ou 
comme  rhumatismale  ,  n'ont  d'autre  principe,  pour 


(  Î35  ) 

appuyer  leur  conduite ,  que  celui  qui  consiste  à  ex- 
pliquer obsciira77i  per  obscuriiis, 

11  n'en  est  pas  ainsi  quand  c'est  une  affection  sy- 
philitique qu'on  est  en  droit  d'accuser  d'avoir  le  tic 
douloureux  sous  sa  dépendance.  Quelques  unes 
des  observations  que  nous  avons  rapportées ,  celle 
de  Waton  (Obs.  xxii.)  par  exemple,  plusieurs 
autres  publiées  par  Masius ,  un  plus  grand  nombre 
encore  mises  au  jour  par  divers  médecins,  prou- 
vent qu'il  est  de  la  plus  grande  importance  de  con- 
naître cette  origine  de  la  maladie,  et  qu'un  traite- 
ment antisyphilitique  peut  faire  ce  que  n'avaient 
pu  vingt  autres  traitemens  différens. 

On  a  beaucoup  parlé,  depuis  Lentin  ,  de  l'in- 
fluence de  certaines  affections  de  l'estomac  sur  la 
produclion  et  sur  la  marche  du  tic  douloureux  de 
îa  face.  Les  faits  cités  par  le  médecin  allemand  et 
ses  partisans  ne  nous  paraissent  point  de  nature 
a  donner  la  moindre  solidité  aux  opinions  qu'il  en 
déduisait ,  soit  relativement  à  la  nature  de  la  ma- 
ladie ,  soit  sous  le  rapport  du  traitement. 

C.    Traitement  fondé  sur  la  considéra! ion  du 
caractère  et  sur  celle  du  type  de  la  maladie. 

Relativement  aux  caractères  assez  diversifiés 
que  peut  présenter  la  prosopalgie,  la  thérapeu- 
tique peut  se  borner  à  distinguer  deux  de  ses 
formes ,  dont  la  considération  importe  beaucoup  à 
îa  détermination  du  meilleur  traitement.  Elle  peut 


(   13()  ) 

être  aiguë,  fébrile,  inflammatoire,  ou  purement 
nerveuse  et  chronique.  Lœbenstein-Lœbel  a  ob- 
vServé  ia  première  chez  des  sujets  pléthoriques  et 
musculeux;  c'était,  selon  lui,  un  état  inflamma- 
toire des  nerfs  de  la  face,  joint  à  une  grande  exal- 
tation de  l'irritabilité  générale.  Hutchinson  a  vu 
des  symptômes  d'une  vive  inflammation  de  la 
partie ,  avec  battement  violent  des  artères  de  la 
face ,  et  mouvement  fébrile  très  prononcé.  C'était, 
dans  un  cas  publié  par  Masius ,  un  véritable  érysi- 
péle  intermittent  de  la  face.  Cette  forme  de  la  ma- 
ladie est  des  plus  violentes  et  des  plus  doulou- 
reuses ',  mais ,  en  revanche  ,  c'est  aussi  celle  qu'on 
voit  le  plus  fréquemment  se  terminer  en  quelques 
jours,  soit  spontanément,  par  quelque  crise  re- 
marquable, comme  celle  d'abondantes  sueurs  , 
d'abcès  ou  de  sécrétions  diverses ,  soit  sous  l'in- 
fluence d'un  traitement  approprié.  Une  diète  sé- 
vère, une  ou  plusieurs  saignées,  des  applications 
de  sangsues  au  cou ,  aux  tempes  ,  aux  apophyses 
mastoïdes,  ou  bien  à  l'anus,  a  la  vulve,  aux  cuisses, 
si  l'on  a  quelque  hémorrhagie  supprimée  à  rappeler; 
tels  sont  les  moyens  auxquels  il  faut  avoir  recours. 
Unecertaine  modération  doit  présider  à  leur  emploi, 
si  le  sujet  qu'on  a  à  traiter  est  d'une  constitution 
molle  et  lymphatique ,  ou  d'un  tempérament  très 
sec  et  très  nerveux  ;  car  l'abus  des  débilitans  pour- 
rait favoriser  le  passage  de  l'affection  à  l'état  chro- 
nique ,  et  la  rendre  plus  tard  rebelle  à  d'autres 
Iraitemcos. 


(  l'37  ) 

Si  le  tic  douloureux  est  primitivement  chronique 
et  purement  nerveux,  ou  s'il  a  fini  par  prendre  ce 
caractère  après  avoir  débuté  sous  une  autre  Forme, 
c'estlecas  d'invoquer  toutes  les  ressources  empiri- 
ques de  notre  art ,  et  d'employer  les  moyens  qui  se 
sont  montrés  le  plus  souvent  efficaces.  Nous  ne  les 
énumérons  point  ici  ;  la  dernière  section  de  ce  tra- 
vail va  leur  être  réservée  tout  entière.  Nous  nous 
bornerons  à  un  simple  avis  :  c'est  que  le  praticien 
ne  doit  pas  se  laisser  facilement  décourager  par 
l'opiniâtreté  de  la  maladie  ;  car,  comme  nous  le  di- 
sions en  commençant,  on  l'a  vue  bien  souvent  ré- 
sister sans  faiblir  aux  remèdes  les  mieux  éprou- 
vés ,  et  céder,  dans  le  cas  où  on  s'y  attendait  le 
moins ,  au  traitenient  qui  avait  échoué  dans  cent 
autres. 

Nous  ne  répéterons  pas  ce  que  nous  avons  dit 
de  l'importance  qu'il  fallait  attacher  au  type  de  la 
névralgie.  Si  elle  est  régulièrement  intermittente , 
après  quelques  préparations  préliminaires  qui 
peuvent  être  requises ,  une  indication  capitale  se 
présente  ,  devant  laquelle  toute  autre  doit  céder  le 
pas ,  c'est  d'employer  les  antipériodiques.  L'expé- 
rience a  démontré  jusqu'à  l'évidence ,  que  c'est  vai- 
nement ,  dans  la  plupart  des  cas  ,  qu'on  voudrait 
alors  tenter  les  moyens  dits  rationnels.  On  perd 
du  temps  ,  on  laisse  souffrir  le  malade  ;  souvent  on 
aggrave  ses  douleurs ,  on  détériore  sa  constitution  ; 
et  quand  on  en  vient  enfin  au  moyen  par  lequel  on 
aurait  dû  commencer,  on  est  trop  heureux,  si  l'ha- 


(  138  ) 

bitude  enracinée  des  souffrances,  le  délabrement 
de  la  santé  générale ,  n'en  rendent  pas  Tefficacilé 
nulle  ou  incomplète.  Le  nombre  des  observations 
maintenant  connues  de  névralgies  de  la  face  gué- 
ries par  le  sulfate  de  quinine,  est  trop  considé- 
rable ,  pour  que  nous  nous  arrêtions  à  les  signaler 
en  détail.  Nous  nous  bornerons  à  rappeler  un  aver- 
tissen^ent  qui  ressort  de  leur  examen  ;  c'est  qu'il  ne 
faut  pas  se  tenir  pour  maître  de  la  maladie  ,  quand 
deux ,  trois ,  quatre  ou  cinq  accès  ont  manqué ,  et 
qu'on  doit  continuer  l'usage  du  médicament  long- 
temps encore  après  qu'on  n'a  plus  observé  la  plus 
légère  atteinte  de  la  maladie.  Dans  cette  sorte  de 
convalescence  avec  imminence  de  retour  du  mal , 
on  peut,  de  temps  en  temps ,  suspendre  l'usage  du 
sulfate  de  quinine  pendant  un  ou  deux  jours ,  pour 
le  reprendre  ensuite  et  le  continuer.  Un  autre  fait 
établi  par  l'expérience,  est  qu'il  faut,  dans  bien 
des  cas  ,  employer  ce  remède  à  des  doses  énormes  , 
et  qu'il  vaut  mieux  s'y  élever  rapidement,  que  par 
une  marche  lentement  graduée. 

C'est  principalement  pour  le  tic  douloureux  in- 
termittent ,  et  comme  substitut  du  quinquina , 
qu'on  a  eu  recours  à  l'arsenic  ,  et  surtout  au  sous- 
carbonate  de  fer.  L'écorce  du  Pérou  doit  être  em- 
ployée la  première  ;  mais  dans  des  cas  où  elle  avait 
échoué ,  on  a  vu  réussir  l'un  ou  l'autre  de  ces  der- 
niers moyens.  Quoique  nous  les  citions  en  même 
temps  et  au  même  titre  ,  qu'on  n'imagine  point 
que  nous  mettions  sur  la  même  ligne  l'arsenic  et 


(  139  ) 
le  sous-carbonate  de  fer.  L'un  est  un  remède 
dont  reffîcacilé  est  beaucoup  moins  certaine  que 
ses  dangers;  Pautre  guérit  assez  souvent,  et  fait 
rarement  du  mal.  Du  resle,  comme  leurs  vertus 
sont  encore  un  sujet  de  controverse,  il  convient 
de  donner  quelques  développemens  à  ce  qui  les 
concerne. 

Selle  paraît  être  un  des  premiers  qui  aient  re- 
commandé l'arsenic.  Nesse  Hill  guérit  par  ce 
moyen  un  malade  qui ,  depuis  l'âge  de  cinquante 
ans  qu'il  avait  été  atteint  du  tic  douloureux ,  jus- 
qu'à, celui  de  soixante-dix,  avait  épuisé  inutile- 
ment toutes  les  ressources  de  la  médecine.  La  so- 
lution d'arsenic  fut  donnée  d'abord  à  la  dose  de 
trois  gouttes,  et  portée  successivement  jusqu'à 
celle  de  douze.  Le  mieux  se  manifesta  lorsqu'on 
fut  parvenu  à  celle  de  neuf.  Dès  qu'on  fut  arrivé 
à  la  plus  élevée,  il  fallut  redescendre  aussitôt, 
parce  qu'il  y  avait  menace  d'empoisonnement.  Gis- 
tren  ,  M'  Kechnie ,  Bedingfîeld ,  Currie  ,  ont  di- 
minué ,  mais  non  guéri  le  tic  douloureux  au  moyen 
de  l'arsenic;  Kapp  n'en  a  retiré  aucun  avantage. 
Voici  une  observation  remarquable ,  dans  laquelle 
il  a  eu  le  plus  heureux  succès  ;  on  la  doit  au  doc- 
teur Lalaurie ,  médecin  de  la  maison  centrale 
d'Esses. 

OBSERVATION    VINGT-SEPTIEME. 

Esche  (François),  âgé  de  trente-six  ans,  d'un 


(  140  j 
tempérament   bilieux,    d'une    constitution    assez 
forte  5   n'ayant  jamais    contracté  par    contagion 
d'autre  maladie  qu'une  gale,  avait  servi  dans  les 
armées  pendant  dix  ans.  Il  reçut ,  en  1811 ,  en  Es- 
pagne, un  coup  de  stylet  sur  la  bosse  frontale 
droite,  qui  fut  fracturée.  On  agrandit  la  plaie  par 
incision,  et  on  retira  une  esquille  mince,  étroite, 
et  longue  de  plus  d'un  pouce.  La  blessure  guérit 
en  moins  de  quinze  jours  ;  mais  Esche  ressentit  de- 
puis et  conserva  habituellement  une  douleur  sus- 
orbitaire,   avec  affaiblissement  progressif  de  la 
vue.  Il  obtint  son  congé,  se  relira  chez  lui ,  et  y 
exerça  quelque  temps  le  métier  de  meunier.  Ses 
souffrances  s'accrurent  à  un  tel  point,  qu'il  réso- 
lut de  se  rendre  à  Montpellier,  où  il  entra,  en 
1818 ,  à  l'hospice  de  la  clinique  chirurgicale  de  la 
Faculté  de  Médecine.  Il  y  reçut,  pendant  trois 
mois,  les  soins  éclairés  de  M.  le  professeur  Del- 
pech ,   qui    essaya ,    au  rapport  du  malade ,   di- 
verses méthodes  de  traitement.  Les  purgatifs  et  les 
vésicatoires  à  la  nuque  eurent  quelques  succès  mo- 
mentanés, sans  que  ces  moyens  révulsifs  pussent 
détruire  une  douleur  qui  revenait  souvent  avec 
violence.  Effrayé  de  la  proposition  qu'on  lui  fit  de 
substituer  un  séton  au  vésicatoire ,  Esche  sortit  de 
Montpellier. 

La  douleur  frontale  était  alors  plus  supportable 
qu'à  son  arrivée  dans  cette  ville;  la  vue  s'était 
même  améliorée.  Ce  mieux  fut  de  courte  durée. 
Les  souffrances  se  renouvelèrent  avec  plus  d'in- 


(  141  ) 
tensité,  et  furent  peut-être  accrues  par  ie  chagrin 
d'un  jugement  qui  conduisit  ce  malheureux  dans 
la  maison  centrale  d'Esses.  Il  y  exerçait  depuis 
dix-huit  mois  le  métier,  nouveau  pour  lui,  de 
tisserand,  supportant  avec  courage  les  angoisses 
de  son  état  habituel ,  lorsqu'il  se  présenta  à  Fin- 
firmerie,  le  3  novembre  1821,  ne  pouvant  résister 
davantage  aux  tourmens  qu'il  éprouvait. 

Le  malade  présentait  la  physionomie  la  plus  ex- 
pressive d  une  douleur  accablante  ;  son  air  trisle , 
pâle  et  abattu,  annonçait  le  découragement;  sa 
contenance  était  chancelante;   ses  forces  parais- 
saient épuisées;  le  pouls  était  faible  et  lent;  les 
sourcils ,  rapprochés  avec  force ,  comprimaient  les 
paupières  presque  closes ,  gonflées ,  chassieuses  et 
rouges  sur  les  bords.  îl  éprouvait,  au  dessus  des 
orbites ,  une  douleur  qui  variait  dans  son  mode  et 
sa  violence,  suivant  les  époques  du  jour,  et  cons- 
tamment aux  mêmes  heures.  Aussitôt  que  le  soleil 
se  montrait  sur  lliorizon  ,  Esche  la  ressentait  d'une 
violence  extrême,  avec  des  élancemens  leis,  qu'il 
lui  semblait ,  disait-il ,  que  sa  tête  se  fendait  en  deux 
parties  ;  alors  cécité  complète.  Vers  dix  ou  onze 
heures  ,  le  calme  revenait  par  degrés ,  sans  cepen- 
dant effacer  la  douleur;  la  vue  en  ce  moment  se 
rétablissait  assez  pour  que  le  malade  distinguât  les 
objets.  Mais ,  à  quatre  heures  du  soir,  elle  s'obs- 
curcissait de  nouveau,  au  point  que  l'œil  ne  pou- 
vait distinguer  une  personne;  la  plus  vive  lufiiière 
faisait  à  peine  impression  sur  la  rétine  ;  la  pupille, 


(  H.2  ) 

dans  cet  état ,  était  très  dilatée  ;  cependant  la  dou- 
leur sourde  et  continue  du  milieu  de  la  journée 
n'augmentait  point ,  et  n'était  accompagnée  d'au- 
cun retour  des  élancemens  du  matin. 

Outre  cette  série  périodique  de  souffrances,  le 
malade  éprouvait  encore  un  autre  genre  de  dou- 
leur à  la  périphérie  de  la  tête.  La  sensibilité  des  té- 
gumens  en  était  si  exaltée ,  qu'on  ne  pouvait  pro- 
mener la  main  sur  les  cheveux  sans  lui  arracher 
des  cris.  La  pression  seule  d'un  bonnet  de  nuit  de- 
vint intolérable. 

Le  malade  fut  mis  a  un  régime  en  rapport  avec 
l'état  des  forces  digestives,  et  capable  de  remédier 
à  l'épuisement  général.  Des  potions  fortement  opia- 
cées ne  produisirent  aucune  sensation.  Par  condes- 
cendance pour  la  doctrine  du  jour  plutôt  que  par 
conviction,  en  ce  qui  concerne  les  maladies  nerveu- 
ses, le  docteur  Lalaurie  chercha  à  dissiper  la  con- 
gestion sanguine  locale, qu'auraient  pu  former  et  en- 
tretenir l'irritation  et  la  douleur,  par  l'application 
de  six  sangsues  au  front,  le  4  novembre,  de  dix, 
le  5  ,  et  autant  le  8  ,  lorsqu'on  eut  reconnu  que  le 
malade  pouvait  les  supporter  sans  éprouver  un 
trop  grand  affaiblissement.  On  mit  en  même  temps 
en  usage  les  pédiluves  sinapisés,  et  un  vésicatoire 
fut  placé,  le  7,  à  la  nuque.  Il  y  eut  soulagement, 
diminution  dans  les  souffrances,  mais  nul  chan- 
gement dans  le  retour  et  le  caractère  de  la  douleur, 
ni  dans  les  phases  de  la  vision.  Le  docteur  Lalaurie 
ne  crut  pas  devoir  insister  davantage  sur  les  émis- 


(  143  ) 
sions  sanguines,  persuade  que  la  débiiilation  qui 
en  résulterait  contrarierait  le  traitement  qu'il  se 
proposait  de  suivre  ,  et  auquel  il  ne  voulait  recou- 
rir qu'après  avoir  éprouvé  l'insuffisance  des  mé- 
thodes ordinaires.  Ce  traitement  consistait  à  porter 
un  fort  stimulus  au  centre  du  système  gastrique. 
De  tous  les  moyens,  aucun  ne  parut  plus  propre  h 
remplir  cette  indication  que  l'arsenic ,  à  raison  de 
la  périodicité  régulière  de  la  névralgie.  Les  essais 
plus  ou  moins  heureux  des  médecins  anglais ,  par 
l'emploi  de  cette  substance  dans  la  migraine  et  au- 
tres céphalalgies,  contribuèrent  bien  moins  à  dé- 
cider le  médecin  dans  ce  choix,  que  l'expérience 
qu'il  avait  acquise  de  son  mode  d'action  sur  l'esto- 
mac, et  les  succès  qu'il  en  avait  obtenus  dans  le 
traitement  des  fièvres  périodiques  essentielles. 

Le  1 0  novembre ,  on  donna ,  le  matin ,  au  malade 
une  pilule  de  la  composition  suivante  : 

Prenez  :  savon  blanc,  un  gros  ;  oxide  blanc  d'ar- 
senic, un  grain  ;  pour  16  pilules. 

Il  but  à  la  suite  trois  lasses  d'eau  gommeuse 
miellée. 

Le  11  et  le  12,  même  prescription. 

Le   13,  suppression  des  pilules ,   vin  amer  le 
matin. 

Le  14,  vin  amer  le  matin,  pilule  le  soir. 

Du  15  au  20 ,  vin  amer. 

Le  23,  une  pilule. 

Du  24  au  30  ,  huit  gouttes  d'éther  suîfurique, 
le  matin  et  le  soir,  dans  une  cuillerée  d'eau. 


(  144  ) 

Le  1^^  décembre,  séton  à  la  nuque. 

A  son  entrée  à  l'infirmerie ,  le  malade  pouvait  à 
peine  manger  le  quart. 

Le  6  novembre,  il  supporta  la  demi-portion. 
Le  15,  il  demanda  avec  instance  les  trois  quarls, 
qu'il  conserva  jusqu'à  sa  sortie  de  l'infirmerie. 

Après  l'administration  de  la  première  pilule,  le 
malade  dit  qu'elle  l'avait  calmé.  Le  lendemain , 
vue  plus  distincte;  douleur  frontale  moins  forte. 
A  la  suite  de  la  troisième  pilule ,  mieux  sensible 
sous  tous  les  rapports ,  mais  chaleur  sourde  à  l'es- 
tomac. La  quatrième  produisit  de  l'ardeur  dans 
cet  organe,  et  la  douleur  du  iront  disparut  entiè- 
rement; la  vue  devint  claire  durant  le  jour,  mais 
resta  un  peu  obscure  le  soir,  à  la  lueur  du  flam- 
beau ,  quoique  bien  moins  que  précédemment.  Le 
malade  distinguait  tous  les  individus  dont  aupara- 
vant il  ne  pouvait  pas  reconnaître  le  nombre. 

On  suspendit  l'usage  des  pilules ,  à  raison  de 
l'ardeur  qu'elles  avaient  produite  dans  l'estomac , 
et  on  leur  substitua  ,  pour  soutenir  l'excitation  de 
cet  organe,  une  cuillerée  de  vin  amer  deux  fois  le 
jour.  On  y  eut  encore  recours  ,  lorsque  l'ardeur  eut 
passé.  L'effet  en  fut  tel ,  que  la  névralgie  cessa  en- 
tièrement. La  sensibilité  des  bulbes  des  cheveux , 
occasionée  par  le  simple  frottement,  ne  se  fit  plus 
éprouver,  et  la  vue  se  rétablit,  au  point  que  le  ma- 
lade put  passer  un  fil  dans  une  aiguille.  Elle  restait 
cependant  encore  faible  au  coucher  du  soleil ,  et  ne 
recouvrait  toute  son  étendue  qu'au  retour  de  cet 


(  «5  ) 
astre  sur  l'horizon.  Un  état  si  satisfaisant  se  sou- 
tint jusqu'au  20  novembre.  Le  malade  se  plaignit 
alors  d'engourdissement  à  la  tête,  et  d'une  certaine 
obscurité  dans  la  vision.  Craignant  le  retour  de  la 
névralgie,  on  donna  de  nouveau  une  pilule,  le  21  , 
qui  produisit  le  plus  heureux  effet.  Le  calme  fut 
parfait  :  plus  d'engourdissement ,  vue  très  claire , 
et ,  la  nuit ,  sommeil  aussi  assuré  que  par  un  nar- 
cotique. Le  surlendemain,  il  fut  administré  une 
nouvelle  pilule,  plus  par  précaution  que  par  né- 
cessité. 

Pendant  la  durée  de  ce  traiteuient,  on  a  ob- 
servé qu'à  l'exception  du  premier  jour,  les  pilules 
arsenicales  ont  chaque  fois  produit  à  l'estomac  une 
légère  ardeur,  constamment  suivie  d'un  soulage- 
ment très  marqué. 

On  crut  devoir  entretenir  quelque  temps  en- 
core l'excitation  de  l'estomac ,  à  l'aide  d'une  sub- 
stance moins  énergique.  On  fit  prendre,  dans  cette 
intention,  l'éther  sulfurique,  à  dose  modérée.  Son 
action  était  prompte  ;  le  malade  ressentait  immé- 
diatement à  l'estomac,  pendant  quelques  minutes, 
une  chaleur  suivie  presque  aussitôt  d'un  bien-être 
parfait  :  l'éther  fut  supprimé  le  septième  jour.  On 
appliqua  pour  lors  un  séton  à  la  nuque,  afin  d'as- 
surer la  convalescence.  A  cette  époque,  le  malade 
était  guéri;  il  avait  repris  des  forces  avec  l'appétit; 
sa  vue  ne  différait  en  rien  de  ce  qu'elle  était  avant 
sa  blessure,  et  nul  sentioient  de  douleur  ne  venait 
troubler  le  calme  dont  il  connaissait  tout  le  prix. 


(  146  ) 

Esche  sortit  de  rinfirmerie  le  9  décembre,  reprit 
la  vie  commune  de  la  prison ,  revint  deux  mois 
après,  atteint  du  scorbut;  guérit,  sortit  de  nou- 
veau ,  et  n'a  plus  éprouvé  le  moindre  symptôme 
de  sa  première  affection. 

C'en  est  assez  sur  un  remède  avec  lequel  on 
peut ,  comme  on  voit ,  obtenir  des  succès  très  re- 
marquables ,  mais  dont  on  est  presque  toujours 
forcé  d'interrompre  l'emploi  avant  la  guérison  de 
la  maladie  à  laquelle  on  l'oppose ,  à  cause  des  ac- 
cidens  qu'il  détermine.  Si  l'on  ne  le  rejette  pas  de 
la  thérapeutique  ,  comme  le  voudraient  des  méde- 
cins qui  tombent  peut-être  dans  un  excès  de  pru- 
dence ,  du  moins  n'en  faut-il  user  qu'avec  une  ex- 
trême réserve. 

Il  n'est  point  de  médicament  auquel  on  ait  donné 
plus  d'éloges  que  n'en  a  reçus ,  depuis  quelques 
années ,  le  sous-carbonate  de  fer  contre  les  né- 
vralgies de  la  face.  Ces  éloges  sont  assurément 
bien  mérités ,  puisqu'ils  n'ont  été  donnés  qu'à  la 
suite  d'observations  de  guérisons  bien  positives , 
obtenues  par  son  moyen  ;  mais  il  est  fâcheux  qu'on 
n'ait  pas  publié,  avec  la  même  exactitude ,  les  cas , 
nombreux  sans  doute,  dans  lesquels  l'emploi  de  ce 
médicament  a  été  sans  résultats  avantageux.  Cela 
serait  cependant  nécessaire,  pour  qu'on  sût  lame- 
sure  de  la  confiance  qu'on  peut  mettre  en  lui. 

Hutchinson,  qui  dit  avoir  observé  deux  cents 
cas  de  tic  douloureux  ,  eiuploie  le  carbonate  de  fer 


(  147  ) 
dans  tous  les  cas  où  il  n'y  a  aucun  symptôme  in^ 
flammatoire  ;  il  en  donne  depuis  un  demi-gros  jus^ 
qu'à  un  gros  avec  du  miel ,  trois  fois  par  jour.  Il 
augmente  progressivement  les  doses,  et  continue 
le  remède  pendant  des  semaines  ^  ;  Witlcke  en  a 
obtenu  les  plus  heureux  résultats.  Il  le  donne  à  la 
dose  d'un  scrupule  avec  cinq  grains  de  cannelle , 
trois  fois  par  jour.  (Hufel.  Joarn,  1828.  T.  I.) 

Les  journaux  anglais  abondent  en  observations 
sur  ses  succès  ;  il  serait  superflu  de  les  recueillir 
ici.  Nesse  Hill,  au  contraire,  n'en  a  retiré  aucun 
avantage  ;  Masius  n'a  pas  été  plus  heureux ,  et 
nous-mêmes ,  nous  l'avons  vu  échouer  complète- 
ment, mais  dans  un  cas  qui  lui  était,  il  est  vrai, 
peu  favorable,  l'estomac  du  malade  n'en  pouvant 
supporter  que  de  faibles  doses. 

D .   Traitement  du  tic  douloureux  à  titre  d'affec- 
tion parement  nerveuse, 

La  classe  entière  des  anti-spasmodiques  et  des 
narcotiques  pourrait  être  indiquée  ici  ;  et ,  de  fait, 
elle  compte  peu  de  remèdes  qui  n'aient  été  em- 
ployés contre  les  névralgies  de  la  face.  Mais ,  dans 
le  nombre ,  il  en  est  quelques  uns  qui  ont  échoué 
moins  souvent  que  les  autres ,  et  ce  sont  les  seuls 
dont  nous  ayons  à  nous  occuper;  chacun  saura 
retrouver  les  autres  au  besoin,  dans  les  cas  où  il  se 

'  Benj.  Hutchinson,  cases  ofiievralgia  spasmodica,com- 
monly  termed  tic  douloureux,  succesfiillj  treated.  Londres, 
1812. 


(  148  ) 

verra  forcé  de  mulLiplier  ses  essais  et  de  varier  ses 
ordonnances.  Nous  les  énumérerons  dans  l'ordre 
que  nous  croyons  être  celui  de  leur  efficacité  rela- 
tive. 

Jasquiame. 

A  ce  titre ,  nous  plaçons  en  première  ligne  la 
jusquiame  noire; elle  le  mérite,  si  c'est  principale- 
ment à  sa  présence  que  les  pilules  de  Méglin  doi- 
vent leur  vertu;  car  le  traitement  recommandé 
par  ce  médecin  est  certainement  un  de  ceux  qui 
comptent  le  plus  de  succès.  Mais  pour  les  obtenir, 
il  faut  ne  négliger  aucune  des  règles  ou  des  pré- 
cautions qu'il  prescrit ,  soit  relativement  à  la  gra- 
duation des  doses,  soit  sous  le  rapport  de  la 
constance  qu'il  faut  mettre  dans  l'emploi  du  remède 
jusqu'à  ce  qu'il  ait  fait  cesser  la  névralgie ,  et  assez 
long-temps  encore  après  qu'on  a  obtenu  ce  résul- 
tat. Voici  la  manière  dont  Méglin  formule  et  pres- 
crit les  pilules  qui  portent  son  nom  : 

Extrait  de  jusquiame  noire \ 

—     de  racine  de  valériane  sauvage  > aa  9  ij 
Oxide  de  zinc  sublimé.   ......) 

Faites  S.  L.  des  pilules  de  trois  grains. 

Les  malades  commencent  par  une,  et  augmen- 
tent progressivement,  l'un  jusqu'à  six,  l'autre 
huit,  l'autre  quinze,  etc.,  matin  et  soir ,  ayant  soin 
d'arrêter  la  progression  dès  que  les  pilules  causent 


(  149) 
des  nausées  ou  des  symptômes  d'une  action  trop 
vive  sur  rencéphaîe. 

Lœbenstein  Lœbel  a  vu  la  jusquiame  noire  pro- 
curer plusieurs  guérisons  ;  M .  Grimaud  en  a  obtenu 
les  meilleures  effets  en  l'associant  avec  l'extracto- 
résine  de  gayac  et  le  camphre  ;  le  docteur  Dance 
s'en  est  servi  plusieurs  fois  avec  avantage;  beau- 
coup d'autres  médecins  ont  vanté  son  efficacité; 
mais  d'autres  aussi,  et  parmi  eux  Masius,  l'ont 
vue  ne  pas  procurer  le  moindre  soulagement. 

Belladone. 

Herber,  Stark.  Schlegel  et  Struenhagen,  sont 
les  médecins  qui  ont  le  plus  vanté  Tefficacité  de  la 
belladone  contre  le  tic  douloureux.  Plusieurs  disent 
s'être  bien  trouvés  de  l'employer  en  lotions  ou  en 
frictions  sur  la  partie  affectée.  Nous  l'avons  essayée 
ainsi  chez  deux  malades,  mais  ni  Fun  ni  l'autre  n'a 
pu  supporter  ce  moyen ,  ou  plutôt  les  douleurs 
que  causait  le  moindre  contact  n'ont  pas  permis 
qu'il  fût  véritablement  employé. 

On  peut  choisir,  pour  l'administrer,  entre  la 
poudre,  qu'on  donne  àladose  d'un  à  douze  grains, 
ou  la  potion  suivante  : 

%  Extrait  de  belladone  gr.  iij. 

Eau  distillée  de  laurier  cerise    5  ij. 

On  en  donne  de  à^v^  à  vingt  gouttes,  et  plus , 
progressivement. 


150 


Datara  s tramoniimi , 


Reacl  et  Marcet  ont  publie  plusieurs  cas  de  gué- 
risons  obtenues  par  le  datura  slramonium.  Je  con- 
nais plusieurs  médecins  qui  assurent  en  avoir  re- 
tiré les  plus  grands  avantages,  et  qui  vantent,  en 
particulier,  l'application  des  feuilles  à  Textérieur, 
sous  forme  de  cataplasmes.  Les  formes  sous  les- 
quelles on  a  administré  ce  médicament,  contre  le 
tic  douloureux  ,  ont  du  reste  été  assez  variées. 

Lentin  employait  la  teinture  suivante,  qu'il  ad- 
ministrait à  la  dose  de  six  gouttes  chaque  fois. 

Seni.  datât',  stramon.  3  ij. 

Vin.  hispan.  3  viij. 

Spirit.  vin.  3j. 

Digère  per  aliquot  dies  leni  calore  et  filtra. 

Velsen  a  vu  la  teinture  de  stramonium  donnée 
à  très  forte  dose,  jusqu'à  produire  les  premiers 
symptômes  d'empoisonnement,  guérir  complète- 
ment une  prosopalgie  très  opiniâtre.  (  Hufeland's 
journal,  1823,  t.  1.)  Swan  emploie  l'extrait  de 
datura  stramonium  à  la  dose  de  un  demi-grain  à 
deux  grains,  trois  fois  par  jour.  Kirkhoff  préfère 
employer,  de  ce  médicament,  la  décoction  de  ses 
feuilles  qu'il  donne  jusqu'à  produire  la  sécheresse 
dans  l'œsophage ,  l'obscurcissement  de  la  vuje  ,  la 
dilatation  des  pupilles.  Le  même  médecin  en  em- 


(  151  ) 
ploie  aussi  la  teinture  à  l'extérieur,  sous  forme  de 
frictions ,  ou  les  feuilles  en  guise  de  cataplasme. 

Aconit. 

L'aconit  a  eu  des  succès  très  divers.  Wiidberg , 
Hufeland,  Guilmann,  en  ont  obtenu  de  très  bons 
effets.  Schlegel,  Harles  et  Masius  n'ont  pas  eu  le 
même  bonheur.  On  a  cru  remarquer  que  dans  les 
cas  où  l'aconit  avait  réussi ,  la  maladie  pouvait  dé- 
pendre d'un  vice  goutteux  rhumatismal  ou  her- 
pétique. Ce  serait  donc  particulièrement  dans  des 
cas  de  cette  espèce  qu'il  faudrait  y  avoir  recours. 

Guilmann  le  combinait  avec  le  soufre  doré  d'an- 
timoine. 

Assa  Jœtida.  ^ 

Dans  les  cas  où  ce  remède  a  guéri  la  prosopal- 
gie ,  il  avait  été  employé  concurremnaent  av.ec 
d'autres  substances  médicamenteuses  plus  ou 
moins  actives.  Ainsi  Jahn  et  Wiîdberg  l'associaient 
avec  la  ciguë,  la  valériane ,  l'opium ,  etc.  Il  semble 
qu'on  doive  choisir  pour  l'employer  les  cas  où  le 
tic  douloureux  est  lié,  ou  du  moins  coexiste  avec 
quelque  affection  hystérique.  Bréra  l'emploie  sous 
la  forme  suivante  : 

%  Assœ  fœtîdœ .  ]  , 

r^     ,       •  (ina  scrupulum  unum, 

Castorei  .    .   .  )  ^ 

Extract,  valerian,  sylvesl^  drachmam 
unam,  Misce  et  fiant  L  a,  boli  num. 
quatuor. 

Sumantnr  in  die. 


■m 


(  152) 


Caniph 


re. 


Le  docteur  Susemihl,  au  rapport  de  Masius , 
guérit  presque  sur-le-champ  une  prosopalgie  d'ori- 
gine rhumatismale,  au  moyen  du  camphre  employé 
à  très  haute  dose.  Il  en  donnait  jusqu'à  un  scrupule 
chaque  fois,  et  répétait  à  plusieurs  reprises.  On 
administre  assez  souvent,  dans  les  hôpitaux  d'An- 
gleterre ,  les  bols  suivans  : 

%  Camphre j    anaSi. 

Conserve  de  roses.    )       '     J* 
M.  faites  douze  bols  dont  on  prendra  un  toutes 
les  quatre  ou  cinq  heures. 

♦ 

Opium, 

Il  paraîtrait  étrange  que  la  liste  des  anti-spas- 
modiques  ou  des  narcotiques  fût  ici  fermée ,  sans 
qu'il  y  fut  question  de  l'opium.  Cependant,  si  l'on 
ne  considérait  que  le  nombre  infini  de  médecins 
qui  se  sont  plaints  de  son  inefficacité,  ou  même 
de  la  nullité  de  son  action  contre  les  névralgies  de 
la  face,  cette  exclusion  n'aurait  rien  que  de  fort 
naturel.  Toutefois,  si  l'on  y  réfléchit  d'avantage, 
on  sera  tenté  de  supposer  que  l'opium  n'a  reçu  des 
reproches  beaucoup  plus  nombreux  que  tous  les 
autres  narcotiques ,  que  parce  qu'il  a  été  employé 
infiniment  plus  souvent,  contre  une  maladie  qu'on 
peut  dire  au  dessus  des  ressources  de  la  médecine 
dans  la  majorité  des  cas.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  ne 


(  153  ) 
tairons  pas  qu'on  a  vu  quelquefois  l'usage  trop 
prolongé  de  i'opium    aggraver   sensiblement    le 
mal. 

E.   Traitement  par  la  méthode  révulsive  ou  per- 
turbatrice. 

On  peut  encore  placer,  si  l'on  veut,  dans  la  classe 
des  moyens  rationnels,  l'emploi  des  vésicatoires 
et  des  moxas.  Quoique  Brieude ,  au  rapport  de 
Thouret,  recommandât  beaucoup  les  vésicatoires, 
presque  tous  les  médecins  qui  les  ont  employés  se 
plaignent  qu'entre  leurs  mains  ils  ont  complète- 
ment manqué  leur  effet.  Ce  n'est  pourtant  pas  le 
courage  el  la  constance  qui  ont  manqué  ëans  leur 
emploi,  car  plus  d'une  fois  on  les  a  appliqués  jusque 
sur  la  joue,  ce  qui  était  acheter  bien  cher  le  peu  de 
soulagement  qu'ils  ont  procuré. 

On  connaît  trois  ou  quatre  cas  de  guérisons  par 
le  moxa  ;  mais  tous  sont  dus  à  M.  Larrey  ;  et  Ton 
sait  que  les  confrères  de  ce  chirurgien  célèbre  n'ont 
pas  toujours  vu  se  reproduire  dans  leur  pratique 
les  merveilles  qu'il  avait  obtenues  dans  la  sienne. 

F .   Traitement  dirigé  conti  e  les  complica tions . 

Ne  pouvant  tracer  ici  la  marche  à  suivre  dans 
les  cas  de  complications  du  tic  douloureux ,  ce  qui 
serait  faire  l'histoire  particulière  du  traitement  de 
toutes  les  maladies  qui  peuvent  coexister  avec  lui, 
en  être  l'effet ,  ou  le  tenir  au  contraire  sous  leur 


(  154  ) 

dépendance  ,  nous  nous  bornerons  à  dire  que  cet 
objet  mérite  la  plus  grande  considération,  et  qu'il 
ne  faut  jamais  négliger  de  combattre,  par  des 
moyens  appropriés,  toute  affection  quelconque 
dont  le  sujet  névralgique  peut  se  trouver  atteint , 
tant  légère  soit-elle,  et  quelque  étrangère  qu'on 
puisse  la  supposer  à  la  maladie  principale.  On  est 
quelquefois  étonné  de  voir  une  prosopaigie,  qui 
causait  des  douleurs  horribles  ,  disparaître  en 
même  temps  qu'une  légère  inflammation  chro- 
nique de  quelque  viscère,  qui  avait  paru  mériter 
à  peine  qu'on  s'en  occupât.  Il  faut  se  tenir  pour 
averti  à  cet  égard.  C'est  par  cet  avis  que  nous  ter- 
minerons tout  ce  que  nous  avions  à  dire  sur  la  thé- 
rapeutique rationnelle  du  tic  douloureux. 
Thérapeutique  empirique. 

Passons  aux  moyens  que  l'on  ne  peut  recom- 
mander qu'à  titre  de  moyens  empiriques ,  et  dont 
l'emploi  ne  se  fonde  que  sur  la  considération  des 
succès  qu'on  en  a  obtenus,  sans  qu'on  sache  de 
quelle  manière  ils  ont  pu  agir  pour  les  procurer. 

Nous  les  distinguerons  en  médicamens  qui  s'ad- 
ministrent intérieurement,  et  en  apphcations  ex- 
térieures. 

I.  Médicamens  internes. 

Acétate  d^ ammoniaque  dissous  dans  Valcohol, 
On  lit  dans  un  journal  américain  (  The  new  En- 
gland  Journal  of  Med.  and  Surgery;  etc.  T.  IV.) , 
qu'un  tic  douloureux  fut  guéri  par  ce  médicament. 


(  lâ5  )        ■ 

emplové  à  la  dose  de  trente-cinq  gouttes  trois  l'ois 
par  jour.  Nous  n'en  connaissons  point  d'autre 
exemple. 

Antimoine ,  ou  préparations  antimoniales. 

J.  P.  Frank,  et  son  fils  Joseph,  ont  guéri  des 
tics  douloureux  qui  avaient  résisté  à  tous  les  re- 
mèdes ,  avec  le  suivant  : 

%  Moschi  optimi  granam  iinam. 

Calomel ] 

Salphiiris  aarati  antimo-  \  sTa  granmn  semis, 
nii. ) 

Sacchari  grana  sex. 
M .  S.  cap.  talem  pulverem  mane  et  vesperi. 

Il  e^t  difficile  de  déterminer  quelle  est  U  subs- 
tance la  plus  active  de  cette  formule;  mais  l'essen- 
tiel est  de  savoir  que  cette  poudre  a  guéri ,  car, 
dans  l'incertitude ,  on  peut  toujours  en  composer 
une  pareille. 

Cigiie. 

La  ciguë  est  un  des  premiers  remèdes  qui  aient 
été  préconisés  contre  les  névralgies  de  la  face. 

Fothergill,quine  voyait  dans  ces  maladies  qu'une 
affection  cancéreuse  déguisée,  regardait  la  ci- 
guë comme  le  seul  moyen  dans  lequel  on  pût  avoir 
quelque  confiance.  Selle  partait  du  même  principe, 
et  professait  la  même  opinion  sur  l'excellence  du 
médicament.  Lentin  ne  le  vit  jamais  guérir  com- 
plètement le  tic  douloureux ,  mais  il  le  croyait  très 


(  156  ) 

propre  à  commencer  la  cure ,  et  à  favoriser  Taction 
d'un  traitement  ultérieur.  Pujol ,  Jackson ,  Gess- 
ner,  Thileney,  Jalhn,  l'ont  vu  procurer  la  gué- 
rison  ;  Siebold  et  Masius ,  beaucoup  de  soulage- 
ment -,  il  a  complètement  échoué  entre  les  mains  de 
Haighton  ,  Schlegel ,  Blunt ,  Keup,  Reil,  etc. 

Coccionella  septem  punctata. 

Sauter  est  le  premier  qui  ait  employé  ce  médi- 
cament. Ses  observations  sont  assez  remarquables 
pour  fixer  l'attention  des  praticiens,  et  mériter 
d'être  répétées.  11  donne  20  gouttes  de  teinture 
matin  et  soir,  et  en  outre  20  ou  30  gouttes  au  dé- 
but de  l'accès.  Jos.  Frank  en  a  observé  de  fort 
bons  effets.  Je  crois  avoir  lu  dans  le  journal  de 
Hufeland  plusieurs  cas  de  guérison  par  le  même 
remède;  mais  je  ne  puis  en  ce  moment  vérifier 
l'exactitude  de  mes  souvenirs. 

Hijdrochlorate  de  potasse. 

Quand  une  foule  de  moyens  avaient  échoué , 
quand  la  section  du  nerf  avait  manqué  son  effet , 
J.  Frank  a  guéri  une  prosopalgie  avec  Fhydro- 
chlorate  de  potasse.  Schaefer  prescrit  ce  remède 
ainsi  qu'il  suit  : 

%  Kali  muriatici  exige-  ) 

naH \'<£ei  sesqaidragma?n. 

Sacchari ) 

M»  divide  in  X  partes  sequales.  S.  Ter  quaterve 
de  die  dosen  cap. 


(  15'  ) 
J.  Frank  n'a  jamais  osé  dépasser  la  dose  de  trois 
grains  d'hydrochlorale  de  potasse  par  prise. 
Hydrocyanique  (acide). 

J.  Frank ,  en  donnant  à  un  Russe,  affecté  de 
prosopalgie ,  25  gouttes  d'eau  distillée  de  laurier- 
cerise  au  commencement  d'un  accès ,  réussissait 
constamment  à  le  faire  cesser.  Breitenbûcher  cal- 
ma d'abord  et  finit  par  guérir  un  tic  douloureux  au 
moyen  de  l'acide  hydrocyanique.  Harles  et  Masius 
n'ont  obtenu  que  le  premier  de  ces  deux  effets  ;  ils 
parvinrent,  au  moyen  de  l'eau  de  laurier-cerise, 
à  rendre  les  accès  plus  rares  ,  et  à  diminuer  leur 
violence.  Du  reste,  l'énergie  extrêmement  varia- 
ble de  Teau  de  laurier-cerise  doit  toujours  lui  faire 
préférer  un  médicament  dont  l'action  soit  cons- 
tante, et  puisse  être  toujours  calculée  par  la  pru- 
dence. On  donnera  donc  \ acide  prussique  médi- 
cinal ào,  M.  Magendie,  c'est-à-dire,  l'acide  prus- 
sique préparé  par  le  procédé  de  M.  Gay-Lussac, 
étendu  de  six  fois  son  volume  d'eau  distillée.  On 
peut  donner  la  potion  indiquée  par  M.  Magendie , 
ou  le  bol  suivant,  employé  par  Bréra  : 

Recipe  hydrocyanat.  potassae  ferrugin.  grana 
quatuor  ; 

Acidi  tartarici  grana  duodecim  ; 

Roob  Sambuci  Q.  S. 

Misée,  et  cum  S.  Q.  pulver.  liquirit.  Gant  L.  A. 

Bolinum.  quatuor. 

Sumatur  unus  tertia  quaque  hora. 


(  158  ) 

Beaucoup  de  médecins  allemands  donnent  aussi 
la  préférence  à  l'hydrocyanale  de  fer,  et  nous  avons 
vu  nous-même  employer  avec  succès  la  poudre 
que  voici  : 

%  Hydrocvanate  de  fer.  .   .   .  ) 

-^       ^\  \   ana  2:r.  xvni. 

Sucre  bianc \  ^  ^ 

M.  divisez  en  trois  paquets,  à  prendre  dans  la 

journée. 

Mercure. 

Dans  les  cas  où  l'on  croit  avoir  des  raisons  de 
supposer  que  le  tic  douloureux  a  quelque  rapport 
avec  une  affection  vénérienne  coexistante  ou  anté- 
rieure ,  il  est  naturel  qu'on  ait  recours  au  spéci- 
fique de  cette  affection.  L'observation  de  Waton, 
que  nous  avons  rapportée ,  est  un  exemple  de  ce 
genre.  Fondé  ou  non,  le  motif  qui  déterminale 
médecin  à  faire  un  traitement  antisyphilitique  fut 
la  connaissance  qu'il  eut  que  le  malade  avait  eu 
autrefois  plusieurs  maladies  vénériennes.  La  gué- 
rison  fut ,  comme  on  l'a  vu,  des  plus  remarquables 
et  des  plus  promptes.  On  ne  peut  refuser  d'en 
faire  honneur  au  mercure.  Mais  les  cas  analogues 
à  celui-là  ne  sont  point  les  seuls  dans  lesquels 
on  ait  employé  ce  médicament,  et  avec  le  même 
succès.  Weisse,  comme  on  l'a  vu  dans  une  autre 
observation  ,  que  nous  avons  également  rap- 
portée ,  a  guéri  une  jeune  tille  chez  laquelle  on 
n'avait  nul  motif  de  supposer  une  affection  vé- 
nérienne. L'auteur  ne  nous  dit  point  d'ailleurs  que 


(  159  ) 

Stark  ,  par  les  conseils  duquel  il  avait  employé  le 
mercure,  se  laissât  guider  par  cette  considération 
dans  l'usage  d'un  médicament  auquel  il  attribuait 
la  plus  grande  efficacité  ,  et  dont  il  paraissait  avoir 
obtenu  de  nombreuses  cures.  Lentin  et  Haase  en 
étaient  également  partisans  ;  Haighton  et  Harten- 
keil ,  au  contraire ,  le  regardent  comme  essentiel- 
lement nuisible,  parce  qu'il  accroît  toujours,  sui- 
vant eux,  l'irritabilité.  Les  opinions  sont ,  comme 
on  voit,  bien  partagées  sur  l'utilité  du  mercure  ; 
mais  il  nous  semble  néanmoins,  au  milieu  de  ces 
dissidences ,  que  la  majorité  des  faits  autorise  à  en 
espérer  assez  souvent  de  bons  résultats. 

Strychnme, 

Naumann  assure,  dans  son  Manuel  de  méde- 
cine clinique  (T.  I.,  p.  88.  J,  qu'on  a  obtenu  de 
bons  effets  de  la  strychnine ,  et  il  place  ce  remède 
au  dessus  du  data? a  stramoniuvi  et  de  l'acide 
prussique.  Nous  rappellerons  les  formules  sous 
lesquelles  M.  Magendie  prescrit  ce  médicament 
héroïque  : 

%  Strychnine  bien  pure 2  grains. 

Conserve  de  cynorrhodon  .   .      1/2  gros. 

Mêlez  exactement ,  et  faites  24  pilules  bien  égales 
et  argentées ,  afin  d'éviter  qu'elles  ne  se  collent  les 
unes  aux  autres. 

%  Alcohol  à  36o 1   once. 

Strychnine  .........        3  grains. 


(  160  ) 

Celte  icinlure  s'emploie  j3ar  goiiMes  ,  de  G  h  24/ 
dans  des  potions  ou  des  boissons. 

Zinc  (oxide  blanc  de). 

L'oxide  de  zinc  est  une  des  parties  actives , 
peut-être  la  plus  active  des  pilules  de  Méglin ,  sur 
reffîcacité  incontestable  desquelles  nous  nous  som- 
mes déjà  expliqués.  La  plupart  des  journaux  de 
médecine ,  français  ou  étrangers ,  offrent  des 
exemples  de  guérisons  obtenues  par  l'usage  de  ce 
médicauient. 

Je  termine  cette  section,  en  citant  le  soas-car- 
bonate  de  cuivre ,  avec  lequel  le  docteur  Key,  et 
avant  lui,  Richemont,  ont  opéré  des  cures  remar- 
quables. 

IL  M édicamens  employés  en  frictions  et  en 
lotions  sur  la  partie  ou  siège  la  douleur. 

Divers  médecins  anglais  annoncent  avoir  ob- 
tenu dans  quelques  cas  une  amélioration  sensible 
du  tic  douloureux ,  dans  d'^autres ,  une  entière 
guérison,  au  moyen  de  l'huile  de  crotontiglium , 
employée  en  frictions  à  la  dose  d'une  ou  deux 
gouttes. 

L'huile  de  cajeput  et  celle  de  menthe  ont  été 
employées  de  la  même  manière,  et  avec  des  résul- 
tats variés  :  inutilement  par  M.  Schlegel,  avec 
avantage  par  Josephi.  L'éther  sulfurique  a  souvent 
produit  un  soulagement  immédiat,  mais  non  tou- 
jours durable. 


(  161  ) 

La  teinture  d'opium  ainsi  employée,  a  eu  quel- 
quefois plus  d'effet  qu'administrée  à  l'intérieur; 
de  même  que  l'extrait  de  belladone. 

L'huile  de  jusquiame,  ou  les  feuilles  de  cette 
plante ,  ont  réussi  assez  souvent. 

Wedekind  a  guéri  un  malade  par  des  lotions 
faites  avec  une  solution  de  sublimé  corrosif. 

C'est  en  frictions  topiques  que  Weissè  employa 
le  mercure  chez  la  jeune  fille  qu'il  guérit,  et  dont 
nous  avons  rapporté  l'histoire.  C'est  ainsi  égale- 
ment que  l'employait,  à  ce  qu'il  paraît,  son  maître 
Stark. 

Bedingfield  cite  un  cas  fort  remarquable ,  dans 
lequel  il  paralysa  en  quelque  so  rte  le  nerf  affecté , 
et  fit  cesser  toute  douleur  par  des  frictions  avec  la 
céruse. 

Thilenius  ne  craignait  pas  d'appHquer  de  l'am- 
moniaque caustique  sur  la  joue  ,  et  de  répéter  le 
remède  jusqu'à  ce  qu'il  y  eût  produit  une  escarre. 
Il  a  trouvé  aussi  peu  d'imitateurs  que  ceux  qui 
avaient  recommandé  des  lotions  avec  de  l'eau  très 
froide,  ou  des  compresses  imbibées  d'un  liquide  à 
une  température  fort  basse. 

Bains, 

Les   bains  sont  ordinairement  employés   avec 
quelque  avantage ,  mais  aussi  on  en  a  souvent  beau 
coup  abusé,  fort  inutilement,  sinon  avec  de  notables 
iuconvéniens.  Les  bains  de  mer  paraissent  avoir 
quelquefois  procuré  des  guérisons  solides.  D'après 


C  162  ) 

le  peu  de  renseignemens  fort  vagues  que  nous 
possédons  sur  les  effets  des  eaux  minérales  contre 
le  tic  douloureux,  nous  ne  pourrions  nous  hasarder 
à  dire  celles  auxquelles  on  doit  donner  la  préfé- 
rence ,  ni  jusqu'à  quel  point  on  peut  compter  sur 
leurs  vertus.  Toutefois,  il  semble  que  ce  serait  les 
eaux  ferrugineuses  qu'il  faudrait  d'abord  essayer, 
et  ensuite  les  sulfureuses. 

Electricité, 

Que  l'on  lise  le  traité  de  Pujol  sur  le  tic  doulou- 
reux de  la  face,  et,  pour  peu  qu'on  ait  l'imagination 
disposée  à  céder  aux  illusions  des  hypothèses ,  on 
pourra  bien  se  laisser  persuader  que  tout  est  fort 
simple  dans  la  thérapeutique  comme  dans  la  patho- 
logie de  celte  affection ,  que  l'on  croit  si  obscures. 
Selon  le  r^édecin  de  Castres ,  le  principe  de  la  sen- 
sibilité, ou  le  fluide  que  le  cerveau  sécrète  et  que 
les  nerfs  conduisent ,  ne  saurait  être  autre  que  le 
fluide  électrique.  La  douleur  ne  peut  venir  que  de 
Faccumulation  du  fluide  dans  les  rameaux  de  la 
partie  souffrante.  L'organe  affecté  se  trouve  élec- 
trisé  positivement,  et  à  un  degré  qui  dépasse  ce 
que  permet  l'échelle  variable  de  la  santé.  Tout  se 
réduit  donc,  en  fait  d'indications,  à  soutirer  le  fluide 
exubérant ,  à  électriser  négativement  la  partiç.  Il 
n'y  a  de  faux  dans  tout  cela  que  les  prémisses  et, 
la  conséquence.  Combien  de  fois  pourtant  n'est-on 
pas  parti  de  pareillçs  données  pour  établir  le  trai- 
tement des  maladies  les  plus  graves  et  les^  plus 


(  163  ) 
dangereuses.  On  peut  affirmer  sans  crainte,  qu6 
quiconque  a  eu  la  prétention  d'expliquer  la  ma- 
nière d'agir  de  rélectricitë  non-seulement  sur  les 
névralgies ,  mais  sur  le  corps  humain  en  général , 
s'est  nécessairement  jeté  dans  des  rêveries  de  la 
même  force.  Il  n'y  a  qu'une  seule  explication  rai- 
sonnable de  cette  manière  d'agir ,  c'est  celle  qui 
consiste  à  dire  qu'on  ne  l'explique  pas.  Et  que 
nous^importe,  après  tout,  de  savoir  par  quel  mé- 
canisme intérieur  agit  l'élecîricité.  Ce  n'est  pas  le 
comment  du  phénomène  qui  nous  intéresse ,  c'est 
seulement  sa  réalité.  On  eût  agi  bien  plus  sage- 
ment de  consacrer  à  s'assurer  de  cette  réalité  et  de 
ses  divers  modes ,  le  temps  qu'on  a  perdu  à  la  pour- 
suite de  quelques  chimériques  explications. 

Le  plus  grand  partisan  de  Félectrisation ,  Pujol, 
n'a  pas  un  seul  fait  à  citer  à  l'appui  de  cette  mé- 
thode de  traitement.  Rahn  n'en  a  retiré  aucun 
bon  effet;  cependant  Reil ,  Biunt,  Haighton  et 
Wildberg  l'ont  vu  tantôt  guérir,  tantôt  procurer 
du  moins^du  soulagement.  Les  essais  ont  été  peu 
nombreux  jusqu'à  présent;  il  est  à  désirer  qu'on 
les  multiplie ,  pour  qu'on  sache  enfin  à  quoi  s'en 
tenir  sur  la  valeur  de  ce  moyen. 

Acupuncture. 

L'acupuncture  promettait  des  merveilles  il  y  a 
quelques  années  ;  peu  de  névralgies  devaient  lui 
résister,  mais  c'était  à  une  époque  où  elle  avait  le 
privilège  de  tout  guérir.  Son  honneur  de  panacée 


(  164  ) 

universelle  a  été  bien  compromis  depuis  par  l'expé- 
rience, et  le  discrédit  dans  lequel  elle  est  maintenant 
tombée  ne  peut  être  comparé  qu'à  l'engouement 
qu'elle  avait  alors  inspiré.  Il  faut  pourtant  ne  pas 
oublier  qu'elle  a  véritablement  guéri  un  certain 
nombre  de  névralgies  ;  qu'elle  en  a  rendu  d'autres 
plus  supportables ,  et  qu'on  n'aurait  pas  de  motifs 
suffisans  pour  se  dispenser  d'y  avoir  recours,  quand 
beaucoup  d'autres  moyens  auraient  échoué. 

On  en  peut  dire  autant  de  V élec tro-puncture , 
combinaison  des  deux  moyens  précédens,  à  la 
quelle  quelques  médecins  ont  trouvé  plus  d'effica- 
cité qu'à  chacune  prise  isolément,  et  que,  à  la  vérité, 
nous  savons  avoir,  dans  un  cas,  provoqué  une  no- 
table augmentation  des  douleurs  d'une  névralgie 
de  la  face. 

Galvanisme,   • 

Narless ,  Leydig  et  Grapehgiesser  ont  fait  du 
galvanisme  des  essais  qui  n'ont  pas  été  favorables. 
Ritter,  Quen  et  Chisholm  ont  été  plus  heureux. 

Aimant, 

Beaucoup  de  médecins  regardentl'aimant  comme 
un  moyen  complètement  inerte ,  sans  aucune  ac- 
tion sur  l'économie  saine  ou  malade ,  et ,  par  con- 
séquent, comme  un  de  ces  remèdes  du  tic  dou- 
loureux desquels  on  peut  dire  qu'ils  sont  aussi 
parfaitement  innocens  du  mal  que  leur  imputent 
leurs  adversaires  que  du  bien  que  leur  attribuent 
leurs  partisans.  Quelques  praticiens  enthousiastes,, 


(  165  ) 

au  contraire  ,  mettent  l'ainiant  au  dessus  de  tout , 
et  y  trouvent  un  vrai  spécifique  contre  les  névral- 
gies de  la  face.  L'un  n'est  pas  plus  vrai  que  l'autre. 
Si  l'on  étudie  et  si  l'on  pèse  les  résultats  de  l'expé- 
rience ,  on  trouve  que  les  plaques  ou  armures  ai- 
mantées ont  une  action  qu'on  ne  saurait  contester, 
mais  que  cette  action  n'est  point  telle  que  le  pré- 
tendent ceux  de  ses  partisans  que  nous  venons  de 
signaler.  Au  point  où  en  est  aujourd'hui  la  science, 
on  peut  adopter,  comme  marquant  avec  justesse  le 
degré  de  confiance  qu'on  peut  accorder  à  ce  moyen, 
les  conclusions  quctiraient  à  cet  égard,  de  leurs 
observations •j'^^ndry  et  Thouret,  il  y  a  près  de 
deux  tiers  de  siècle.  Des  conclusions  déjà  si  vieilles, 
et  qui  sont  encore  justes  ,  sont  une  espèce  de  dé- 
menti donné  à  ceux  qui  prétendent  que  la  médecine 
a  fait  des  pas  immenses  dans  notre  siècle ,  et  que 
son  domaine  a  pris  un  aspect  si  différent  de  ce  qu'il 
était,  que  ceux  qui  le  cultivèrent  autrefois  avec  le 
plus  de  gloire ,  auraient  aujourd'hui  de  la  peine  à 
le  reconnaître  ;  mais  quelque  pénible  que  soit  ce 
démenti  pour  ceux  qui  croient  à  la  perfectibilité  de 
la  science,  nous  qui  y  croyons  aussi,  mais  qui  trou- 
vons que  ses  progrès  sont  toujours  peu  rapides , 
nous  n'hésitons  pas  à  le  proclamer,  car  la  chose 
du  monde  qui  nous  paraîtrait  le  moins  propre  à 
exciter  le  zèle  des  découvertes  et  à  encourager 
l'étude,  serait  l'illusion  qu'on  chercherait  à  se  foire 
sur  l'avancement  de  notre  art  et  la  proximité  où  il 
est  de  la  perfection. 


(   166) 

Nous  dirons  avec  Thouret,  et  c'est  tout  ce  qu'on 
peut  dire  d'après  les  faits,  que  «  l'aimant  agit  contre 
«  le  tic  douloureux  avec  un  succès  très  réel,  quoi- 
«  que  assez  faible.  L'aimant  n'agit  que  comme 
«  palliatif,  comme  ira  moyen  qui,  dans  les  crises, 
«calme  au  moins  pour  le  moment  la  plus  grande 
«  violence  des  douleurs.  Ce  n'est  donc  qu'un  faible 
«  remède  contre  un  mal  très  grave  qu'il  présente. 
«  Mais  dans  de  pareilles  souffrances ,  il  n'est  aucun 
«  moyen  de  soulagement ,  quelque  léger  qu'il  soit, 
«  à  négliger ,  et  dans  une  maladie  surtout  dont  la 
«  longue  durée  a  bientôt  mis  le  malade  dans  le  cas 
«  de  les  avoir  tous  éprouvés  avec  une  apparence 
«  de  succès  qui  ne  se  renouvelle  pas  même  toujours 
«  lorsqu'on  en  répète  l'usage ,  on  ne  saurait  assez 
«  en  multiplier  le  nombre.  » 

Quant  au  magnétisme  animal ,  nous  dirons  pour 
ceux  qui  y  croient ,  qu'on  l'a  vu  souvent  calmer 
les  plus  violens  accès,  mais  rarement  guérir  la 
maladie,  et  pour  ceux  qui  n'y  croient  pas,  que 
nous  ne  nous  faisons  pas  garant  de  la  réalité  de  ses 
merveilles. 

Traitement  chirurgical. 

Nous  nous  étendrions  assez  longuement  ici  sur 
tout  ce  qui  concerne  la  section  du  nerf  affecté  de 
névralgie,  l'un  des  moyens  les  plus  puissans,  ou 
même  le  plus  efficace  de  tous ,  dans  les  cas  où  il 
est  positivement  indiqué,  si,  dans  le  courant  de  ce 
travail,  nous  n'avions  rassemblé  les  faits  les  plus 


(  167  ) 
propres  à  montrer  la  valeur  de  celte  méthode  de 
traitement ,  et  si  déjà  nous  n'avions  trouvé  en  plus 
d'un  lieu  l'occasion  d'exprimer  les  principes  sur 
ksquels  doit  en  être  basée  rapplication.  Mais  nous 
voulons  mettre  fin  à  un  travail  qui  a  pris  plus  d'ex- 
tension que  nous  n'avions  le  projet  de  lui  en  don- 
ner. Nous  nous  bornerons  donc  à  poser  en  peu  de 
mots  les  règles  qui,  suivant  nous,  doivent  présider 
à  l'emploi  du  traitement  chirurgical  des  névral- 
gies. 

Et  d'abord ,  quant  à  la  détermination  des  cas 
qui  le  réclament ,  on  ne  peut  regarder  comme  tels 
que  ceux  dans  lesquels  une  seule  branche  nerveuse, 
bien  isolée ,  au  moins  au  point  le  plus  reculé  où  on 
puisse  l'atteindre,  est  aifectée  par  le  tic  doulou- 
reux. C'est  dire  que  nous  le  proscrivons  absolu- 
ment dans  les  névralgies  de  septième  paire.  Et 
quant  aux  branches  ou  rameaux  si  nombreux  de 
la  cinquième  paire  qui  peuvent  être  atteints,  il  n'y 
en  a  que  trois  auxquels  puisse  jamais  s'appliquer 
ce  traitement,  le  frontal  externe ,  ou  frontal  pro- 
prement dit,  le  sous  orbitaire  et  le  mentonnier. 
Mais  qu'on  ne  croie  point  qu'il  suffise  de  recon- 
naître que  le  mal  siège  dans  ces  rameaux  nerveux 
pour  qu'on  soit  par  cela  seul  autorisé  à  en  faire  la 
section  ;  il  faut  avoir  constaté  qu'aucun  rameau 
placé  plus  loin  que  le  lieu  où  doit  être  pratiquée  la 
division  ne  prend  part  à  la  maladie.  Ceci  mériterait 
d'être  développé  ;  mais  nous  nous  en  référons  aux 
réflexions  du  lecteur  et  aux  remarques  que  nous. 


(  168) 

avons  déjà  faites  en   divers  endroits  de  ce  me-* 
moire. 

Nous  regardons  comme  anti-rationnelles,  comme 
barbares ,  (  puisque  aucun  avantage  n'en  peut  ré^ 
sulter  ) ,  ces  incisions  qu'on  a  pratiquées  au  devant 
de  la  région  de  l'oreille,  sur  les  joues,  souvent  à  des 
profondeurs  considérables,  et  dans  toutes  les  direc- 
tions ;  incisions  faites  au  hasard ,  car  on  ne  s'était 
point  demandé  d\me  manière  précise  où  était  le 
mal ,  et  s'il  était  possible  de  le  couper  dans  sa  racine. 
Nous  ne  qualifierons  point  ^opération  hardie ,  à 
l'exemple  de  divers  journaux  ,  mais  à^ opération 
extravagante  ,  celle  que  pratiqua  il  n'y  a  pas  long- 
temps un  chirurgien  américain ,  et  qui  consiste  à 
aller  faire  la  section  du  nerf  maxillaire  inférieur 
avant  son  entrée  dans  le  canal  de  ce  nom.  Nous 
trouverions,  s'il  le  fallait,  vingt  motifs  pourjustifier 
le  jugement  que  nous  en  portons. 

Une  fois  ce  point  bien  arrêté,  que  l'opération  ne 
doit  être  pratiquée  que  sur  les  nerfs  que  nous 
avons  indiqués,  il  reste  à  déterminer  suivant  quelle 
méîhode  elle  doit  être  faite. 

On  a  à  choisir  entre  trois  :  la  section  simple ,  la 
résection  et  la  cautérisation. 

Si  elles  étaient  toutes  trois  également  sûres,  il 
n'y  aurait  pas  à  balancer;  la  première  devrait  tou- 
jours avoir  la  préférence.  Mais  on  sait  qu'en  général 
un  nerf  coupé  dont  les  bouts  sont  remis  en  contact 
l'un  avec  l'autre,  ne  tarde  pas  à  reprendre  ses 
fendions,  et  il  est  arrivé  plus  d'une  fois  qu'un  tic 


(  169  ) 
douloureux  instantanément  guéri  par  une  simple 
incision,  n^a  pas  tardé  à  reprendre  sa  première 
\:iolence.  Il  n'a  pas  toujours  suffi  pour  prévenir  ce 
fâcheux  résultat,  de  laisser  longtemps  ouverte  et 
de  tenir  en  suppuration  la  plaie  qu'on  avait  faite. 
C'est  pour  empêcher  à  toujours  la  réunion  du  nerf 
et  le  retour  du  mal  qu'ont  été  employées  les  deux 
autres  méthodes. 

La  résection  de  quelques  lignes  dh  cordon  ner- 
veux compte  d'assez  nombreuxsuccès,  mais  elle 
n'est  pas  toujours  bien  facile  à  pratiquer ,  et  elle 
est  fort  douloureuse.  C'est  néanmoins  celle  qui 
est  maintenant  adoptée  comme  méthode  générale. 
Quant  à  la  cautérisation,  la  méthode  la  plus 
simple  de  la  pratiquer  serait  celle  de  Paletta.  Il  la 
fait  avec  une  lame  mince  de  fer ,  convexe  sur  le 
tranchant,  rougie  à  blanc,  et  avec  laquelle  il  pénètre 
jusqu'à  l'os.  Mais  ordinairement  on  s'y  est  pris 
d'une  autre  manière  :  après  avoir  mis  à  nu  par 
une  incision  le  nerf  qu'on  voulait  détruire,  on 
apphquait  au  fond  de  la  plaie  un  caustique  qui  en 
désorganisait  la  surface  et  obligeait  les  deux  bouts 
du  nerf  à  se  cicatriser  isolément. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  tracer  sur  tout  cela, 
des  règles  opératoires.  On  trouve  dans  les  obser- 
vations que  nous  avons  empruntées  à  Haighton  et 
Leydig ,  à  peu  près  tout  ce  qu'il  est  nécessaire  d'en 
savoir.  Au  surplus ,  on  peut  consulter  les  traités 
de  médecine  opératoire. 


(  171 


TABLE 


Pages. 

Avant-propos i 

Objet  de  ce  mémoire 2 

Synonymie  du  tic  douloureux 3 

Considérations  générales 5 

Aperçu  historique ibid. 

Hippocraie 6 

Celse 7 

Arétée 8 

Co^ius  Aurelianus 9 

Galien ihid^ 

Médecins  arabes 10 

—  du  mojen-âge 11 

—  du  1 7«  siècle ibid. 

Strobelberger 12 

Lud-wig ibid. 

Degner 1 3 

Hoffmann ibid. 

André ibid. 

Sauvages 1 4 

FothergiU ibid. 

Andrjr  et  Tho.uret i ibid. 

Pujol. ibid. 

Ecrivains  de  la  fin  du  18*  siècle ibid. 

—  du  19**...., i5 

Description  de  la  maladie , *6 


(  172  ) 

Nécessité  des  descriptions  partielles  de  chacune  des 

formes  de  la  maladie ihid. 

Névralgies   de  la  branche  oplitlialmique  de  la   5e 

paire * 1 8 

Observation  première.  Névralgie  de  la  branche  oph- 

thalmîque  de  la  5^  paire i^ 

Remarques  sur  cette  observation 23 

Observation  ii.  Névralgie  de  la  branche  lacrymale 

de  l'ophthalmique 24 

Observation  m 26 

Observation  iv.  Névralgie  frontale  interne 21^ 

Remarques , ^^ 

Observation  v 3^ 

Observation  VI .  Névralgie  frontale  externe,  ou  fron- 
tale proprement  dite 35 

Observation  vu  .  Névralgie  frontale 3^ 

Observation  VIII.  Névralgie  frontale f37 

Observation  ix.  Névralgie  nasale  externe 38 

Névralgies  de  la  branche  maxillaire  supérieure ^o 

Observation  x .  Névralgie  dentaire  postérieure .......  ^i 

Observation  xi.  Névralgie  dentaire  postérieure zJ4 

Remarques 4^ 

Observation  xii.  Névralgie  sous-orbitaire 4^ 

Remarques 49 

Observation  xiii.  Névralgie  sous-orbitaire 5o 

Observation  xiv.  Névralgie  sous-orbitaire 55 

Remarques '70 

Observation  xv.  Névralgie  du  rameau  lingual  de  la 

branche  maxillaire  inférieure 71 

Remarques - 72 

Observation  xvi.  Névralgie  du  rameau  maxillaire  in- 
férieur mentonnier 73 

Observation  xvii.  Névralgie  du  rameau  mentonnier.  75 


(  173) 

Page*. 

Observation  xviii. Névralgie  du  rameau  mentonnîer.  76 

Remarques 78 

Névralgies  de  la  -7^  paire , ibid. 

Observation  xix.  Névralgie  du  nerf  facial 80 

Observation  xx 81 

Observation  xxi 82 

Observation  xxii.  Névralgie  du  nerf  facial 83 

Remarques ,,..., 88 

Observation  xxiii.  Névralgie  du  nerf  facial 89 

Remarques * 92 

Observation  xxiv ibid. 

Remarques. .....  é ^ 98 

Observation  xxv.. 99 

Remarques -. 102 

Névralgie  mastoïdienne i o3 

Observation  xxvi.  .  : i o4 

Remarques t 106 

Description  générale  des  névralgies  de  la  face 106 

Sym.pl6m.es ibid. 

Espèces  diverses 109 

Type iio 

Simples  ou  compliquées m 

Diagnostic ii3 

Ancienneté'  de  la  maladie 116 

Pays  oh  elle  est  connue 116 

Age  quij  est  le  plus  sujet 117 

Causes  externe  s 1x7 

—      internes 118 

Nature  de  la  maladie 118 

Digression  sur  ce  qu'on  doit  entendre  par  ces  mots  : 

connaissance  de  la  nature  d'une  maladie 119 

Ide'e  qu'on  doit  se  faire  de  la  nature  du  tic  doulou- 
reux.   I  2^ 


(  174  ) 

Pages. 

ï)lJ  TRAITEMENT    DES  NEVRALGIES  DE  LA  FACE ÏI'J 

Distinction  de  la  thérapeutique  des  névralgies  en  thé- 
rapeutique rationnelle^  et  en  thérapeutique  empi- 
rique   128 

Thérapeutique  rationnelle 1 28 

A.  Traitement  fondé  sur  la  considération  de  V  état- 
général  du  sujet 1 28 

B.  Traitement  fondé  sur  la  connaissance  des  causes 

de  la  névralgie. —  1 3 1 

€!.  Traitement  fondé  sur  la  considération  du  carac- 
tère :^  et  sur  celle  du  type  de  la  maladie i35 

Emploi  de  sulfate  de  quinine  contre  les  névralgies  ....* 

intermitl  sûtes.... • 1 3  ^ 

Emploi  de  l'arsenic 1 38 

Observation  xxvn 1 3^ 

Sous  carbonate  de  fer 14" 

D.  Traitement  du  tic  douloureux  à  titre  d'affection  ^ 
purement  nerveuse... 147 

Jusquiame. '4^ 

Belladone.... • '49 

Daturastramonium. 1 5o 

Aconit ' • 1  ^  ^ 

As  sa  fœtida •  •  •  •  l  ^  ' 

Camphre ;..... ^^^ 

Opium.. • 1  ^^ 

E.  Traitement  par  la  méthode  révulsive  ou  pertur- 
batrice   1  ^"^ 

F.  Traitement  dirigé  contre  les  complications i53 

Thérapeutique  empirique i54 

I,  Médîcaméns  internes. i54 

Acétate  d'ammoniaque ^  ^4 

Antimoine *  ^^ 


Cigùe, 


55 


(  175  ) 

Pages. 

CoccLonella  septem  punctata 1 56 

Hfdrochlorate  de  potasse 1 56 

Acide  hydrocyanicjue 1 5^ 

Mercure 1 58 

Strjchnine 1 59 

Oxide  de  zinc  sublimé 160 

1 1 .  Médicamens  employés  à  Textérieur 1 60 

Huile  de  crotontiglium.  —  Huile  essentielle  de  menthe. 

—  De  cajeput.  —  Éther  sulfurique 1 6a 

Teinture  d'opium,.  —  Extrait  de  belladone.  — Jus- 
quiame.  —  Sublimé  corrosif.  —  Céruse .  —  Am.m.o- 

niaque 161 

Bains 161 

Électricité 162 

Acupuncture 1 63 

Galvanisme 164 

Aimant 164 

Traitement  chirurgical 166 


FIN    DE    LA    TABLE. 


Ï.^IPRÎMERIE  ET  FONDERIE  DE  A.  PiNARD, 

QUAI    VOLTAIRE,    N^     15* 


19.Y.9. 

Considérations  pratiques  sur  Ie183; 

Countway  Library  BEI 


3   2044   045   858   4i 


i^Êm-  \ 


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J^jjK^      #       ,^  Considérations  pratiques 


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